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10/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19434C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2005, 19434C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19434 C Inscrit le 3 mars 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 MAI 2005 Recours formé par …, Differdange contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 2 février 2005, no 18830 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de l...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19434 C Inscrit le 3 mars 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 10 MAI 2005 Recours formé par …, Differdange contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 2 février 2005, no 18830 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2005 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, au nom de …, … à … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 2 février 2005, à la requête de l’actuel appelant contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mars 2005 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Nicolas Chely, en remplacement de Maître Louis Tinti et le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18830 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le …. à … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, a demandé la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 août 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 30 septembre 2004, suite à un recours gracieux du 22 septembre 2004.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 2 février 2005, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 3 mars 2005.

L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause, alors que ce serait à tort que les agressions subies par lui n’auraient pas été considérées comme suffisamment graves pour le faire bénéficier du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 18 mars 2005 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que … reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur telles que relatées dans le rapport d’audition du 30 juillet 2004 que celui-ci n’a pas fait l’objet de persécutions spécifiques laissant supposer un danger sérieux pour sa personne. En effet, s’il fait état de manière générale et vague d’un sentiment d’insécurité trouvant son origine dans l’attitude hostile des Albanais, il ne relate aucun incident précis laissant supposer un danger sérieux et spécifique pour sa personne, et qui justifierait sa fuite, les seuls persécutions concrètes auxquelles il aurait été exposé se limitant à des reproches verbaux : « Ce sont des mots. Cela veut dire beaucoup.(…) Ils me disent que je suis une vraie merde (…) On me l’a dit plus que dix fois. Quand je marche dans la rue j’ai peur de tout le monde ».

Il s’avère dès lors que sa fuite vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité .

2 Or, concernant cette crainte générale exprimée par le demandeur d’actes de persécution à son encontre en raison de son appartenance à la minorité goranaise de la part d’Albanais, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

A cet égard, il y a lieu de constater que suivant la version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de juin 2004 sur la situation des minorités au Kosovo, et notamment celle des Goranais : « The overall security situation of the Gorani, who are predominantly concentrated in the isolated and underdeveloped southernmost municipality of Dragash/Dragas, remained stable. With the exception of one stoning incident against a Gorani-operated bus in May 2003, no ethnically motivated incidents involving Gorani were reported. The local population, both Gorani and Albanian, continued to be exposed to insecurity arising from infiltration of criminal elements from Albania and were subjected to robberies and violence”.

Quant à leur situation après les incidents ayant eu lieu entre le 15 et le 19 mars 2004, force est de constater que les Goranais n’étaient pas la cible directe des affrontements. En effet il est relaté dans la troisième partie du rapport précité intitulée « Situation of minority groups by region in light of the turmoil in march 2004 » que « Kosovo Serbs were the primary target of inter-ethnic violence. … Finally, whereas Bosniaks and Gorani did not become a direct target of the violence, in some locations they felt sufficiently at risk that they opted for precautionary movements, or where evacuated by police, to safer places et encore « The few Bosniaks and Gorani who were displaced during the mid-March unrest have returned to their home communities. Returnees and remainees have resumed the same levels of freedoms they enjoyed prior to the events.

Enfin, dans un second rapport datant quant à lui d’août 2004, l’UNHCR souligne que « the security situation for Kosovo Bosniaks and Goranis has remained stable,with no serious incidents of violence reported » ainsi que « whereas the Bosniaks and Goranis were not directly targeted during the turmoil in March 2004, in some locations they felt insecure and opted for precautionary movements. Two families were evacuated by the police from the Bosniak Mahalla in Mitrovice/a North, while several others left on their own initiatives.

Living in a Serb neighbourhood in Fushe Kosova/Kosovo Polje and seeing their Serb neighbours being attacked, several Gorani families left their homes as a precautionary measure. No other attacks or self-imposed evacuations have been reported, although the two ethnic communities anxiously followed the unfolding developments. The events have inevitably left the communities with a heightened sense of insecurity and in a state of constant alert ».

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont l’appelant fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève de sorte que le jugement du 2 février 2005 est à confirmer.

Par ces motifs 3 la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 3 mars 2005 le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 2 février 2005 dans toute sa teneur, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19434C
Date de la décision : 10/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-10;19434c ?

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