La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19198

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 19198


Tribunal administratif N° 19198 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

______________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19198 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2005 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Et...

Tribunal administratif N° 19198 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19198 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2005 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), tous les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 octobre 2004, notifiée le 4 novembre 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 20 décembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 9 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN au nom et pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 13 avril 2005, en présence de Maître Virginie ADLOFF, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, ainsi que de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES, qui se sont rapportées aux écrits respectifs de leurs parties.

______________________________________________________________________________

Le 2 février 2004, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … et Madame … furent entendus séparément le 15 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, informa les époux …-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 6 décembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 16 décembre 2004.

Le 20 janvier 2005, Monsieur et Madame …-… ont fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font exposer qu’ils auraient fait l’objet de persécutions diverses du fait de leur appartenance à la minorité goranaise et du fait que Monsieur … serait considéré par les Kosovars de souche albanaise comme un traître pour avoir servi dans l’armée serbe.

Ils font encore valoir que leur région d’origine serait exposée aux méfaits de brigands albanais qui traverseraient la frontière de nuit pour s’attaquer aux biens et à la vie des Goranais.

En substance, ils reprochent au ministre d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’ils ont mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédure pré-contentieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, Monsieur … fait en substance état d’une crainte qui résulterait de son inscription sur une liste, probablement établie par l’UCK, qui renseignerait les personnes ayant été mobilisées pendant la guerre. Si Monsieur … explique à ce sujet avoir été mobilisé pendant la guerre du Kosovo par les Serbes, il ne ressort cependant pas de ses déclarations qu’il aurait effectivement rejoint les rangs de l’armée serbe. Bien au contraire, le demandeur explique avoir réussi à échapper une première fois à la mobilisation en 1998, étant donné qu’il était encore étudiant, mais n’avoir pas pu éviter son appel en 1999, de sorte qu’il se serait enfui au Kosovo : « puisque je ne voulais pas aller à la guerre je me suis enfui au Kosovo en 1999 ». Il n’est dès lors a priori pas décelable en quoi le seul fait d’avoir fait l’objet d’un appel de mobilisation serait susceptible de justifier de quelconques persécutions, d’autant plus que le demandeur affirme ne pas avoir donné de suite à sa mobilisation, mais d’avoir fui la Serbie pour le Kosovo.

Il ressort par ailleurs des déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal d’audition du 15 mars 2004 qu’il n’a jamais vu la liste en question et qu’il n’est personnellement même pas certain de son existence, ayant uniquement appris l’existence supposée d’une telle liste par ouï-dires.

Il ressort encore de ses déclarations qu’il n’aurait personnellement subi aucune persécution du fait de l’inscription putative de son nom sur cette liste.

Il s’ensuit que les craintes énoncées par le demandeur, non étayées par un quelconque élément de fait, doivent être considérées comme purement hypothétiques, de sorte qu’elles ne sauraient constituer des motifs visés par la Convention de Genève (trib. adm. 29 avril 1999, n° 11220 du rôle, confirmé par arrêt du 6 juillet 1999, n° 11313C, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, n° 51, p. 204).

Il ressort en revanche de la déposition du demandeur que les motifs réels de sa fuite sont à rechercher dans le climat d’insécurité régnant au Kosovo, climat d’insécurité notamment entretenu par les agissements de bandes armées albanaises qui passent la frontière entre l’Albanie et le Kosovo de nuit pour attaquer et piller les habitations.

Ces motifs de fuite sont encore confirmés par les déclarations de Madame … qui, dans le cadre de son audition, répond, à la question relative aux raisons ayant motivé leur fuite : « Parce ce qu’au Kosovo il n’y a aucun sécurité pour vivre ». Il échet de relever à ce sujet que ce n’est qu’en second lieu que la demanderesse invoque la possibilité de l’existence d’une liste sur laquelle figurerait le nom de son mari.

Si Madame … évoque encore des persécutions infligées par des Kosovars appartenant à l’ethnie albanaise, force est de constater que ces problèmes remontent tous à une époque antérieure à 2001, la demanderesse admettant ne plus avoir eu de problèmes depuis avril 2001, mais d’avoir continuellement vécu dans la peur.

Il s’avère dès lors, au vu des moyens présentés dans le cadre de la procédure contentieuse, que la fuite des requérants vers le Luxembourg n’a pas été motivée par la crainte de persécutions spécifiques au sens de la Convention de Genève, mais plutôt par un sentiment général d’insécurité. Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19198
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;19198 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award