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04/05/2005 | LUXEMBOURG | N°18873

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mai 2005, 18873


Tribunal administratif N° 18873 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 novembre 2004 Audience publique du 4 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de reconnaissance de diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18873 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2004 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de

meurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du mini...

Tribunal administratif N° 18873 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 novembre 2004 Audience publique du 4 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de reconnaissance de diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18873 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2004 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 6 mai 2004 retenant que son diplôme biélorusse de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie n’est pas reconnu équivalent au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin, ainsi que d’une décision confirmative prise par le même ministre en date du 27 août 2004 suite à l’introduction d’un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Anne-Marie SCHMIT au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadine REITER, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 18 mars 2005 ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2005 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 par Maître Anne-Marie SCHMIT au nom de Madame … ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Nadine REITER, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 avril 2005.

Le 30 juin 1989, le Ministère de l’Enseignement supérieur et secondaire spécial de la République Socialiste Soviétique de Biélorussie, Université d’Etat de Grodno, délivra à Madame … le diplôme d’études supérieures dans la spécialité biologie en en lui attribuant la qualification de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie.

Par une décision du 16 juillet 2003, le ministre luxembourgeois de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche inscrivit la qualification de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur et arrêta que le titre à porter par Madame … est celui de « titulaire d’un diplôme de biologiste et d’enseignement de biologie et de chimie ».

La demande de reconnaissance d’équivalence de son diplôme biélorusse au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin, adressée au ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, fut refusée par une décision du 6 mai 2004 la demande introduite dans les termes suivants :

« Vu l’article 12 de la loi du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le Ministère de l’Education nationale et le Ministère de la Santé ;

Vu le règlement grand-ducal du 15 mai 1995 relatif à la commission appelée à donner des avis en matière de reconnaissance des diplômes de certaines professions de santé obtenus à l’étranger ;

Vu l’arrêté ministériel du 1er février 2002 portant nomination de la commission appelée à donner des avis au Ministre de l’Education Nationale, de la Formation professionnelle et des Sports au sujet de la reconnaissance des diplômes de certaines professions de santé obtenus à l’étranger, modifié par l’arrêté ministériel du 14 juin 2002 ;

Vu la demande de reconnaissance d’équivalence d’un diplôme biélorussien de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin, présentée par Madame … ép. …, née le … (Biélorussie) et enregistrée sous le numéro 04040324PS ;

Vu l’avis en date du 6 mai 20031 de la commission appelée à donner des avis en matière de reconnaissance des diplômes de certaines professions de santé obtenus à l’étranger ;

Considérant qu’il s’agit d’un diplôme donnant accès à la qualification de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie en Biélorussie ;

1 A lire 2004 Considérant que le curriculum représente un cycle d’études supérieures de cinq années après dix années de formation générale ;

Considérant qu’au Grand-Duché de Luxembourg la profession de laborantin tombe sous le champ d’application de la loi du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé ;

Considérant que la profession de laborantin est réglementée par règlement grand-ducal du 15 juillet 1969 portant exécution des articles 1er et 5 de la loi du 18 novembre 1967 portant réglementation de certaines professions paramédicales, en ce qui concerne la profession de laborantin ;

Considérant que la qualification de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie auquel le diplôme donne accès dans l’Etat de formation est différent de la profession de laborantin au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les études biélorussiennes mentionnées ne correspondent pas au contenu du programme théorique, technique et pratique de la formation de laborantin ni quant à la spécificité ni quant à la durée ;

Arrête :

Art. 1er. – Le diplôme biélorussien de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie de Madame Svetlana … n’est pas reconnu équivalent au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin.

Art. 2.- Le présent arrêté sera transmis à l’intéressée pour information… ».

Par un courrier de son avocat du 6 août 2004, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 6 mai 2004.

Le ministre confirma par une décision du 27 août 2004, sa décision de refus antérieure dans les termes suivants :

« J’ai en mains votre recours gracieux du 6 août 2004 dirigé contre un arrêté ministériel du 6 mai 2004, refusant la reconnaissance d’équivalence du diplôme biélorusse de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie de Mme … au diplôme d’Etat luxembourgeois de laborantin.

Je ne puis que confirmer la décision antérieure, alors que la qualification de biologiste et d’enseignant de biologie et de chimie de votre mandante est tout à fait différente de la profession de laborantin au Grand-Duché.

L’arrêté du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche portant sur l’inscription au registre des diplômes du diplôme biélorusse de votre mandante ne vient nullement infirmer cette décision, alors qu’il ne s’agit en aucune manière d’une reconnaissance d’équivalence d’une qualification professionnelle.

Par ailleurs, il existe d’importantes lacunes quant au contenu dans la formation suivie en Biélorussie par votre mandante par rapport au programme des études prescrit pour la profession de laborantin au Grand-Duché de Luxembourg (Règlement grand-ducal du 15 juillet 1969 portant exécution des articles 1er et 5 de la loi du 18 novembre 1967 portant réglementation de certaines professions paramédicales en ce qui concerne la profession de laborantin).

Ainsi, le curriculum (relevé d’épreuves) versé par Mme … ne comprend ni la bactériologie, ni la parasitologie, ni l’hématologie, ni la sérologie, qui constituent 4 des 7 matières du programme d’études prescrit au Luxembourg pour la profession de laborantin… ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2004, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus visées ci-avant.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi.

En premier lieu, Madame … fait soulever un défaut de motivation des décisions litigieuses dans la mesure où le ministre se contenterait d’invoquer des considérations d’ordre général, sans autrement préciser en quoi les exigences légales ne seraient pas respectées.

Force est de constater cependant que ce moyen manque en fait. En effet la décision ministérielle du 6 mai 2004 prend soin de se référer aux différents textes applicables en la matière et à l’avis pris par la commission compétente pour retenir que les études suivies en Biélorussie ne correspondent pas au contenu du programme théorique, technique et pratique de la formation de laborantin ni quant à la spécificité, ni quant à la durée. La décision confirmative du 27 août 2004 précise par ailleurs les matières (bactériologie, parasitologie, hématologie, sérologie) lesquelles ne figurent pas au relevé d’études de Madame … et qui constituent cependant des matières du programme d’études prescrit au Luxembourg pour la profession de laborantin. Etant donné que les décisions litigieuses répondent à l’exigence de l’indication formelle des motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, le moyen tel que soulevé est dès lors à écarter.

Le 18 mars 2005, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position sur l’absence apparente de prise d’un règlement grand-ducal sur le fondement de l’article 12, paragraphe 2, point 6) de la loi du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Santé2 en ce qu’il dispose « la reconnaissance est accordée… pour les ressortissants d’un pays tiers, si les études qui ont conduit à la délivrance du diplôme, certificat ou titre, répondent aux exigences fixées dans le règlement grand-ducal prévu à l’article 5 de la présente loi » et sur l’incidence de pareille absence vérifiée sur la légalité de la décision déférée.

2 ci-après la loi du 11 janvier 1995 Le délégué du Gouvernement fait valoir que la profession de laborantin ne rentrerait pas dans le cadre du règlement grand-ducal prévu à l’article 5 de la loi du 11 janvier 1995. Il ajoute que le recours sous examen concernerait une question de reconnaissance à des fins professionnelles et non une question de reconnaissance académique, pourtant exclusivement visée par ledit règlement grand-ducal. Il conclut que même si Madame … se voyait accorder l’assimilation de son diplôme au niveau du BTS luxembourgeois, cela ne l’avancerait guère, car elle ne serait toujours pas autorisée à exercer la profession de laborantin au Luxembourg, de sorte que l’absence d’une mesure réglementaire visant, pour le diplôme de laborantin, l’assimilation par rapport à un niveau de fin d’études secondaires techniques, voire BTS n’aurait aucune incidence sur la légalité de la décision déférée.

Madame … soutient que la profession de laborantin rentrerait bien dans le cadre des professions visées par le règlement grand-ducal prévu à l’article 5 de la loi du 11 janvier 1995 dont l’objet serait de fixer les mesures d’assimilation professionnelles nécessaires et que sa demande aurait pour objet l’accès à la profession de laborantin axée sur une certaine technicité du métier, de sorte que l’absence d’une telle mesure réglementaire aurait une incidence sur la légalité de la décision. Elle estime que les décisions litigieuses ne satisferaient pas aux exigences de l’article 36 de la Constitution en ce que cet article s’opposerait à ce qu’une autre entité juridique se substituerait au pouvoir exclusif du Grand-Duc.

En l’espèce, le recours dont est saisi le tribunal concerne la question de la reconnaissance d’équivalence d’un diplôme obtenu à l’étranger et plus précisément en Biélorussie, c’est-à-dire dans un Etat non-membre de l’Union européenne.

L’article 12 de la loi du 11 janvier 1995 prévoit expressément que la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger est accordée dans certaines conditions, à savoir si les études qui ont conduit à la délivrance du diplôme, certificat ou titre, répondent aux exigences fixées dans le règlement grand-ducal prévu à l’article 5 de la présente loi. L’objectif du législateur était donc clairement celui de permettre la reconnaissance des diplômes acquis dans un pays tiers.

L’article 5 de la loi du 11 janvier 1995 a la teneur suivante :

« Un règlement grand-ducal, pris sur avis du Conseil d’Etat, fixe pour certaines des professions énumérées dans le champ d’application de la loi du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé et dont les diplômes ont été délivrés conformément à la loi du 26 mars 1992 précitée, ainsi que pour les personnes qui ont obtenu au Luxembourg un certificat d’aide-soignant, les mesures d’assimilation par rapport aux niveaux de fin d’études des différents régimes de l’enseignement secondaire technique ainsi que par rapport au brevet de technicien supérieur. » Force est dès lors de constater à la lecture de cet article que l’objet du règlement grand-ducal y prévu, à savoir la question de l’assimilation de certains diplômes aux diplômes de l’enseignement secondaire technique ainsi qu’au brevet de technicien supérieur, est étranger à la question de la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger.

Force est cependant également de constater que la loi du 11 janvier 1995 précitée impose au pouvoir exécutif, à travers son article 12, paragraphe 2), point 6), de prévoir dans le cadre de ce même règlement grand-ducal, les exigences auxquelles doivent répondre les études qui ont conduit à la délivrance d’un diplôme relatif à certaines professions de santé et obtenu à l’étranger.

Il s’ensuit que le règlement grand-ducal à prendre devrait avoir un double objet, en ce sens qu’il est appelé non seulement à fixer les mesures d’assimilation, mais également les exigences auxquelles doivent répondre les études qui ont conduit à la délivrance du diplôme obtenu à l’étranger.

Il résulte de ce qui précède que l’argumentation du délégué du Gouvernement, selon laquelle l’absence de règlement grand-ducal à prendre au titre de l’article 12 serait sans incidence, au motif que le règlement grand-ducal prévu à l’article 5, à savoir les mesures d’assimilation pour certaines professions de santé au niveau de fins d’études, ne correspond pas à l’objet tel qu’il est défini à l’article 12, à savoir les exigences auxquelles doivent répondre les études ayant conduit au diplôme, est à abjuger.

Il est par ailleurs constant qu’il n’existe aucun règlement grand-ducal fixant les exigences auxquelles doivent répondre les études ayant conduit à l’obtention du diplôme étranger afin de se voir accorder la reconnaissance.

Dès lors le tribunal se voit appelé à analyser des décisions ayant trait à la reconnaissance d’un diplôme obtenu à l’étranger et à vérifier si c’est à bon droit que le ministre a refusé ladite reconnaissance - tout en constatant que les exigences auxquelles doivent répondre les études effectuées à l’étranger n’ont pas été définies.

Etant donné que l’article 12, paragraphe 2, point 6 de la loi du 11 janvier 1995 prévoit expressément que la reconnaissance est accordée si les études qui ont conduit à la délivrance du diplôme obtenu à l’étranger répondent aux exigences fixées dans un règlement grand-

ducal, le tribunal se doit de constater qu’en l’absence de la prise d’un tel règlement grand-

ducal à prendre, l’autorité compétente se trouve dépourvue de base légale lui permettant d’exercer son pouvoir décisionnaire en la matière, de sorte que les décisions litigieuses encourent l’annulation de ce chef.

L’analyse de ce seul moyen conditionnant l’ensemble de l’affaire ayant entraîné l’annulation des décisions déférées, l’examen des autres moyens devient surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule les décisions déférées ;

met les frais à charge de l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mai 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18873
Date de la décision : 04/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-04;18873 ?

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