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02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19241

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 19241


Tribunal administratif N° 19241 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19241 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2005 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves

TUMBA MWANA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 19241 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19241 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2005 par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves TUMBA MWANA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Libéria), de nationalité libérienne, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du 6 septembre 2004 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 23 novembre 2004, intervenue suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Jean-Paul NOESEN le 25 mars 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 25 avril 2005, en présence de Maître Aline ROSENBAUM, en remplacement de Maître Jean-Paul NOESEN, et de Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK, qui se sont rapportées aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 1er décembre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut entendu en date du 16 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 6 septembre 2004, lui notifiée le 11 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 8 novembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 23 novembre 2004, notifiée à l’intéressé le 5 janvier 2005.

Monsieur … a fait introduire par requête déposée en date du 1er février 2005 un recours contentieux tendant à la réformation des prédites décisions ministérielles de refus.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la demande introduite contre la décision ministérielle entreprise, à savoir la décision ministérielle du 6 décembre 2004. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi à l’encontre des décisions déférées, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il aurait fait l’objet de menaces de mort de la part d’un group armé, dénommé les « MODEL », qui sévit au Libéria. Il relate que son père, opposant politique et membre d’un autre groupe armé – les « LURD » - aurait tué le fils du capitaine du groupe rebelle « MODEL », qui dès lors, après avoir abattu en représailles son père, chercherait également à le tuer.

Il reproche au ministre d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié. En particulier, il souligne qu’en tant que membre d’une famille d’opposants, il serait particulièrement exposé à un risque de persécution, et relève qu’au vu de la pratique de la délation répandue au Libéria, il serait facile pour les rebelles de le retrouver.

Enfin, il conteste l’appréciation de la situation au Libéria faite par le ministre.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait non seulement valablement motivé sa décision, mais qu’il aurait encore fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Le délégué du Gouvernement relève en particulier que le meurtre du père du requérant par vengeance ne constituerait pas une persécution au sens de la Convention de Genève, tout comme la crainte d’une vengeance dans le chef du demandeur n’entrerait pas non plus dans le champ d’application de ladite Convention.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur la connotation politique des persécutions et fait plaider qu’il serait « incontestable que le meurtre du père a un caractère politique et la crainte du fils de subir le même sort est tout à fait fondée et rentre dans les critères de la Convention de Genève ».

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédure administrative et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur, telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 16 mars 2004, que la fuite du demandeur trouve son origine dans les luttes entre deux factions rebelles, au cours desquelles le père du demandeur, membre de l’un des groupes de rebelles, appelé « LURD », depuis janvier 2003, aurait tué le fils du chef du groupe rival, les « MODEL ».

Celui-ci aurait apparemment chercher à venger la mort du fils de son chef et aurait tué en juin 2003 le père du demandeur, ce dernier échappant de peu au même sort, les rebelles du groupe MODEL ne l’ayant pas identifié étant donné qu’il faisait nuit.

Le tribunal est cependant amené à constater, au delà du motif de vengeance aisément décelable, qu’un motif politique n’apparaît pas dans les persécutions alléguées, le demandeur, selon ses propres affirmations, n’étant pas impliqué dans la politique et ignorant tout des objectifs politiques poursuivis tant par le groupe « LURD » que par le groupe « MODEL ».

Il ne ressort d’ailleurs pas des déclarations du demandeur que son père puisse être considéré comme « opposant » politique, l’adhésion du père au mouvement « LURD » n’ayant duré que quelques six mois et son rôle s’étant limité à celui d’entreposer des armes au profit de ce groupe rebelle.

Le tribunal se doit par ailleurs de souligner que le demandeur a fourni à l’occasion de son arrivée au Luxembourg une toute autre version des faits, qui passe totalement sous silence sa prétendue persécution par les « MODEL ». En effet, le demandeur remplit un formulaire, intitulé « personal data sheet », à son arrivée au Luxembourg sur lequel il indiqua également les raisons pour lesquelles il avait fui son pays d’origine.

Or force est de constater à la lecture de ce formulaire que le demandeur y indique d’une manière générale avoir fui son pays d’origine à cause de la guerre au cours de laquelle il aurait perdu son père, et plus particulièrement pour échapper aux rebelles – sans distinction – qui enrôleraient des garçons âgés de plus de 10 ans de force dans leur rang.

Outre le fait que cette première version n’est guère de nature à rendre les motifs avancés ultérieurement crédibles, il y a lieu de constater que les persécutions telles qu’affirmées par le demandeur au cours de son audition – à les supposer établies -

trouvent leur origine dans une vendetta personnelle entre membres de deux factions armées rivales, et sinon d’une manière générale dans la situation d’insécurité caractérisant encore le Libéria.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19241
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;19241 ?

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