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09/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19173

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mai 2005, 19173


Tribunal administratif N° 19173 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 9 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19173 du rôle et déposée le 17 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, assistée par Maître Stéphane SADOUNE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocat

s à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à...

Tribunal administratif N° 19173 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 9 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19173 du rôle et déposée le 17 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, assistée par Maître Stéphane SADOUNE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 15 octobre 2004 lui refusant l’autorisation d’établissement ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement en date du 25 février 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 25 avril 2005, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK et Maître Pascale PETOUD, en remplacement de Maître Rachel JAZBINSEK s’étant rapportées aux écrits de leurs parties respectives.

En date du 28 juillet 2004, Monsieur … sollicita auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre », l’octroi d’une autorisation d’établissement pour l’activité de « prestations informatiques dans un cyber -café, exploitation de cabines téléphoniques dans le cyber-café, achat et vente des articles de la branche » pour le compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., en voie de constitution.

La commission instituée par la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par « la loi d’établissement », rendit en date du 5 octobre 2004 un avis défavorable en ce qui concerne l’honorabilité professionnelle de Monsieur …, ce qui amena le ministre en date du 15 octobre 2004 à adresser à la société … s.à r.l. une décision de refus libellée en les termes suivants :

« Monsieur, Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l'objet de l'instruction administrative prévue à l'article 2 de la loi d'établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997 et le 9 juillet 2004.

Le résultat m'amène à vous informer que selon l'avis de la commission y prévue vous ne présentez plus la garantie nécessaire d'honorabilité professionnelle en raison de votre attitude et de vos agissements en exerçant illégalement l'activité de cafetier depuis mars 2004, notamment sans autorisation d'établissement, de licence de cabaretage et en occupant du personnel non-déclaré et en n'obtempérant pas suite aux contrôles effectués par la Police grand-ducale.

Cette prise de position est basée sur un rapport de la Police Grand-ducale du 18 août 2004.

Comme je me rallie aux conclusions de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l'état actuel du dossier en me basant sur les articles 2 et 3 de la loi susmentionnée.

La présente décision peut faire l'objet d'un recours par voie d'avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée. » La société … s.à r.l. fit introduire contre cette décision de refus un recours gracieux daté du 14 janvier 2005, tandis que par requête déposée le 17 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de cette même décision ministérielle du 15 octobre 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2004, v° recours en réformation, n° 3 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’est prévu par la loi d’établissement qui, au contraire prévoit expressément en son article 2, alinéa 6, qu’en matière d’octroi, de refus ou de révocation d’autorisation d’établissement seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours en annulation quant à lui est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués, eux-mêmes conditionnés par l’intérêt à agir existant dans le chef du recourant à la base de la requête introduite (trib. adm. 21 juin 1999, n° 10874, confirmé par arrêt du 15 février 2000, n° 11420C, Pas. adm. 2004, v° recours en annulation, n° 8, p.652).

Le demandeur critique la décision de refus déférée en contestant n’avoir pas obtempéré aux contrôles de la police grand-ducale et en niant avoir exercé illégalement l’activité de cafetier dans le cadre de la société … s.a..

Il fait plaider à ce sujet que si lui-même a été administrateur de la société … s.a., l’administrateur-délégué en charge de la gestion, à savoir Madame …, aurait disposé d’une autorisation d’établissement en bonne et due forme ainsi que d’une licence de cabaretage, mais que, lors du contrôle de police opéré dans les locaux de la société … s.a., Madame … n’aurait pas été présente « par une circonstance totalement indépendante de sa volonté », et que malgré divers rappels de sa part, Madame … aurait omis de se présenter ultérieurement auprès de la police afin de présenter les documents et autorisations requis.

Le tribunal est contraint de constater que ces arguments sont d’ores et déjà contraires aux propres déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal n° 9092 établi en date du 18 août 2004 par la police grand-ducale, service régional de polices spéciales Esch-sur-Alzette, suite au contrôle effectué dans les locaux de la société … s.a., à l’occasion duquel le demandeur fut verbalisé notamment pour violation de la loi d’établissement, pour violation de la loi du 29 juin 1989 portant réforme du régime des cabarets ainsi que pour infraction à la loi du 3 août 1977 ayant notamment pour objet d'interdire le travail clandestin.

En effet, le demandeur déclare dans le cadre de son audition par les services de police : « J’avoue donc ne pas avoir fait de demande auprès des Classes Moyennes pour pouvoir bénéficier d’une autorisation provisoire (…). Je ne possède à ce jour pas de licence respectivement d’autorisation de cabaretage délivrée par l’administration des douanes et accises. (…). Il est vrai que dans les circonstances actuelles, je me trouve dans une situation totalement irrégulière par rapport aux dispositions légales en vigueur ».

Quant à l’affirmation qu’une tierce personne disposerait des autorisations requises, il ressort du dossier administratif que cette personne, en l’occurrence Madame …, sur qui reposait d’ailleurs la qualification professionnelle, a démissionné en date du 3 mars 2004, fait dont le demandeur avait connaissance, étant donné qu’il a affirmé à la police « mon ex-compagne … Ana possédait les qualifications nécessaires qui nous permettaient de tenir un établissement de débit de boissons. (…) Entre temps … et moi nous nous sommes séparés et elle a retiré son autorisation de commerce à la fin du mois de mars 2004 ».

Il résulte encore du procès-verbal en question que les forces de l’ordre, au vu du constat de la situation irrégulière de la société … s.a. et du demandeur, ont intimé à ce dernier l’ordre de fermer l’établissement (« … wurde im Beisein seines Anwalts auf die gesetzlichen Bestimmungen betreffend das Schankwirtschaftgesetz informiert und aufgefordert sein Lokal zu schliessen »), ordre auquel le demandeur ne donna cependant aucunes suites : « Dieser Aufforderung kam … jedoch nicht nach. Nach einer erneuten Kontrolle am gleichen Abend, gegen 00.20 Uhr wurde festgestellt, dass weiterhin 5 Gäste in dem Lokal weilten ».

Il s’ensuit que les contestations du demandeur, qui, au vu des constatations explicites des forces de l’ordre et de ses propres déclarations telles qu’actées au procès-verbal, doivent être considérées comme étant particulièrement en porte-à-faux, sont à écarter.

Le demandeur conteste encore avoir occupé du personnel non-déclaré, en faisant valoir qu’au moment du contrôle effectué par la police, une nouvelle serveuse venait d’être engagée à l’essai, et qu’un contrat de travail oral s’était formé avec son employeur. Il souligne par ailleurs que la situation de la personne en question aurait été régularisée dans les trois jours suivant le contrôle de police, et verse à cet effet un contrat de travail à durée déterminée daté du 18 août 2004 ainsi qu’une déclaration d’entrée datée quant à elle du 19 août 2004.

La personne en question n’ayant par conséquent été déclarée en tant que salariée que le 19 août 2004, il s’ensuit qu’en date du 18 août 2004, date du contrôle policier, elle n’était pas déclarée régulièrement, de sorte que le reproche d’avoir occupé du personnel non-déclaré est vérifié dans le chef du demandeur.

Le demandeur fait encore valoir que l’autorisation refusée concernerait une société de télécommunications (sic), et que lui-même disposerait en la matière d’une expérience solide.

Ce moyen, étranger à la question de l’honorabilité professionnelle du demandeur, est à écarter pour être non pertinent.

Il résulte dès lors des considérations qui précèdent, en l’absence d’autres moyens, que le recours en annulation sous examen laisse en l’état d’être fondé, le ministre ayant valablement pu, au vu du comportement du demandeur, refuser l’autorisation sollicitée pour défaut d’honorabilité professionnelle dans son chef.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 mai 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Rassel, greffier assumé.

Rassel Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19173
Date de la décision : 09/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-09;19173 ?

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