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02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19053

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 19053


Tribunal administratif N° 19053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine)

et de son épouse Madame …, née le … (Bosnie-Herzégovine), tous les deux de nationalité bosniaque...

Tribunal administratif N° 19053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse Madame …, née le … (Bosnie-Herzégovine), tous les deux de nationalité bosniaque, demeurant ensemble à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er décembre 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Charles STEICHEN, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2005.

Le 24 mai 2004, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent entendus séparément en dates des 10 et 29 juin 2004 par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 1er décembre 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 8 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa de ce que leur demande avait été refusée au motif qu’il y aurait des divergences dans leurs versions respectives des événements notamment quant aux époques des menaces et à la cause des agressions alléguées de 2001 et qu’il serait curieux qu’ils n’aient même pas porté plainte auprès de l’OSCE au sujet des menaces proférées à leur encontre, alors que d’après leurs propres dires cet organisme aurait financé le parti politique au sein duquel ils auraient été actifs. Le ministre a signalé en outre qu’il résulterait des renseignements en sa possession et plus particulièrement du rapport de l’OSCE sur les élections du 2 octobre 2004, que la campagne électorale se serait déroulée sereinement, qu’il n’y aurait pas eu des rapports faisant état de tentatives d’intimidation, que la liberté de mouvement, d’association et d’expression aurait été respectée et que le processus électoral se serait déroulé dans les normes et dans la transparence, ce qui contredirait manifestement la version des faits tels que présentés par les époux …-…. Le ministre en a déduit que les dires des époux traduiraient davantage un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par requête déposée en date du 22 décembre 2004, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 1er décembre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Les demandeurs reprochent à la décision entreprise de violer la loi en ce que le ministre n’aurait pas apprécié à sa juste valeur leur situation spécifique et subjective qui serait telle qu’elle justifierait l’octroi du statut de réfugié. Ils font exposer qu’en 1996-

1997, Monsieur … aurait créé un parti politique en vu de participer aux élections communales à Doboj en 1997, qu’en raison de son engagement politique, il aurait été attaqué et battu en décembre 2001 de manière à avoir dû être hospitalisé et subir une intervention chirurgicale et que, au cours des années 2002 et 2003, il aurait été la cible de menaces et de provocations par téléphone de la part de diverses personnes dont il ignorerait néanmoins l’identité, mais qu’il supposerait être des adversaires politiques, notamment des partisans du parti SDS, qui essaieraient de l’intimider. Ils font relever que depuis que Monsieur … aurait annoncé sa participation aux élections municipales, les tentatives d’intimidation se seraient multipliées et seraient devenues de plus en plus graves au point de se traduire par des menaces de mort, de sorte qu’ils n’auraient plus eu d’autre alternative que de quitter leur pays d’origine en raison de ces actes de persécution.

Les demandeurs estiment pour le surplus qu’on ne saurait déduire automatiquement du seul fait qu’ils n’ont pas porté plainte contre des personnes inconnues et que l’OSCE n’a pas eu connaissance des menaces, des tentatives d’intimidation et de la pression exercée sur eux, que ces menaces seraient inexistantes et qu’ils ne seraient dès lors soumis à aucun danger sérieux au sens de la Convention de Genève en cas de retour.

Ils font valoir pour le surplus que les ressortissants bosniaques seraient à l’heure actuelle toujours sujet à de nombreuses discriminations au sein de leur pays d’origine tant par la population serbe que par les autorités qui y feraient régner un régime d’oppression et de discrimination quotidienne à l’encontre de cette minorité.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les éléments du dossier ne permettent pas de dégager l’identité et les motifs réels des auteurs des agressions alléguées ayant émané de personnes inconnues, de sorte qu’il est peu aisé de rattacher concrètement ces persécutions à l’un des critères prévus par la Convention de Genève.

Il s’y ajoute que des persécutions émanant non pas de l’Etat mais de personnes privées ne sauraient être reconnues comme motif d’octroi du statut de réfugié que si les personnes en cause ne bénéficient pas de la protection des autorités de leur pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève et que les demandeurs n’établissent pas à suffisance de droit l’incapacité actuelle des autorités compétentes de leur fournir une protection adéquate. Il convient de préciser sous ce rapport que, s’agissant d’actes émanant de certains groupements de la population, la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-

Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113 nos. 73-s).

Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de leur assurer une protection adéquate, ceci d’autant plus qu’ils affirment ne pas avoir porté plainte et qu’ils restent en défaut de fournir la moindre explication plausible de nature à éclaircir leur attitude ayant consisté à ne même pas informer l’OSCE des problèmes qu’ils ont rencontrés.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19053
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;19053 ?

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