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10/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19389C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2005, 19389C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19389 C Inscrit le 25 février 2005

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Audience publique du 10 mai 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 24 janvier 2005, no 18709 du rôle)

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19389 C Inscrit le 25 février 2005

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Audience publique du 10 mai 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 24 janvier 2005, no 18709 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 25 février 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à …(Kosovo/Etat de Serbie-et-

Monténégro) et son épouse …, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, …, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 24 janvier 2005, à la requête des actuels appelants contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires Etrangères.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et le délégué du Gouvernement Gilles Roth en ses observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18709 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … à … (Kosovo/Etat de Serbie-et-

Monténégro) et son épouse …, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, …, ont demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 juin 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 7 septembre 2004 suite à un recours gracieux des demandeurs.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 24 janvier 2005, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 25 février 2005.

Les appelants reprochent aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause alors qu’ils n’auraient aucune possibilité de fuite interne et que par ailleurs le Kosovo disposerait d’un statut incertain.

Les appelants invoquent par ailleurs l’état de santé précaire de leur enfant Enes.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 10 mars 2005 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leur audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

2 En effet, en ce qui concerne de prime abord la situation générale régnant au Kosovo, région dont les demandeurs sont originaires, il convient de relever avec les premiers juges qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

S’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, reste difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions.

Or, force est de constater comme l’a fait le tribunal administratif que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis.

En effet, l’affirmation que leur fils … aurait été blessé délibérément lors de sa naissance par le personnel hospitalier à Prizren reste en l’état de pure allégation non étayée par un quelconque élément de preuve tangible, étant donné que les origines du « traumatisme » conditionnant son état de santé actuel ne sont pas établies. Pour le surplus, les faits personnels allégués par les demandeurs relativement au fait d’avoir été inquiétés par des membres de la population albanaise du Kosovo et les menaces proférées à leur encontre voire les maltraitances subies, à les supposer établis, constituent certainement des pratiques condamnables, mais en l’espèce, ne dénotent non seulement pas une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans le chef des demandeurs au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine, mais encore et surtout, il convient de constater que ces actes ne s’analysent pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient en tant que tels être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

D’autre part, un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait 3 concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers.

Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Kosovo ne soient pas capables de leur assurer une protection adéquate. En effet, il se dégage des déclarations des demandeurs, telles que relatées dans les comptes rendus d’audition, que la Kfor prenait régulièrement de leurs nouvelles, qu’elle a enregistré les plaintes des demandeurs et s’est rendue sur place au moment de l’incendie du lieu de travail de ….

A cet égard, il y a lieu de relever que suivant la version actualisée du rapport de l’Unhcr datant d’août 2004 sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Goranais est restée stable, sans que des incidents sérieux de violence aient été signalés.

Ainsi, il y est indiqué que “The security situation for Kosovo Bosniaks and Goranis has remained stable, with no serious incidents of violence reported. Incidents of intimidation, harassment and discrimination have continued and there is still a reluctance to use their mother tongue in public”.

En ce qui concerne la situation des Goranais après les incidents du mois de mars 2004, le rapport d’août 2004 relève qu’ils n’étaient pas la cible directe desdits affrontements. En effet, le même rapport indique que “whereas the Bosniaks and Goranis were not directly targeted during the turmoil in March 2004, in some locations they felt insecure and opted for precautionary movements” et encore “the events have inevitably left the communities with a heightened sense of insecurity and in a state of constant alert”.

Face à l’évolution somme toute positive ainsi tracée de la situation de la minorité goranaise, et malgré l’installation d’un sentiment général d’insécurité suite aux événements ayant eu lieu en mars 2004, les éléments invoqués par les demandeurs ne peuvent être considérés comme fondant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève de sorte que le jugement du 24 janvier 2005 est à confirmer.

La procédure étant écrite, l’arrêt est rendu à l’égard de toutes les parties en cause, malgré l’absence habituelle du mandataire des appelants à l’audience publique fixée pour plaidoiries.

Par ces motifs la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 25 février 2005, le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 24 janvier 2005 dans toute sa teneur, condamne les parties appelantes aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par 4 Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19389C
Date de la décision : 10/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-10;19389c ?

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