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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°18993

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 18993


Tribunal administratif N° 18993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Mademoiselle … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18993 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle …, née le … (Al

banie), de nationalité albanaise, ainsi que de Mademoiselle …, née le …, de nationalité alba...

Tribunal administratif N° 18993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Mademoiselle … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18993 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle …, née le … (Albanie), de nationalité albanaise, ainsi que de Mademoiselle …, née le …, de nationalité albanaise, agissant en sa qualité de tutrice légale de sa sœur mineur …, demeurant toutes les deux ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 septembre 2004, refusant d’accorder à Mademoiselle … le statut de réfugié ainsi que d’une décision confirmative rendue par le même ministre sur recours gracieux en date du 8 novembre 2004, notifiée le 11 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, en présence de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Claude DERBAL, et de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui se sont tous les deux référés au mémoires écrits de leurs parties respectives.

En date du 9 février 2004, Mademoiselle … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 21 juillet 2004, Mademoiselle … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 13 septembre 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 22 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’ informa de ce que sa demande était rejetée comme non fondée au motif qu’elle resterait en défaut de faire état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’elle n’entendait vivre au Luxembourg que pour des raisons de convenance personnelle. Le ministre a relevé dans ce contexte que le fait de vouloir terminer sa scolarité au Luxembourg ne serait pas une raison pour obtenir le statut de réfugié tout en constatant qu’elle n’aurait jamais eu de problèmes en Albanie et qu’elle n’y craindrait rien ni personne.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire le 15 octobre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 8 novembre 2004, notifiée à la demanderesse le lendemain 9 novembre 2004.

Par requête déposée le 13 décembre 2004, Mademoiselle …, ainsi que sa sœur, … … agissant en sa qualité de tutrice légale de …, ont fait introduire un recours tendant à la réformation des deux décisions prévisées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 13 septembre et 8 novembre 2004.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demanderesses font valoir que le père de … aurait exercé un activisme politique développé en Albanie pour le parti démocratique dont il aurait été le président de la troisième section de Shkoder de janvier 1991 jusqu’en 1994, sans préjudice quant à la date exacte, pour exercer ensuite de 1994 à 1996 les fonctions de sous-président du syndicat de l’union des syndicats indépendants albanais, et, à compter de 1996, qu’il aurait renoncé à son emploi de mécanicien pour exercer à plein temps les fonctions de président du syndicat indépendant agricole de toute l’Albanie. En cette qualité, Monsieur … aurait organisé des manifestations à l’encontre du régime communiste, ce qui aurait donné lieu à des mesures de persécution à son encontre. Ainsi, il aurait été blessé par balle lors de manifestations organisées par le parti démocratique à Shkoder en 1992 et 1996 et, à la suite de manifestations syndicales au courant du mois de février 1997, lui-même et ses camarades syndicaux auraient été appréhendés et retenus illégalement pendant trois jours par la police albanaise qui aurait exercé à leur endroit des contraintes afin qu’ils n’organisent plus de manifestation contre le pouvoir. Par la suite, Monsieur … aurait reçu des menaces de mort à l’encontre de sa personne et de sa famille, dont notamment la demanderesse …, de sorte que face à ces menaces, il aurait décidé de quitter l’Albanie.

Après avoir déposé une première demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg le 16 mai 1997, la famille …, confrontée à une excessive longueur de la procédure d’asile, se serait expatriée illégalement vers le Canada. Entre-temps la famille … aurait été contrainte de quitter à nouveau le Canada et se serait installée au Monténégro, faute de pouvoir regagner son pays d’origine par crainte de persécutions. La demanderesse … aurait cependant mal vécu cette résidence forcée au Monténégro, de sorte à avoir été envoyée auprès de sa grand-mère en Albanie. Dans la mesure où elle aurait également très mal vécu la coupure avec sa famille proche et le choc des générations entre sa grand-mère et elle-même, elle aurait tenté de se rapprocher de sa sœur aînée … … légalement établie au Grand-Duché de Luxembourg.

Les demanderesses reprochent au ministre de ne pas avoir pris en considération la situation de leur père et les documents remis dans le cadre de la demande d’asile initialement formulée le 16 mai 1997.

Le délégué du Gouvernement conclut au bien fondé des décisions déférées. Il relève plus particulièrement que la situation politique en Albanie s’est considérablement stabilisée et que les ennuis de leur père auxquels se réfèrent les demanderesses se rapportent aux années 1990, soit à une époque qui ne saurait plus servir de référence utile à l’heure actuelle. Il relève en outre que la demanderesse n’a invoqué aucune persécution personnellement subie et qu’elle a pu vivre ses problèmes en Albanie auprès de sa grand-

mère.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 12).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse … lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, tel que relevé à juste titre par le délégué du Gouvernement, il se dégage clairement des déclarations de la demanderesse qu’elle n’a pas personnellement subi de persécutions et qu’elle cherche surtout à rejoindre sa sœur au Grand-Duché de Luxembourg afin de bénéficier d’un meilleur avenir qu’en Albanie, sans pour autant fournir le moindre élément tangible permettant d’établir qu’elle risquerait encore à l’heure actuelle de subir des persécutions en raison des activités politiques déployées à l’époque par son père.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demanderesse n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans le chef de Mademoiselle ….

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par:

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13.5.05 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18993
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;18993 ?

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