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02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19150

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 19150


Tribunal administratif N° 19150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19150 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 janvier 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Etat de Serbie et de Monténégro), de ...

Tribunal administratif N° 19150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2005 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19150 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 janvier 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Etat de Serbie et de Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 octobre 2004 lui refusant la prolongation de son autorisation de séjour arrivée à terme;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2005 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 25 avril 2005, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rapportée à son mémoire, tandis que Maître Nicky STOFFEL n’était ni présente, ni représentée.

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Par décision du 12 août 2003, le ministre de la Justice accorda à Madame … une autorisation de séjour limitée à une durée expirant le 30 juin 2004.

En date du 8 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, ci-après « le ministre », s’adressa en les termes suivants à Madame … :

« Madame, Suite à un réexamen de votre dossier, je constate que vous êtes séparée de votre mari et que la communauté de vie n’existe donc plus.

Or, les autorisations de séjour antérieures vous étaient accordées sur base de votre mariage avec Monsieur…. .

Pour le surplus, je constate que vous n’êtes pas en possession de moyens d'existence personnels, légalement acquis, tels que prévus à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers, vous permettant d'assurer votre séjour indépendamment de l'aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir.

Vu ce qui précède, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de prolonger votre autorisation de séjour.

Comme votre autorisation de séjour est venue à échéance le 30 juin 2004 et que vous vous trouvez dès lors en séjour irrégulier au pays, vous êtes invitée à quitter le pays dans un délai d’un mois.

La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal Administratif, recours qui doit être intenté dans les trois mois de la notification par requête signée d'un avocat à la Cour.

Je vous prie, Madame, de croire en l'expression de mes sentiments ».

Madame … fit introduire contre ce courrier un recours gracieux daté du 17 novembre 2004 non autrement motivé, tendant à un réexamen de la décision ministérielle précitée du 8 octobre 2004, recours gracieux qui fut rejeté par une décision confirmative du ministre datée du 13 décembre 2004.

Le 10 janvier 2005, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle initiale ainsi qualifiée du 8 octobre 2004.

A l’appui de son recours, elle soulève l’absence de motivation de l’acte déféré, en lui reprochant d’ « énoncer de façon lapidaire que le requérant manque de moyens d’existence personnels et constituerait un danger pour l’ordre et la sécurité publics ».

Elle estime encore que la décision litigieuse, par laquelle le ministre refuse de prolonger son autorisation de séjour, constituerait en fait un retrait d’une décision créatrice de droits, retrait pris en violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non contentieuse, étant donné qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de présenter ses observations avant la prise de la décision en question.

Elle soulève encore l’illégalité de la décision au motif que le ministre aurait omis de « prendre l’avis de la commission consultative ».

Enfin, elle affirme que la décision constituerait « une ingérence illégale, respectivement une violation du droit au respect de la vie privée et familiale au sens de la Convention européenne des Droits de l’Homme » au motif qu’elle n’aurait plus de membres de sa famille en Yougoslavie, mais que la « majorité de sa famille se trouve au Luxembourg ou en Allemagne ».

Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en réformation ;

quant au fond, il estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation, non autrement critiqué par la partie publique, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Force est de constater que le moyen fondé sur le défaut de motivation ministérielle n’est pas justifié en fait, étant donné que, d’une part la décision ministérielle déférée est suffisamment motivée en ce que les faits tels que résumés dans la décision litigieuse correspondent à la situation de fait et de droit de la demanderesse et que les motifs de refus de renouvellement de l’autorisation ayant expirée y sont énumérés - la demanderesse restant d’ailleurs en défaut de contester les motifs énoncés dans ladite décision - et que, d’autre part, le ministre a encore précisé en cours d’instance la situation de la demanderesse justifiant sa décision.

Le ministre a partant indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est fondé pour justifier son refus et les motifs ont ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance du demandeur. Le tribunal tient à ce sujet à souligner que contrairement à ce qu’affirme la demanderesse dans son recours introductif d’instance, le ministre ne s’est pas borné à reprendre le libellé de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, et n’a, en particulier, pas invoqué un quelconque risque que représenterait la demanderesse pour l’ordre et la sécurité publics, un tel motif ne résultant ni de la décision déférée ni du dossier administratif.

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle le refus de prolonger l’autorisation de séjour de la demanderesse équivaudrait à un retrait d’une décision créatrice de droits, force est de constater que Madame … ne s’est vue délivrer qu’une autorisation de séjour temporaire, arrivée à échéance au 30 janvier 2004, de sorte qu’à la date de la décision ministérielle déférée, Madame … ne disposait plus d’autorisation de séjour, et ce par le simple fait de l’expiration de l’autorisation lui initialement accordée, c’est-à-dire sans initiative aucune du ministre.

Il y a d’ailleurs lieu de relever à ce sujet qu’une décision d’octroi d’un permis de séjour temporaire ne confère à son bénéficiaire aucun droit acquis, mais peut, dans les limites des dispositions légales afférentes, ne pas être renouvelée, le renouvellement étant conditionné par le respect des dispositions légales applicables (voir trib. adm., 16 mai 2002, n° 1400, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, n° 260, p.257).

Or en l’espèce, la demanderesse ne conteste pas rentrer dans l’une des hypothèses de refus prévues à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, à savoir le fait de ne pas disposer de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Il s’ensuit que le moyen de la demanderesse basé sur un prétendu retrait illégal d’un acte administratif est à écarter.

Quant à la question de la non-consultation de la commission consultative évoquée par la demanderesse, il échet de relever que l’expiration d’une autorisation temporaire de séjour entraîne l’obligation de solliciter une nouvelle autorisation, sans qu’une décision de refus de renouvellement ne revête le caractère de décision de retrait. Par conséquent, l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers, qui, aux termes de l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers doit être pris avant toute décision portant révocation de l’autorisation temporaire de séjour, mais non en cas d’expiration d’une telle autorisation temporaire, n’a pas besoin d’être sollicité (voir trib. adm. 27 janvier 1997, n° 9724, Pas. adm. 2004, v° Etrangers n° 258, p.257, et autre référence y citée).

Le moyen afférent de la demanderesse est partant à rejeter.

Enfin, en ce qui concerne la référence à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, force est de constater que non seulement la demanderesse ne conteste pas ne plus vivre avec son mari, mais qu’elle reste encore en défaut de fournir une quelconque précision quant à la vie familiale qu’elle entend voir protéger par le biais des dispositions de l’article 8 CEDH.

Le tribunal tient à souligner à ce sujet que la vague affirmation, non autrement étayée, que la demanderesse n’aurait plus de famille « personnelle » en Yougoslavie, mais qu’en revanche « la majorité de sa famille » se trouverait « au Luxembourg ou en Allemagne », ne saurait en aucun cas suffire pour prétendre à la protection garantie par la susdite Convention.

Le mandataire de la demanderesse, bien que dûment convoqué, ne s’étant pas présenté à l’audience à laquelle l’affaire fut fixée pour plaidoiries, les carences constatées ci-dessus n’ont pas non plus pu être comblées par des explications supplémentaires orales, de sorte qu’il y a lieu de retenir que l’existence d’une vie familiale et privée n’est pas établie en l’espèce, de sorte que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas applicable en l’espèce.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et que partant la demanderesse est à en débouter.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est appelé à statuer contradictoirement en l'espèce, encore que la demanderesse n'était pas représentée à l'audience publique à laquelle l'affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19150
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;19150 ?

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