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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19172

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19172


Tribunal administratif N° 19172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de garantie de salaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2005 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réfo

rmation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration de l’Emploi du...

Tribunal administratif N° 19172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de garantie de salaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2005 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 10 décembre 2004 portant refus de garantie de créances salariales à défaut de permis de travail ayant existé dans son chef pour la période concernée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2005 par Maître Jean TONNAR au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision directoriale du 10 décembre 2004 déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Mathias PONCIN, en remplacement de Maître Jean TONNAR et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportés aux écrits respectifs de leurs parties à l’audience publique du 2 mai 2005.

Considérant que suivant jugement du 1er avril 2004, le tribunal du travail de Luxembourg condamna la société à responsabilité limitée … sàrl à payer à son salarié, Monsieur … le montant de 5.432,49 € représentant l’équivalent du solde du mois de septembre 2003, ainsi que les salaires des mois d’octobre et novembre 2003, ainsi qu’une indemnité de procédure de 500 € ;

Que suite à une procédure d’exécution forcée restée infructueuse, la société à responsabilité limitée … sàrl a été déclarée en état de faillite, notamment sur assignation de la part de Monsieur …, par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 juillet 2004 ;

Que la déclaration de créance de Monsieur … dans ladite faillite a été acceptée au titre des revendications salariales toisées par le jugement prédit, mais ne put être réglée par le curateur faute d’actif ;

Que sur sa demande en obtention de la garantie salariale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, Monsieur … se vit notifier en date du 10 décembre 2004 une décision de refus du directeur de l’administration de l’Emploi au motif qu’il n’a pas été en possession d’un permis de travail, celui-ci constituant l’autorisation prévue par la loi pour occuper un emploi sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que c’est contre cette décision directoriale de refus que Monsieur … a fait introduire en date du 17 janvier 2005 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Considérant que l’Etat s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et dans les délais ;

Considérant qu’aucune disposition légale ne prévoyant un recours en réformation en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’à l’appui de son recours le demandeur fait valoir que c’est suite à la faillite de son précédent employeur, la société … GmbH, qu’il a trouvé un emploi auprès de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., poste qui lui aurait été indiqué par l’administration de l’Emploi elle-même ;

Qu’il aurait été affilié auprès du Centre commun de la sécurité sociale et aurait cotisé auprès des différentes caisses tout au long de son occupation ;

Que par arrêté du 9 août 2004 du ministre du Travail et de l’Emploi, il a été déclaré illigible pour l’attribution de l’aide au remplois au sens du règlement grand-ducal du 17 juin 1994 fixant les modalités et conditions d’attribution d’une aide au réemploi ;

Que s’il y avait eu carence de la part de son employeur concernant les démarches d’autorisation concrètes, il ne saurait en pâtir personnellement ;

Que le délégué du Gouvernement de faire valoir que la décision déférée se justifie en ce que le demandeur n’a pas été en possession d’un permis de travail valable, fait auquel s’ajouterait que la société … n’aurait pas été non plus en possession d’une autorisation d’établissement du fait des antécédents des associés en matière de faillite ;

Que le demandeur de répliquer que les dysfonctionnements ayant existé au niveau de l’employeur, la société … sàrl, lui serait inopposable, de sorte qu’ils ne sauraient être mis à sa charge ;

Considérant que l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989, pris sur transposition de la directive modifiée n° 80/987/CEE du Conseil relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, dispose « (1) En cas de faillite de l’employeur, le fonds pour l’emploi garantit les créances résultant du contrat de travail sous les conditions et dans les limites fixées au présent article.

(2) Sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101, paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail.

(3) En cas de continuation des affaires par le curateur de la faillite, la garantie visée au présent article est applicable, dans les limites visées à l’alinéa qui précède, aux créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié le jour de la résiliation du contrat de travail et celles résultant de la résiliation du contrat de travail.

(4) Pour l’application des dispositions des alinéas qui précèdent, sont considérées les créances de rémunération et d’indemnité, déduction faite des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires et de traitements. ;

(5) Le droit à la garantie s´ouvre pour le salarié, lorsque les créances visées au présent article ne peuvent être payées, en tout ou en partie, sur les fonds disponibles dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement déclaratif de la faillite.

(6) A la demande du curateur, le fonds pour l´emploi verse aux salariés, dans les limites visées au présent article, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge-commissaire et vérifié par l´administration de l´emploi. Le relevé prévu au présent alinéa peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-verbal de vérification des créances.

(7) Le fonds pour l´emploi peut verser les sommes garanties par le présent article même en cas de contestation par un tiers.

(8) Le fonds pour l´emploi se trouve subrogé dans les droits du salarié auquel il a payé les créances dans les conditions prévues au présent article. » ;

Considérant que la directive 80/987/CEE du Conseil à la base de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, s’applique, d’après son article premier « aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1 » ;

Considérant que la directive, dans une idée de protection des salariés visés, ne prévoit pas d’exclusions sauf l’existence d’autres formes de garanties assurant aux intéressés une protection équivalente à celle qui résulte de ladite directive (article 1er paragraphes 2 et 3) et la faculté pour les Etats membres prévue à l’article 10 a) « de prendre des mesures nécessaires en vue d’éviter des abus » ;

Considérant qu’à défaut d’exclusions légalement prévues au titre de la garantie salariale de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989, notamment sur base des prévisions de l’article 10 de la directive modifiée 80/987/CEE du Conseil, la décision directoriale déférée n’a pas pu valablement exclure du bénéfice de la garantie salariale le salarié non-communautaire par ailleurs fiscalement et socialement traité, en l’état des informations soumises au tribunal, par les autorités étatiques compétentes comme s’il disposait d’un permis de travail valable (cf. trib. adm. 2 mars 2005, n°s 18601 à 18609 du rôle, disponibles sur internet www.ja.etat.lu) ;

Considérant que la relation de salarié devant s’analyser in concreto entre l’employeur, failli par hypothèse, et la partie demanderesse sollicitant le bénéfice de la garantie salariale, elle ne saurait être valablement tenue en échec notamment par l’absence d’un permis de travail dans le chef du demandeur ou la carence d’une autorisation d’établissement dans le chef de son employeur, à défaut de dispositions légales d’exclusion y relatives au titre de la garantie salariale en question ;

Qu’en l’absence de dispositions légales d’exclusion, un refus de garantie salariale se justifie d’autant moins que la position de l’Etat s’avère être ambivalente dans ce sens que l’emploi à la base de la demande de garantie salariale a été décroché, de façon vérifiée, par Monsieur KOCAN, par l’intermédiaire de l’administration de l’Emploi et que le demandeur a été régulièrement affilié auprès des organismes de la sécurité sociale ;

Que plus particulièrement dans ce contexte il a pu bénéficier d’une indemnité pécuniaire de maladie durant son emploi auprès de la société … s.à r.l. ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée encourt l’annulation concernant le principe même de l’exclusion de la partie demanderesse du bénéfice de la garantie salariale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, tel que conditionné par la directive modifiée 80/987/CEE du Conseil ;

Que la décision directoriale annulée ayant porté sur le principe même de l’éligibilité de la partie demanderesse en tant que bénéficiaire de la garantie salariale, il convient de renvoyer le dossier devant ladite instance en prosécution de cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision directoriale déférée du 10 décembre 2004 ;

renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le directeur de l’administration de l’Emploi ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19172
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19172 ?

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