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11/05/2005 | LUXEMBOURG | N°18843

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 mai 2005, 18843


Tribunal administratif N° 18843 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …(D) contre un bulletin du bureau d’imposition Luxembourg Y en matière de restitution d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18843 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2004 par Monsieur …, demeurant à D-… , ayant élu domicile pour la présente affaire auprès de la société …, à l’encontre d’un bulletin du bureau d’imp

osition Luxembourg Y, section des personnes physiques de l’administration des Contributions direc...

Tribunal administratif N° 18843 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2004 Audience publique du 11 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …(D) contre un bulletin du bureau d’imposition Luxembourg Y en matière de restitution d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18843 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2004 par Monsieur …, demeurant à D-… , ayant élu domicile pour la présente affaire auprès de la société …, à l’encontre d’un bulletin du bureau d’imposition Luxembourg Y, section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, pris en date du 19 décembre 2003 en ce qu’il a rejeté la demande en restitution d’impôts pour les années 1994 à 1997 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2005 par Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2005 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 avril 2005.

Par deux décisions datées du 16 octobre 2002, le directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « directeur », statuant sur deux réclamations introduites respectivement le 12 février 2001 et le 31 janvier 2002 par Monsieur … et visant les bulletins d’impôt sur le revenu des années 1998 et 1999, déclara lesdites réclamations fondées et retint que Monsieur … ne serait pas assujetti à l’impôt luxembourgeois. Il a par conséquent annulé les bulletins d’impôts émis pour les années 1998 et 1999 et fixé les cotes d’impôt respectives à zéro franc.

En date du 14 janvier 2003, Monsieur … introduisit un recours contre les prédites décisions directoriales. Par jugement du tribunal administratif du 12 juin 2003, le recours fût déclaré irrecevable à défaut d’intérêt établi dans le chef du demandeur.

Par courriers des 16 avril et 9 juin 2003, respectivement 30 juin 2003, Monsieur … demanda au préposé du bureau d’imposition Luxembourg Y, ainsi qu’au directeur de l’administration des Contributions directes, la restitution des impôts concernant les années 1994 à 1997, au motif que « die Einkommensteuerbescheide der Jahre 1994 bis 1997 wurden gem. § 91 AO nicht vorschriftsmässig zugestellt und können somit nicht rechtskräftig geworden sein. Sie wurden an meine Anschrift in Deutschland gerichtet, obwohl eine Zustelladresse im Grossherzogtum mitgeteilt war ». Dans son courrier du 30 juin 2003, il précisa que par décision du tribunal administratif, il ne serait pas assujetti à l’impôt luxembourgeois.

Le directeur l’informa, par courrier du 10 décembre 2003, que sa demande en restitution des impôts relatifs aux années 1994 à 1997 a été transmise au préposé du bureau d’imposition compétent.

Par décision du 19 décembre 2003, le préposé du bureau d’imposition Luxembourg Y informa Monsieur … de ce que « Ihr Antrag auf Rückerstattung der für die Jahre 1994 bis 1997 abgeführten Steuern ist mir vom Herrn Steuerdirektor übermittelt worden.

In Erwägung, dass gemäss § 150 AO das zuständige Finanzamt über einen Erstattungsantrag zu befinden hat;

In Erwägung, dass § 150 AO eine Erstattung aus Rechtsgründen vorsieht, meines Erachtens aber in Ihrem Fall für die Jahre 1994 bis 1997 kein Rechtsgrund vorliegt, der eine Erstattung der entrichteten Einkommensteuer rechtfertigen würde, kann ich Ihrem Rückerstattungsantrag keine Folge leisten und weise ihn als unbegründet zurück».

A la suite de cette décision, qui est à qualifier de bulletin de refus de restitution d’impôt conformément au § 150 (2) AO, Monsieur … adressa à nouveau un courrier au préposé du bureau d’imposition Luxembourg Y daté du 4 janvier 2004, dans lequel il exposa encore une fois ses moyens pour obtenir la restitution des impôts et il précisa que « Meine Anfechtung greift auf § 152 (1) AO wonach Steuern zu erstatten sind, wenn diese zu Unrecht beigetrieben sind ».

Par courrier du même jour, il s’adressa également au directeur pour contester la décision du 19 décembre 2003.

Sa réclamation du 4 janvier 2004 à l’encontre du bulletin de refus de restitution d’impôt concernant les années 1994 à 1997 n’ayant pas été toisée par une décision du directeur, Monsieur … introduisit, par requête déposée le 10 novembre 2004, un recours contentieux à l’encontre du prédit bulletin du 19 décembre 2003.

Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre, compte tenu de l’objet du recours que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi (cf. trib.

adm. 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, p.

662).

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 235 (5) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de restitution d’impôt en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions direct ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ce même bulletin. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Monsieur ….

Le recours est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En présence des dispositions de l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dont l’alinéa (1) confère au délégué du Gouvernement un délai de trois mois pour fournir sa réponse à la requête introductive et dont l’alinéa (5) dispose que ce délai est prévu à peine de forclusion, le tribunal a été amené à vérifier d’office si le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé le 11 février 2005 répond aux exigences de délai ainsi posées, les dispositions prévisées étant à considérer comme étant d’ordre public en tant que touchant à l’organisation juridictionnelle (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607, Pas. adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 363).

La question a été librement discuté à l’audience où le délégué du Gouvernement a admis que même le retard d’un jour peut rendre le mémoire tardif.

La requête introductive d’instance sous analyse ayant été déposée le 10 novembre 2004, le délai pour le dépôt des mémoires en réponse a expiré le 10 février 2005. Il s’ensuit qu’à défaut de prorogation du délai accordée par voie d’ordonnance, le mémoire en réponse susvisé du délégué du Gouvernement a été déposé tardivement et doit être écarté. Dans la mesure où le mémoire en réplique déposé par Monsieur … ne constitue que la prise de position par rapport au mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, il est pareillement à écarter.

Le même sort frappe le mémoire en duplique.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut en premier lieu à l’irrégularité des bulletins d’impôt sur le revenu des années 1994 à 1997 dans la mesure où ils n’auraient pas été notifiés à son adresse à Luxembourg auprès de son représentant fiscal (Zustellungsadresse), mais à son domicile en Allemagne, de sorte que les prédits bulletins ne lui seraient pas opposables (unwirksam) en vertu des dispositions du § 91 AO.

Il fait valoir, en deuxième lieu, que conformément au § 152 (1) AO, les impôts indûment payés sont à restituer.

Il convient en premier lieu de situer le litige dans la mesure où il a trait à un problème particulier tenant à l’organisation administrative en ce qui concerne les bulletins visés au chiffre 5 du § 235 AO. En effet, le § 235 AO concerne en principe des décisions prises par les préposés des bureaux d’imposition au cours de la procédure d’imposition. Le paragraphe 5 vise des décisions qui concernent non pas l’établissement, mais le recouvrement des impôts.

En effet, la perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean OLINGER, Le droit fiscal, ETUDES FISCALES nos 93-95, p. 63). Un bulletin de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où il se limite à la seule détermination des bases d’imposition et à la fixation de la cote d’impôt sur le revenu y relative, ne porte que sur les deux premières phases. Les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt ou son droit de se voir restituer un impôt déjà payé relèvent par contre de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de la réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et du paragraphe 151 AO un droit au remboursement du trop-payé d’impôt sur le revenu. Dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, elle doit, conformément au paragraphe 150 (2) AO, matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement de l’impôt et soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

Le § 235 (5) AO dispose : « (Die Rechtsmittel der §§ 228 bis 230 sind ferner gegeben) gegen Bescheide über Erstattungs- und Vergütungsansprüche, die aus Rechtsgründen zugelassen sind ».

Les termes « Erstattungs- und Vergütungsansprüche » visent les demandes de restitution d’impôt, visées aux §§ 150 à 158 AO.

Le § 152 (1) dispose comme suit : «Ist eine Steuer zu Unrecht beigetrieben, weil der Steueranspruch erloschen oder gestundet war oder das Zwangsverfahren gegen den, gegen den es gerichtet war, nicht hätte erfolgen dürfen, oder ist eine Steuer doppelt bezahlt, so ist der zu Unrecht bezahlte Betrag zu erstatten » Le texte permet au contribuable de réclamer le remboursement des impôts qui ont été acquittés à tort.

En l’espèce, s’il est vrai que le recours a trait à une demande en restitution d’impôt, de sorte que le demandeur, en se basant sur les dispositions du § 152 AO s’est placé dans le cadre juridique prévu par la loi, néanmoins à travers les moyens développés dans le recours, le demandeur tend en définitive à contester la régularité des bulletins d’impôt à la base de la demande en restitution d’impôt.

A ce sujet, il convient de relever, que le recours sous analyse, déférant le bulletin de non restitution d’impôt, n’est pas dirigé contre les bulletins d’impôt sur le revenu des années 1994 à 1997, alors même que le demandeur critique les bulletins en soutenant qu’ils n’auraient pas été valablement notifiés et qu’une décision du tribunal administratif aurait constaté son non assujettissement à l’impôt luxembourgeois.

Force est de constater, comme l’a relevé à juste titre le préposé du bureau d’imposition Luxembourg Y, qu’il n’existe aucune cause juridique (Rechtsgrund) permettant de retenir que les impôts, dont restitution est demandée, auraient été indûment acquittés. Au contraire, lesdits bulletins ont entre-temps acquis autorité de chose décidée à défaut d’avoir été contestés en temps utile suivant les voies de recours généralement appliqués en la matière.

Dans cet ordre d’idées, l’argumentation menée par le demandeur ne saurait être suivie par le tribunal, étant donné que le contrôle de la régularité du bulletin de l’impôt sur le revenu doit se faire dans le cadre d’un recours dirigé contre le bulletin incriminé et non pas dans le cadre d’un recours introduit contre une mesure d’exécution.

Ainsi, le raisonnement du demandeur est vicié à sa base en ce qu’il tend à dénier l’autorité de chose décidée à une décision – autorité qui fait obstacle à une contestation ultérieure sur sa régularité dans le cadre des actes qui en sont la suite nécessaire – et à déplacer le contrôle de la régularité – tant de la forme que du fond – d’un acte au stade de son exécution.

Même s’il convenait de faire une exception à ce principe en présence d’un acte « inexistant », c’est-à-dire face à un acte affecté d’irrégularités telles qu’il ne présente même plus les caractères essentiels d’une décision administrative, l’existence d’une cause d’annulation d’un acte, quelle que soit la gravité du vice, ne saurait cependant faire conclure à l’inexistence dudit acte, lequel est appelé à produire ses effets aussi longtemps qu’il n’a pas été anéanti, c’est-à-dire aussi longtemps que l’irrégularité n’a pas été sanctionnée par les autorités compétentes.

En tout état de cause, conformément aux dispositions du § 152 (3) AO, le demandeur aurait dû introduire sa demande en restitution d’impôts au cours de l’année qui suit le paiement des impôts sur base des bulletins litigieux, ce que le demandeur a omis de faire en l’espèce, de sorte que sa demande en restitution d’impôt est également à rejeter sous cet angle.

.

Sur base des considérations qui précèdent, le recours dirigé à l’encontre du bulletin de non restitution d’impôt laisse d’être fondé et doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, écarte le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, le mémoire en réplique du demandeur ainsi que le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement, reçoit le recours en réformation en la forme, le dit cependant non justifié, partant le rejette, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mai 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18843
Date de la décision : 11/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-11;18843 ?

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