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02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19067

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 19067


Tribunal administratif N° 19067 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19067 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bhoutan), de nationalité

bhoutanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du minist...

Tribunal administratif N° 19067 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19067 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bhoutan), de nationalité bhoutanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 septembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le même ministre en date du 17 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2005.

En date du 6 mai 2004, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 15 juin 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 29 septembre 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 7 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande d’asile avait été refusée sur base du constat d’abord qu’il a déposé sa demande d’asile lorsqu’il a fait l’objet d’une mesure de mise à la disposition du Gouvernement afin d’éviter une mesure de refoulement imminente, alors qu’il aurait pu déposer sa demande d’asile antérieurement en France, en Belgique ou encore au Luxembourg dès son arrivée. Le ministre a retenu ensuite concernant son récit que le fait d’appartenir à une minorité et à un parti d’opposition n’entraînerait pas d’office le statut de réfugié, que Monsieur … n’a été que simple membre d’un parti d’opposition, de sorte à ne pas avoir été placé dans une position particulièrement exposée et que le fait de ne pas disposer de document d’identité ne saurait pas non plus constituer une persécution au sens de la Convention de Genève.

Le ministre a tiré la même conclusion relativement à l’arrestation alléguée du demandeur en retenant que même à supposer ce fait établi, il serait insuffisant pour justifier l’octroi du statut de réfugié, d’autant plus que le patron de Monsieur … a réussi à faire sortir de prison sans difficulté. Le ministre a relevé finalement que Monsieur … a indiqué comme motif de sa demande d’asile le fait d’avoir vécu très pauvrement au Bhoutan, de manière à avoir exprimé des motifs d’ordre économique à l’appui de sa demande, pourtant non susceptibles en tant que tels de justifier l’octroi du statut de réfugié. Il a constaté finalement que Monsieur … a indiqué n’avoir eu aucun problème dans son village d’origine, alors que ses problèmes trouveraient leur origine à Thimphu, de sorte qu’il aurait pu retourner vivre dans son village et profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son mandataire le 8 novembre 2004 et à une décision confirmative du refus initial prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 17 novembre 2004, Monsieur …, par requête déposée le 22 décembre 2004, a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions prévisées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 29 septembre et 17 novembre 2004.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir commis une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en refusant sa demande d’asile. Il expose être de nationalité bhoutanaise et avoir été membre du parti d’opposition « Bhutan’s People Party » pour lequel il aurait collé des affiches et participé à des manifestations, de manière à avoir été exposé à des persécutions violentes, se traduisant par une privation de sa liberté pour délit d’opinion, sinon des actes de violence répétés à son encontre. Il insiste en outre sur le caractère extrêmement répressif du pouvoir monarchique en place à l’égard des opposants au régime.

Le représentant étatique soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur ne traduit en définitive que des problèmes limités à une zone géographique déterminée, de manière à ne pas permettre de conclusions générales concernant le territoire globalement considéré du Bhoutan.

Monsieur … reste en effet en défaut de prouver que le défaut de protection allégué s’étendrait sur tout le territoire bhoutanais et n’avance pas de raisons suffisantes qui l’empêcheraient de s’installer dans une autre région de son pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité du demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm. 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, n° 48 et autres références y citées).

Le tribunal partage pour le surplus les interrogations du ministre ainsi que de l’agent d’audition relativement au fait que Monsieur … n’a pas autrement cherché à trouver refuge en Inde et n’a pas non plus profité dès son arrivée en France de la possibilité de demander l’asile, de manière à mettre fin dans les plus brefs délais à sa situation de fuite.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas établi à suffisance l’existence d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19067
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;19067 ?

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