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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19096

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19096


Tribunal administratif N° 19096 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19096 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Se

rbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrinne, demeurant actuellement à L-…, tendan...

Tribunal administratif N° 19096 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19096 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrinne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 novembre 2004 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier et plus particulièrement la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s‘étant rapportée aux écrits de la partie publique à l’audience publique du 2 mai 2005.

Monsieur … a introduit en date du 10 avril 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Par une décision du 11 juillet 2002, le ministre de la Justice refusa à Monsieur …le statut de réfugié.

Cette procédure d’asile fut définitivement clôturée par un arrêt de la Cour administrative du 16 octobre 2003 (n° du rôle 16513C) confirmant un jugement du tribunal administratif du 19 mai 2003 déclarant le recours introduit par Monsieur … à l’encontre la décision ministérielle lui refusant le statut de réfugié non fondé.

Le 18 octobre 2004, Monsieur … introduisit auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en obtention d’une autorisation de séjour en invoquant notamment le regroupement familial avec son frère, le fait qu’il bénéficierait actuellement d’un contrat à durée déterminée et que son employeur aurait promis de l’embaucher.

Le 8 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’autorisation de séjour à Monsieur … aux motifs qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants et que, par ailleurs, il n’a pas fait état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par requête déposée en date du 30 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 8 novembre 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au motif invoqué du défaut de moyens d’existence personnels, Monsieur … expose qu’il aurait une promesse d’embauche ferme auprès d’une entreprise de jardinage.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : …qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront dès lors être refusés notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

Etant donné que l’article 26 de la loi du 28 mars 1972 précitée dispose qu’ « aucun travailleur étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail », l’étranger n’étant pas en possession d’un permis de travail et n’étant dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, ne justifie pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que Monsieur … était, à la date de la décision ministérielle critiquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnait à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels suffisants.

Pour le surplus le demandeur reste en défaut d’apporter la preuve qu’il serait capable de subvenir à ses besoins par d’autres moyens que par le travail, de sorte que le ministre a en principe valablement pu se fonder sur l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 en invoquant un défaut de moyens personnels suffisants dans le chef de Monsieur … pour lui refuser la délivrance d’une autorisation de séjour.

Le demandeur se prévaut ensuite de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose que :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont fait état le demandeur pour conclure dans son chef à l’existence d’un droit à la protection d’une vie familiale par le biais des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est, le cas échéant, de nature à tenir en échec la législation nationale.

En l’espèce, Monsieur … invoque l’existence d’une cellule familiale entre lui-

même et son frère…, qui l’aurait soutenu tout au long de son séjour au Luxembourg.

Il échet tout d’abord de relever qu’il n’est ni allégué ni établi qu’une vie familiale effective ait existé entre Monsieur … et son frère, d’autant plus qu’il résulte des pièces versées au dossier que Monsieur … a habité à I… et son frère à…, même si actuellement le mandataire de Monsieur … indique comme lieu de résidence de son mandant …. Le seul élément dont le tribunal dispose est l’affirmation que Monsieur … aurait soutenu son frère tout au long de son séjour au Luxembourg. Il convient encore d’ajouter que Monsieur … n’a pas non plus fait état du moindre élément justifiant qu’il ne serait pas en mesure de s’installer dans son pays d’origine. Or, faute d’éléments permettant de dégager l’existence de relations familiales effectives, le tribunal est dès lors amené à retenir que le demandeur ne tombe pas sous le champ d’application de ladite disposition à défaut d’avoir établi l’existence d’une vie familiale effective, de sorte que son moyen doit être rejeté pour manquer de fondement.

Quant aux raisons humanitaires résultant prétendument de l’état de sa fille …, invoquées dans le cadre du mémoire en réplique, force est de constater qu’il y a lieu d’analyser, dans le cadre d’un recours en annulation, la décision au jour où elle a été prise. Etant donné que la décision litigieuse date du 8 novembre 2004 et que Monsieur … n’a aucunement fait état de raisons humanitaires ayant trait à l’état de sa fille … dans le cadre de sa demande introduite le 18 octobre 2004, le tribunal ne saurait actuellement prendre cet élément en considération, étant donné qu’il n’a pas été soumis au ministre au moment de la prise de la décision litigieuse en date du 8 novembre 2004.

Il en est de même de l’invocation du statut toujours incertain du Kosovo.

Par ailleurs, ni l’état de santé de la fille du demandeur, ni la situation actuelle au Kosovo, telles que documentés en l’espèce par le demandeur, ne sauraient fonder l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais, Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19096
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19096 ?

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