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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19637

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19637


Tribunal administratif N° 19637 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19637 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2005 par Maître Olivier POOS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, (Etat de Serbie et Monténégro), de national...

Tribunal administratif N° 19637 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19637 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2005 par Maître Olivier POOS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 31 janvier 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 15 mars 2005, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 9 mai 2005, Maître Olivier POOS, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 15 décembre 2004, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 14 janvier 2005, elle fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 31 janvier 2005, notifiée par lettre recommandée expédiée le 9 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 28 février 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 15 mars 2005 Le 11 avril 2005, Madame … a fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles de refus précitées.

Il ressort des éléments du dossier que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, la demanderesse fait exposer qu’elle aurait quitté le Kosovo pendant la guerre pour se réfugier au Monténégro, dont elle aurait cependant été chassée en été 2004, de sorte qu’elle aurait été contrainte de retourner au Kosovo, où la population locale, à prédominance albanaise, aurait « tout fait pour la faire repartir à nouveau ».

Elle relate avoir de ce fait dû subir « maintes agressions, insultes et mêmes menaces de la part de ses voisins », et que le seul de ses voisins qui aurait essayé de la soutenir aurait été contraint de l’abandonner à son sort à cause des énormes pressions qu’il subissait. Elle affirme encore ne pas avoir pu profiter d’une possibilité de fuite interne, ni d’avoir pu bénéficier de la protection des autorités en place au Kosovo, la police locale, « uniquement constituée de personnes d’origine albanaise », n’étant pas impartiale et les troupes des Nations Unies étant impuissantes.

Elle estime dès lors en substance que le ministre aurait fait une mauvaise application de la Convention de Genève et aurait méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’elle a mis en avant pour justifier sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, la demanderesse explique avoir été logée pendant la guerre du Kosovo dans une école au Monténégro, mais celle-ci ayant été acquise par un particulier, elle aurait été contrainte de retourner au Kosovo où elle aurait eu des difficultés à vivre, ces difficultés trouvant certes leur origine dans l’attitude hostile de certains voisins, mais surtout dans l’état de misère économique et sociale dans laquelle vivait la demanderesse.

En effet, il se dégage des déclarations de la demanderesse que si elle a dû subir à plusieurs reprises des remarques menaçantes de certains voisins, d’autres voisins – albanais – sont intervenus pour la protéger. La demanderesse cite ainsi deux incidents distincts au cours desquels des individus l’auraient menacée, mais où des voisins seraient intervenus – avec succès – pour la protéger.

Il se dégage encore des propos de la demanderesse que ces menaces ont en fait pour but de l’amener à quitter ses terres, afin de permettre à certains voisins de s’en approprier.

Il en résulte que la demanderesse n’a pas fait l’objet de persécutions spécifiques au sens de la Convention de Genève laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il y a encore lieu de relever que les persécutions dont fait état la demanderesse, émanant apparemment de certains éléments de la population locale albanaise, proviennent de tiers et non pas de l’Etat, de sorte qu’il appartient à la demanderesse de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

La demanderesse n’a cependant pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’elle n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Bien au contraire, il ressort du rapport d’audition de la demanderesse qu’elle n’a entrepris aucune démarche auprès des autorités pour tenter d’obtenir leur protection.

Force est par ailleurs de constater que la demanderesse avance encore comme raison de sa fuite sa situation économique et sociale (« Je n’ai pas de quoi vivre puisque je n’ai pas de rente et je suis venue ici afin de voir ce que vous pouvez me donner (…) je n’ai pas de retraite et donc pas de revenus et en plus j’y étais toute seule »).

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie pour soi-même, bien que humainement compréhensibles, ne constituent cependant pas un motif d’obtention du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

C’est partant à juste titre que le ministre a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée. Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19637
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19637 ?

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