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06/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19727,19744

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2005, 19727,19744


Tribunal administratif Numéros 19727 et 19744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement le 25 et 28 avril 2005 Audience publique extraordinaire du 6 mai 2005 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19727 du rôle et déposée le 25 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine), aya...

Tribunal administratif Numéros 19727 et 19744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement le 25 et 28 avril 2005 Audience publique extraordinaire du 6 mai 2005 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

___________________________________

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19727 du rôle et déposée le 25 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine), ayant demeuré à L-…, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 mars 2005 ayant institué à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d'un mois audit Centre de séjour provisoire à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 28 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Adrian SEDLO en nom et pour compte du demandeur ;

II.

Vu la requête inscrite sous le 19744 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2005 par Maître Adrian SEDLO, préqualifié, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 avril 2005 prorogeant pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement ci-avant visée du 25 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Adrian SEDLO et Madame le délégué du Gouvernement Jaqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 4 mai 2005.

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Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 avril 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 25 mars 2005 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables ;

-

qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

-

qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé aux autorités bosniaques ;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 25 avril 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision de placement du 25 mars 2005.

Par décision du 21 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a prit un nouvel arrêté à l’encontre de Monsieur … par lequel son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière fut prorogé pour une nouvelle durée d’un mois.

Ledit arrêté ministériel, fondé sur l’arrêté prévisé du 25 mars 2005, est basé pour le surplus sur les mêmes considérations que ce dernier.

Par requête déposée le 28 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation dudit arrêté ministériel de prorogation du 21 avril 2005.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, il y a lieu de joindre les deux recours ainsi introduits et d’y statuer par un seul jugement.

Quant à la décision du 25 mars 2005 :

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière.

Le délégué du Gouvernement fait cependant valoir que dans la mesure où le demandeur est placé actuellement au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la seule décision de prorogation, le recours en réformation dirigé contre la mesure de placement initiale du 25 mars 2005 serait à déclarer irrecevable, faute d’objet.

Le demandeur résiste à cette argumentation en faisant valoir que son intérêt à agir à l’encontre de la décision initiale du 25 mars 2005 persisterait en raison du fait que la décision de prorogation également litigieuse du 21 avril 2005, prise à son encontre, tire son existence de celle du 25 mars 2005 et qu’il aurait dès lors un intérêt suffisant à voir examiner celle-ci par le juge administratif.

Force est de constater que s’il est vrai qu’au jour de l’introduction du recours inscrit sous le numéro 19727 du rôle tendant principalement à obtenir la mise en liberté de Monsieur …, le demandeur justifiait certes encore d’un intérêt à agir en réformation, dans la mesure où il était à cette date toujours retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sur base de la décision du 25 mars 2005, il n’en reste pas moins qu’au moment où le tribunal est appelé à statuer, il ne peut plus utilement faire droit à la demande en réformation lui adressée à titre principal, étant donné que le demandeur n’est plus à l’heure actuelle retenu sur base de la décision litigieuse du 25 mars 2005.

Il s’ensuit que le recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 25 mars 2005 est certes recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi en ce sens notamment que l’intérêt à la réformation sollicitée était patent au jour de l’introduction de ce recours, le recours est néanmoins devenu sans objet par la suite, de sorte à devoir être rejeté au jour des présentes comme étant non fondé.

Le demandeur a introduit à titre subsidiaire un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse du 25 mars 2005 .

Le tribunal n’étant plus utilement saisi d’un recours en réformation à l’encontre de cette décision, il lui appartient dès lors d’examiner tant la recevabilité que le bien-fondé du recours subsidiaire en annulation, étant entendu que dans une matière où un recours en réformation est prévu, il reste toujours loisible au demandeur de restreindre ses prétentions au seul contrôle de la légalité de la décision litigieuse dans le cadre d’un recours en annulation, à condition de respecter le cas échéant les règles de procédure spécifiques applicables en la matière, telles en l’espèce notamment le délai d’agir.

Le demandeur entend justifier son intérêt à solliciter l’annulation de la décision litigieuse du 25 mars 2005 par la considération que cette décision constitue le fondement d’un autre arrêté ministériel, en l’occurrence celui de prorogation également déféré du 21 avril 2005, pris à son encontre par le ministre et ayant emporté dans son chef une itérative privation de liberté perdurant encore à ce jour.

Dans la mesure où le demandeur se trouve dès lors toujours directement affecté dans sa situation personnelle par les effets, certes indirects, de la décision litigieuse du 25 mars 2005, il justifie d’un intérêt à agir suffisant à son encontre.

Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que déjà le 21 octobre 2004 il a fait l’objet d’une mesure de rétention administrative au Centre de séjour à Schrassig pendant une durée totale de trois mois, mais qu’il a finalement été remis en liberté au mois de janvier 2005, étant donné que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas réussi à obtenir un laissez-passer dans son chef. Il estime que la prise d’une nouvelle mesure de rétention en date du 25 mars 2005 serait contraire aux prévisions de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en ce que cet article prévoit une durée maximale d’un mois de rétention avec la possibilité pour le ministre, en cas de nécessité absolue, de reconduire la rétention à deux reprises seulement, chaque fois pour la durée d’un mois. Dans la mesure où il a déjà été retenu pendant une période de trois mois, il estime dès lors qu’une nouvelle rétention n’aurait plus été concevable dans son chef. Il fait valoir pour le surplus que le caractère répétitif de ces rétentions serait abusif et constitutif d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il allègue en outre une violation de l’article 5 de la même Convention en raison du fait que ces rétentions ne seraient pas régulières et ne pourraient ainsi pas donner lieu à une privation de liberté.

Le délégué du Gouvernement expose d’abord que la demande d’asile introduite en avril 2003 par Monsieur … fut rejetée comme étant manifestement infondée et que depuis lors il aurait à d’itératives reprises refusé de mettre à profit les propositions en vue d’un retour assisté vers la Bosnie lui adressées par les services ministériels compétents. Ainsi, il aurait été convoqué en date du 25 août 2003 en vue d’un retour volontaire vers son pays d’origine mais ne se serait pas manifesté. Ensuite, après avoir été intercepté par la police grand-ducale en octobre 2004 un arrêté de refus d’entrée et de séjour, ainsi qu’un arrêté de rétention administrative furent pris à son encontre le 21 octobre 2004. Après s’être également vu refuser l’octroi d’une autorisation de séjour en date du 8 décembre 2004, Monsieur … se serait vu proposer d’appeler son ambassade à Bruxelles en vue d’accélérer la procédure de rapatriement mais, faute de coopération de l’intéressé et à défaut de laissez-passer émis par les autorités bosniaques dans ces conditions, il n’aurait pas pu être procédé au rapatriement prévu, de sorte que Monsieur … fut mis en liberté en janvier 2005. Après avoir convoqué l’intéressé une itérative fois pour le 25 mars 2005 en vue d’un retour vers son pays d’origine et en vue plus particulièrement de lui remettre une attestation de réadmission préparée spécialement pour lui permettre de se rendre à son ambassade sise à Bruxelles, il aurait à nouveau refusé catégoriquement de se rendre à son ambassade, de sorte que le ministre n’aurait plus eu d’autre choix que de prendre un nouvel arrêté de rétention administrative. Il signale que par courrier du 7 avril 2005 l’ambassade de Bosnie-Herzégovine a de nouveau été saisie d’une demande de laissez-passer et qu’un appel téléphonique afférent a été fait le 15 avril 2005, pourtant non encore suivi d’effet, de sorte qu’en date du 21 avril 2005 la mesure de placement a été prorogée.

Le délégué du Gouvernement estime que c’est à tort que le demandeur fait valoir qu’après une première période de rétention de trois mois une nouvelle rétention ne saurait se concevoir, étant donné qu’entre-temps le requérant a été libéré et disposait dès lors du temps nécessaire pour organiser lui-même son retour, ce qu’il n’a cependant pas fait. Il signale pour le surplus qu’aucun texte de loi n’interdirait la prise d’une nouvelle mesure de rétention.

Le demandeur insiste tant dans son mémoire en réplique qu’en termes de plaidoiries sur le fait qu’il ne s’estime nullement tenu de coopérer activement à son rapatriement et fait valoir qu’un retour dans son pays n’impliquerait pas la nécessité légale pour un réfugié d’entreprendre lui-même des démarches pour son rapatriement, mais uniquement de donner son accord à rentrer volontairement et en liberté lorsque l’administration en aura créé les conditions.

Encore que le demandeur se présente tant à travers ses écrits qu’oralement à travers les explications fournies par son mandataire sous le qualificatif de « réfugié », il se dégage sans ambiguïté des pièces versées au dossier que juridiquement il ne saurait être désigné ainsi, sa situation se résumant clairement à celle d’un étranger, ressortissant d’un pays tiers, séjournant irrégulièrement au Grand-Duché de Luxembourg.

Il est encore constant que la décision litigieuse du 25 mars 2005 ne constitue pas une décision de reconduction d’une décision de placement telle que prévue à l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, étant donné que l’hypothèse d’une reconduction d’une décision de placement présuppose par définition un enchaînement direct par rapport à la décision à reconduire, non vérifié en l’espèce, le demandeur s’étant en effet trouvé en liberté depuis plusieurs mois au moment de la prise de la décision litigieuse du 25 mars 2005.

Il s’ensuit que l’examen de la légalité de la décision litigieuse du 25 mars 2005 se situe exclusivement par rapport aux dispositions de l’article 15 (1) de la loi du 28 mars 1972 précitée qui dispose que « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois. » Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement exécutoire, ainsi que l’impossibilité matérielle d’y procéder dans l’immédiat.

Il en découle également qu’en l’absence de restriction opérée par le législateur en vue de limiter la possibilité du ministre compétent de prendre une décision de placement dans le chef d’une personne déterminée lorsque les conditions légales énoncées audit article 15 (1) sont remplies, il n’appartient pas au tribunal de déterminer un quelconque délai raisonnable à observer entre la prise de deux décisions distinctes de placement dans le chef d’une même personne sous peine de rajouter à la loi, son rôle devant en effet rester circonscrit à la vérification du respect des seules conditions inscrites dans la loi, sous réserve de la possibilité de sanctionner le caractère éventuellement disproportionné de la mesure.

Il importe dans ce contexte de relever qu’une décision de rétention initiale ne saurait être confondue avec une décision de reconduction d’une décision de placement envisagée plus spécifiquement au paragraphe (2) de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, étant donné qu’une décision de rétention initiale frappe a priori une personne en liberté, tandis qu’une décision de reconduction n’est concevable par définition qu’à la suite d’une décision de rétention initiale.

Dans la mesure où il est constant que le demandeur était en liberté depuis janvier 2005, il se dégage dès lors des considérations qui précèdent que le moyen du demandeur fondé sur le caractère répétitif et abusif de la décision litigieuse du 25 mars 2005 par rapport à une autre décision de rétention prise à son encontre en fin d’année 2004 et prorogée à l’époque à deux reprises, laisse d’être fondé pour ne pas s’inscrire dans les prévisions de la loi.

Le demandeur n’ayant pas autrement contesté l’existence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement exécutoire en application des articles 9 et 12 de la loi précitée de 1972, il reste dès lors à examiner si l’impossibilité de procéder à l’exécution immédiate d’une mesure d’éloignement en raison de circonstances de fait était vérifiée en l’espèce au moment de la prise de la décision litigieuse du 25 mars 2005.

A partir des explications fournies en cause l’exécution immédiate du rapatriement du demandeur est impossible en raison d’impératifs d’organisation tenant au fait que l’intéressé doit se rendre en personne auprès de son ambassade à Bruxelles en vue de se voir délivrer un laissez-

passer et que cette démarche administrative se trouve bloqué en fait par le refus afférent avoué de l’intéressé qui ne s’estime pas tenu de collaborer activement à l’organisation de son rapatriement.

Dans la mesure où l’exécution effective de la mesure de refoulement est ainsi compromise en définitive par la seule attitude du demandeur qui refuse de se rendre auprès de son ambassade malgré la possibilité afférente lui offerte par les autorités luxembourgeoises qui d’après les informations non contestées en cause lui avaient préparé pour les besoins de la cause un document de voyage, le tribunal arrive à la conclusion que l’existence d’une possibilité effective d’obtenir de la part des autorités du pays d’origine de la personne concernée les documents nécessaires à son transfert n’est pas utilement énervée en cause, étant donné que le demandeur ne saurait raisonnablement être admis à se prévaloir de sa propre attitude de non-collaboration pour conclure à une impossibilité effective et définitive de transfert.

En l’absence d’autres moyens présentés à l’appui du recours inscrit sous le numéro 19727, le demandeur est partant à en débouter.

Quant à la décision du 21 avril 2005 :

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que la condition d’une nécessité absolue prévue par la loi pour reconduire une mesure de rétention administrative ne serait pas remplie en l’espèce, étant donné qu’il a déjà été retenu pendant une période initiale de trois mois d’octobre 2004 à janvier 2005 et que par ailleurs il n’essayerait pas de se soustraire à un éloignement, étant donné qu’il habiterait toujours chez sa sœur à Dudelange. Il réitère pour le surplus son argumentation déployée dans le cadre de recours inscrit sous le numéro 19727 du rôle relative au caractère répétitif et abusif allégué de la mesure de placement prise à son encontre et reconduite par celle actuellement sous examen. Il estime que le fait de ne pas limiter le droit de l’administration de placer les réfugiés en situation irrégulière dans le Centre de rétention administrative reviendrait à donner à l’administration carte blanche pour des placements illimités, ce qui serait inconcevable et contraire notamment à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans la mesure où les autorités bosniaques ne désireraient manifestement pas lui accorder un laissez-passer et que l’administration n’a pas réussi à l’éloigner dans le délai prévu par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, l’hypothèse alléguée d’un recours abusif à la possibilité de mettre en rétention une personne étrangère serait dès lors vérifiée en l’espèce.

Tel que relevé ci-avant le tribunal, conformément aux dispositions de l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière. Le recours principal en réformation dirigé contre la décision litigieuse du 21 avril 2005 ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La légalité de la mesure de placement initiale n’ayant pas été utilement énervée par le recours ci-avant toisé inscrit sous le numéro 19727 du rôle, il n’y a pas lieu d’examiner une itérative fois dans le cadre du recours dirigé contre la décision de reconduction de la mesure de placement initiale du 25 mars 2005 les moyens tenant au caractère abusif et répétitif allégué de cette mesure.

Il reste dès lors à examiner uniquement le moyen tiré de l’absence d’une assurance de la possibilité d’exécuter la mesure de refoulement à la base de la mesure de rétention actuellement reconduite et par conséquent l’absence de nécessité absolue alléguée en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation d’une décision de placement.

En effet, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire.

Tel que relevé lors de l’examen du recours dirigé contre la décision initiale du 25 mars 2004, il s’avère que l’exécution imminente du rapatriement du demandeur est compromise exclusivement par le fait même de ce dernier qui refuse de se rendre auprès de son ambassade à Bruxelles malgré la possibilité afférente lui offerte par le ministre, de sorte qu’il ne saurait raisonnablement être admis à se prévaloir de cette circonstance pour conclure à une impossibilité de procéder à l’exécution de la mesure de refoulement.

Si le demandeur estime ne pas être tenu de faciliter l’organisation de son propre éloignement, le tribunal tient cependant à relever que le demandeur, en tant qu’étranger séjournant irrégulièrement au pays et s’étant vu refuser l’octroi d’une autorisation de séjour, est tenu de par l’effet même de la loi de quitter le territoire où il séjourne irrégulièrement.

Le tribunal ne peut dès lors que constater que les conditions d’application légales pour la reconduction d’une mesure de placement sont remplies, ceci d’autant plus que les efforts entrepris de la part du ministre pour permettre à l’intéressé de se rendre auprès de son ambassade et d’accélérer ainsi les formalités en vue de son rapatriement ne sont pas contestées en cause.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours inscrit sous le numéro 19744 du rôle laisse également d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

prononce la jonction des deux recours inscrits les numéros du rôle respectifs 19727 et 19744 ;

reçoit le recours inscrit sous le numéro 19727 du rôle en la forme ;

au fond, le déclare sans objet pour autant qu’il tend à la réformation de la décision du 25 mars 2005 ;

le déclare également non fondé pour autant qu’il tend à l’annulation de la décision du 25 mars 2005 ;

reçoit le recours inscrit sous le numéro 19744 du rôle en la forme pour autant qu’il tend à la réformation de la décision du 21 avril 2005 ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare ledit recours irrecevable pour autant qu’il tend à l’annulation de la décision du 21 avril 2005 ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 6 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19727,19744
Date de la décision : 06/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-06;19727.19744 ?

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