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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19141

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19141


Tribunal administratif N° 19141 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19141 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbie et Monténég

ro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformati...

Tribunal administratif N° 19141 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19141 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 octobre 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 décembre 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 25 avril 2005.

Monsieur … introduisit en date du 25 mai 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 11 juin 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 21 octobre 2004, lui envoyée par courrier recommandé daté du 27 octobre 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’aucune de ses assertions ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de l’article premier A, 2 de la Convention de Genève.

Le 29 novembre 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 8 décembre 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus citées ci-avant.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision ministérielle devrait être réformée pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits au motif que l’autorité administrative aurait fait une mauvaise appréciation des faits d’espèce. Il rappelle qu’il serait un activiste politique et qu’après avoir été membre du parti SDP il aurait adhéré au parti SDA, mais que ce changement lui serait reproché par certains membres de son ancien parti qui le menaceraient. Il ajoute que la situation en Bosnie-Herzégovine serait trop instable et démocratiquement précaire, de sorte qu’il ne pourrait obtenir de la part des autorités en place une protection adéquate.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de retenir que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est à constater que Monsieur … se prévaut de menaces émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées, d’ailleurs non autrement identifiées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, il y a lieu de relever qu’une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile.

En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce le demandeur n’a ni démontré que les autorités en place encourageraient ou toléreraient de tels actes, ni n’a-t-il démontré que celles-ci auraient été dans l’incapacité de le protéger, le demandeur, bien au contraire, ayant renoncé à porter plainte ou à requérir la protection des autorités.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19141
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19141 ?

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