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02/05/2005 | LUXEMBOURG | N°18864

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2005, 18864


Tribunal administratif N° 18864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Madame …, dite …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18864 du rôle, déposée en date du 17 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, assisté de Maître Carine SULTER, avocat, inscrits tous les deux à l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, pour compte de Madame …, dite …, demeurant à L-…, tendant à la réform...

Tribunal administratif N° 18864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2004 Audience publique du 2 mai 2005 Recours formé par Madame …, dite …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18864 du rôle, déposée en date du 17 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles LAUER, avocat à la Cour, assisté de Maître Carine SULTER, avocat, inscrits tous les deux à l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame …, dite …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 septembre 2004 rejetant la demande en remise gracieuse du 15 avril 1998 ayant pour objet une remise d’impôts et d’intérêts ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 18 février 2005 au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 8 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles LAUER pour compte de Madame …, dite … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale litigieuse ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian-Charles LAUER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 avril 2005.

Le 10 avril 1998, Madame …, dite …, introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, une demande « de bien vouloir gracieusement me décharger de mon obligation solidaire de supporter la deuxième moitié de la dette d’impôts toujours en souffrance de la communauté …-… » concernant l’impôt sur le revenu de l’année 1989.

Le 20 septembre 2004, le directeur de l’administration des Contributions directes refusa de faire droit à la demande en remise gracieuse dans les termes suivants :

« Vu la demande présentée le 15 avril 1998 par la dame …, demeurant à L-… et les lettres de rappel du 17 mai 2002 et du 20 avril 2004, présentées par Maître Christian-Charles LAUER, ayant pour objet une remise d’impôts et d’intérêts par voie gracieuse ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu’il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande tend à la décharge de l’obligation solidaire de supporter la moitié de la dette d’impôt de la communauté …-… ;

Considérant qu’en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande dûment justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l’administration des Contributions directes accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l’impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu’il est constant qu’aucune rigueur objective n’a été invoquée en l’espèce, que par ailleurs pareille rigueur ne se dégage des éléments du dossier et que par conséquent il y a lieu de statuer par rapport à l’existence d’une éventuelle rigueur subjective existant dans le chef de la dame … … ;

Considérant qu’une remise pour rigueur subjective n’est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensable ;

Considérant qu’une telle rigueur excessive au sens prévisé, incompatible avec le principe d’équité au sens du paragraphe 131 AO, n’est pas à admettre au vu de la situation de revenu et de la fortune de la requérante et au vu de la motivation présentée ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;

Par ces motifs, D é c i d e :

La demande en remise gracieuse est rejetée. » Par requête déposée le 17 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Maître Christian-Charles LAUER a introduit pour le compte de Madame … un recours en réformation contre la décision directoriale du 20 septembre 2004 en sollicitant la remise totale sinon partielle du solde restant dû de l’impôt et des intérêts relatifs à la communauté …-… pour l’année 1989.

Etant donné que le paragraphe 131 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO), prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation ainsi introduit.

Le recours, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse explique que la somme réclamée correspond au solde de l’impôt sur le revenu de l’année 1989 redû par la communauté …-….

Elle continue que depuis le mois de juin 1989 elle aurait vécu séparée de son époux et que le jugement de divorce est intervenu le 16 novembre 1992. Elle fait valoir que Monsieur … resterait redevable d’importants arriérés de pension alimentaire, qu’elle serait seule à élever 2 enfants scolarisés, qu’elle aurait de nombreuses dettes d’un montant total au 31 décembre 2002, de 308.682,08 € et que les biens immobiliers lui appartenant et ceux appartenant aux sociétés civiles immobilières, dans lesquelles elle détient la majorité des parts sociales, seraient tous grevés d’hypothèques, de sorte que le paiement de la part de l’impôt incombant à son ex-époux compromettrait gravement sa situation économique qui serait déjà difficile et la priverait, ainsi que ses enfants, de leurs moyens de subsistance. Elle fait ajouter qu’il serait particulièrement inéquitable de la laisser supporter seule la charge de l’impôt redû par la communauté …-…, dans la mesure où elle aurait déjà payé sa moitié de la dette et qu’elle n’aurait, pour le surplus, aucun moyen de récupérer auprès de son ex-époux la somme que l’administration lui réclame.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que l’impôt sur le revenu des personnes physiques ne serait pas une dette de la communauté mais une dette personnelle de chaque époux imposé, quel que soit le régime matrimonial, et que les relations internes n’intéresseraient pas le receveur qui est chargé de recouvrer contre chaque redevable la cote imposée à ce dernier. La solidarité selon le paragraphe 7 du « Steueranpassungsgesetz », signifierait seulement, aux termes exprès de la loi, que le paiement par un redevable profiterait aux autres redevables et que dans le cas de personnes imposées collectivement, la solidarité ne serait donc pas une rigueur, mais un tempérament indispensable, car sans elle chacun devrait payer le montant intégral que le bureau d’imposition a fixé à son encontre par bulletin dûment notifié. Il estime que dans la mesure où la demande initiale n’aurait pas allégué de rigueur objective, le recours ne pourrait être basé sur une telle cause, d’autant plus que l’obligation à la dette ne saurait passer pour une rigueur objective, selon les chances du redevable d’appeler autrui en contribution ou autrement répercuter sa dette.

Enfin, il souligne que la demanderesse estimerait à tort que le fait de payer la moitié de l’impôt fixé à son encontre, fût-ce par imposition collective, suffirait pour rendre inéquitable la perception du solde, de même que ne suffirait pas non plus le fait d’avoir deux enfants scolarisés. Ayant investi des moyens importants dans deux sociétés immobilières en plus des immeubles qu’elle possède au Luxembourg, en Espagne et en France, la demanderesse ne se trouverait pas dans une situation de fortune où le paiement de l’impôt la priverait des moyens de subsistance indispensables. Il termine qu’en l’état de la pratique des banques, les hypothèques inscrites ne seraient plus une preuve d’endettement, de sorte que le recours introduit ne serait pas fondé.

Dans son mémoire en réplique, Madame … fait valoir que le receveur devrait d’abord se retourner contre celui qui reste redevable de la moitié en souffrance de la dette d’impôt, à savoir, le sieur …, en ce qu’elle aurait déjà satisfait à son obligation de payer sa moitié. Elle continue que s’il est vrai qu’elle a investi d’importants moyens financiers dans des sociétés immobilières et qu’elle possède des immeubles, il serait tout aussi vrai que tous ses immeubles sont hypothéqués et que sa situation de fortune objective serait loin de celle que veut faire croire le délégué du Gouvernement. Elle ajoute que ce serait aussi à tort que le délégué du Gouvernement prétexte qu’en l’état de la pratique des banques, les hypothèques inscrites ne seraient plus une preuve d’endettement, alors qu’il s’agirait d’hypothèques inscrites premières en rang et qu’en cas de non-remboursement de ses dettes bancaires elle se verrait vendre par les banques ses immeubles, afin de rembourser ses dettes.

Au vu du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».

Une remise gracieuse, à condition que la légalité de l’impôt ne soit pas contestée, n'est justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l'application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l'intention du législateur (cf. Trib. adm. 18 novembre 1998, n° 10364 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Impôts, sous IX. Remise gracieuse, n° 249, p. 425 et autres décisions y citées).

En ce qui concerne la rigueur objective, force est de constater que la demanderesse omet de faire valoir des circonstances particulières établissant un cas de rigueur objective justifiant que la dette d’impôt soit remise par la voie gracieuse.

En ce qui concerne une rigueur subjective, l’existence de celle-ci s’apprécie au jour où le tribunal statue (Trib. adm. 12 janvier 2000, Pas. adm. 2004, V° Impôts, sous IX. Remise gracieuse, n° 257, p. 426).

Etant donné qu’une remise gracieuse n'est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement soulève que le seul fait d’avoir payé la moitié de l’impôt fixé à son encontre ne suffit pas pour rendre inéquitable la perception du solde, d’autant plus que l’impôt sur le revenu des personnes physiques n’est pas une dette de la communauté, mais une dette personnelle de chaque époux imposé.

Madame … estime que sa situation personnelle serait telle que le paiement de l’impôt compromettrait son existence économique et la priverait, ensemble ses deux enfants, des moyens d’existence personnels, de sorte qu’il y a lieu de vérifier sur base des éléments produits au dossier si tel est bien le cas en l’espèce.

En premier lieu force est de constater que la demanderesse reste en défaut de faire état de sa situation personnelle au jour où le tribunal statue. Elle se contente, en effet, d’affirmer qu’elle aurait de nombreuses dettes qui se sont élevées à 308.682, 08 € au 31 décembre 2002, c’est-à-dire il y a 2 ans et 4 mois sans préciser en quoi sa situation personnelle a évolué depuis lors.

Pour le surplus il résulte des pièces versées et de ses propres affirmations qu’elle possède de nombreux biens immobiliers à la fois en nom personnel et à travers la participation en des sociétés civiles immobilières, de sorte que c’est à bon droit que le délégué du Gouvernement fait valoir que sa situation de fortune n’est pas telle que le payement de l’impôt la prive de ses moyens de subsistance indispensables. L’affirmation non autrement caractérisée que certains de ses immeubles sont grevés d’hypothèques n’enlève rien à cette constatation.

Il s’ensuit qu’aucune rigueur subjective ne peut être retenue dans le chef de Madame …, de sorte que le recours dirigé contre la décision directoriale déférée laisse d’être fondé et doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond le dit non justifié, partant en déboute, condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2005 :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18864
Date de la décision : 02/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-05-02;18864 ?

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