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04/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19627

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mai 2005, 19627


Tribunal administratif N° 19627 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 4 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19627 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats Ã

  Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nation...

Tribunal administratif N° 19627 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 4 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19627 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 janvier 2005, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative attribuée au même ministre du 9 mars 2005 et prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 2 mai 2005 en présence de Maître Nicolas CHELY, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE, et de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES, qui se sont tous les deux reportés aux écrits respectifs de leurs parties.

Monsieur … introduisit le 8 décembre 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 24 janvier 2005, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 26 janvier 2005, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 26 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 23 février 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 9 mars 2005.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux décisions ministérielles prévisées des 26 janvier et 9 mars 2005.

Le délégué de Gouvernement relève en premier lieu que le demandeur conclut dans le dispositif de sa requête à se voir accorder le statut de réfugié et à supposer que cette demande traduise un recours en réformation, il conclut à l’irrecevabilité de ce recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n°4, et autres références y citées).

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions déférées.

Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l'appui de son recours, le demandeur reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où il redouterait une situation d’insécurité dans son pays, découlant notamment du fait qu’il se verrait refuser l’accès à l’emploi, de sorte qu’il remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique.

Quant au fond, le délégué du Gouvernement résiste au recours en relevant que le demandeur n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève, et estime pour sa part que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur, interrogé sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, a répondu qu’il avait quitté le Kosovo parce qu’il « n’y a pas de travail là-bas et les conditions de vie sont médiocres, c’est tout » . Il a précisé n’avoir personnellement jamais subi de persécutions et qu’il a quitté le Kosovo uniquement pour des raisons économiques. Il a encore souligné que son retour éventuel au Kosovo serait dépourvu de toute conséquence en ce qui le concerne, sauf qu’il ne trouverait pas d’emploi et que lui et sa famille n’auraient pas de quoi vivre.

Enfin, sur question spécifique de l’agent du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration pour savoir ce qu’il voulait de la part des autorités luxembourgeoises, il a répondu vouloir obtenir un permis de travail.

Or, force étant de constater que des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce, l’espoir de trouver ailleurs du travail, ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié, de sorte que c’est à juste titre que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne correspondre à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19627
Date de la décision : 04/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-04;19627 ?

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