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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19017

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 19017


Tribunal administratif N° 19017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19017 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2004 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant

à L-…., tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Clas...

Tribunal administratif N° 19017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19017 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2004 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…., tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 7 décembre 2004 refusant l’autorisation d’établissement à la société … en vue de l’exercice de l’activité de services de conseils en implantation et gestion d’entreprise ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Gaston VOGEL déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ferdinand BOURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 25 avril 2005.

Le 21 septembre 2004, Monsieur … sollicita l’autorisation d’établissement en vue de l’exercice de l’activité de conseils en implantation et gestion d’entreprises au nom de la société …SA, auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-

après désigné par « le ministre ».

Le 29 novembre 2004, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après dénommée « la loi d’établissement », émit un avis défavorable suite à la demande présentée par Monsieur ….

Par une décision du 7 décembre 2004, le ministre refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Il en résulte que le gérant Monsieur … ne remplit pas la condition de qualification professionnelle requise pour l’exercice des professions de conseil économique et d’expert-

comptable.

En effet, la profession de conseil économique est soumise à la détention d’un diplôme de niveau universitaire, sanctionnant un cycle d’au moins trois années dans les disciplines dans lesquelles ces prestations sont fournies conformément aux dispositions de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et celles de l’article 19, (1), f) de la loi du 28 décembre 1988.

En ce qui concerne la partie de votre requête visant l’exercice de la profession d’expert-comptable, je vous informe qu’il est soumis à la possession d’un des titres prévus à la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 ou à l’article 19, (1), c) et (2) de la loi susmentionnée, sanctionnant un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières ou certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable.

Par ailleurs, afin d’être complet, ces preuves de qualification sont à compléter par un stage de trois années dans la branche après l’obtention du diplôme, dont une année au moins auprès d’un expert-comptable dûment établi, conformément à l’article 19, (1), c) précité.

Or, à défaut de précisions quant aux études antérieures à l’obtention du diplôme de « Master » de Monsieur … et étant donné que son diplôme ne porte pas sur les spécialités requises, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3 de la loi susmentionnée. » Le 16 décembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 7 décembre 2004.

Etant donné que l’article 2, alinéa 6 de la loi d’établissement précise que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisations d’établissement, le tribunal administratif n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal.

L’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai de la loi et soutient qu’il serait irrecevable pour avoir été introduit par Monsieur … en nom personnel au motif que tant la demande que la décision de refus viseraient la société … SA.

Aux termes de l’article 3 de la loi d’établissement, « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles… S’il s’agit d’une société, les dirigeants devront satisfaire aux conditions imposées aux particuliers. Il suffit que les conditions de qualification professionnelle soient remplies par le chef d’entreprise ou par la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise ».

En l’espèce, il est constant que la qualification professionnelle a été analysée dans le chef de Monsieur …, en tant qu’administrateur de la société … SA, lequel doit satisfaire aux conditions de qualification professionnelle.

Dans ces conditions Monsieur …, administrateur de la société … SA, a un intérêt suffisant pour voir contrôler la légalité de la décision de refus déférée.

Le recours en annulation, qui a été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Il résulte des pièces versées que l’autorisation d’établissement est demandée en vue de l’exercice de l’activité de « services de conseils en implantation et gestion d’entreprises ».

Les parties sont en désaccord en ce qui concerne la qualification de cette activité professionnelle.

Le ministre estime que cette activité tombe dans le champ d’activités des professions libérales d’expert-comptable et de conseil économique, tandis que Monsieur … précise qu’il n’aurait en aucun moment demandé d’exercer la profession d’expert-comptable, alors qu’il n’aurait jamais contesté que cette autorisation ne pourrait lui être accordée.

Il est constant que Monsieur …, dans le cadre de la demande datée du 21 septembre 2004, n’a pas demandé pour compte de la société … SA l’autorisation afin de pouvoir exercer la profession d’expert comptable et qu’il persiste à souligner au cours de la procédure contentieuse qu’il demande seulement l’autorisation d’établissement en tant que conseil économique. A cela s’ajoute que les affirmations de Monsieur … en ce qu’il ne conteste pas qu’il n’a pas les qualifications requises pour obtenir l’autorisation d’établissement en tant qu’expert-comptable sont corroborées par les pièces versées au dossier. En effet si Monsieur … avait demandé le 3 avril 2003 l’autorisation d’établissement en vue de l’exercice de l’activité d’expert-comptable pour le compte d’une société Consulting sàrl, il ressort du dossier administratif que cette autorisation qui lui a été refusée le 11 juin 2003 pour défaut d’accomplissement dans son chef des conditions de capacité professionnelles, sans que Monsieur … n’ait critiqué cette décision, que ce soit dans le cadre d’un recours administratif ou dans le cadre d’un recours contentieux, de sorte qu’il est à considérer comme ayant accepté cette décision.

Par ailleurs, si le ministre a analysé la demande présentée comme tombant également dans le champ d’activité de la profession d’expert-comptable à cause de l’objet social de la société … SA en ce qu’il vise la domiciliation de sociétés, activité réservée par la loi du 31 mai 1999 à certains professionnels clairement désignés parmi lesquels figure notamment l’expert-comptable et non le conseil économique, il y a lieu de noter qu’il appartient exclusivement au ministre de vérifier que l’objet social englobe au moins l’activité qu’une personne morale entend exercer, ce qui est bien le cas en l’espèce, et au sujet de laquelle elle sollicite l’autorisation conformément à la loi d’établissement1, de sorte que le ministre ne saurait se prévaloir de l’activité de domiciliation d’entreprise indiquée dans l’objet social de la société … SA pour qualifier la demande comme visant également à obtenir l’autorisation d’établissement en tant qu’expert-comptable.

Pour le surplus le ministre reste muet, hormis la simple affirmation non autrement étayée que tant la demande que l’objet social concordent pour situer les activités envisagées dans les professions de conseil économique et d’expert-comptable, sur les considérations juridiques l’ayant poussé à analyser la demande introduite par Monsieur … sous ce double aspect, de sorte que la simple référence à l’objet social de la société … SA ne saurait suffire pour arrêter la qualification retenue en présence des termes clairs de la demande introduite comme visant « l’activité de services de conseils en implantation et gestion d’entreprise ».

Etant donné qu’il appartient au ministre d’analyser la demande dans les limites de l’autorisation sollicitée, celui-ci n’a pas pu élargir l’objet de la demande en tant que demande visant aussi bien l’activité d’expert-comptable que celle de conseil économique, de sorte que le volet de la décision ministérielle du 7 décembre 2004 ayant trait à l’activité d’expert-

comptable encourt l’annulation de ce chef pour avoir statué ultra petita, au-delà de ce qui a été demandé.

En ce qui concerne l’activité de conseil économique, Monsieur … fait valoir qu’il est titulaire d’un diplôme DESS-CAAE portant sur deux années d’études universitaires, mais que pour le surplus il serait titulaire de certificats professionnels en fiscalité et en comptabilité émis par l’Institut de formation des banques (IFBL), d’un agrément délivré par le ministre des Transports l’autorisant à exercer la profession de dirigeant d’entreprise maritime et qu’il bénéficierait d’une expérience professionnelle de plus de 10 ans dans le secteur de l’implantation et de la gestion d’entreprises, de sorte que ses compétences professionnelles en matière de conseil économique devraient être reconnues.

En l’espèce il résulte des pièces versées au dossier que Monsieur … justifie d’un « diplôme d’études supérieures spécialisées, grade de Master, Certificat d’aptitude à l’administration des entreprises » délivré par l’université de NANCY 2 en date du 13 février 2003. Monsieur … a expliqué que la formation ainsi suivie s’est déroulée sur deux années universitaires mais qu’il estime néanmoins remplir les conditions pour bénéficier d’une autorisation d’établissement pour l’activité de conseil économique.

L’article pertinent applicable en l’espèce est l’article 19, paragraphe 1, lit. f) de la loi d’établissement dans sa version résultant de la loi du 9 juillet 2004 qui dispose :

« Une autorisation d'établissement pour l'activité de conseil économique consistant dans la prestation, à titre professionnel, de services et de conseils en matière micro- et macroéconomique ainsi qu'en gestion d'entreprise et toutes prestations de services annexes ou complémentaires sera accordée par le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d'établissement aux personnes justifiant d'un diplôme universitaire ou d’enseignement supérieur ou d’un certificat de fins d’études universitaires ou d’enseignement supérieur, délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège 1 Cf. CA 1er février 2005, n° 18786 du rôle confirmant TA 20 septembre 2004, n° 17629 du rôle de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières, en gestion d’entreprises, en droit des affaires ou certifiant la qualification professionnelle pour l'exercice de la profession de conseil économique. ».

En l’espèce s’il est certes constant que Monsieur … n’a pas accompli un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières, en gestion d’entreprises, en droit des affaires, il n’en reste pas moins que le ministre n’a pas analysé si ledit diplôme certifie la qualification professionnelle pour l'exercice de la profession de conseil économique.

En effet l’article en question envisage deux hypothèses distinctes à savoir :

la justification d’un diplôme ou d’un certificat délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement :

et - sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet de trois années d’études en sciences économiques, commerciales, financières, en gestion d’entreprises, en droit des affaires ou - certifiant la qualification professionnelle pour l'exercice de la profession de conseil économique.

-

Il en résulte que la décision litigieuse encourt également l’annulation de ce chef, étant donné que le ministre a omis de porter l’analyse du diplôme lui soumis par rapport à la deuxième hypothèse pourtant formellement envisagée par l’article 19, paragraphe 1), lit. f) de la loi d’établissement in fine, à savoir celle de savoir si ledit diplôme certifie la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession de conseil économique, mettant ainsi le juge administratif dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de légalité par rapport à cette hypothèse spécifique.

Etant donné que la décision litigieuse encourt l’annulation des chefs sus-énoncés, il n’y a pas lieu d’analyser les autres moyens proposés.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

annule la décision déférée et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19017
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;19017 ?

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