La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19041

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 avril 2005, 19041


Tribunal administratif N° 19041 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2004 Audience publique du 27 avril 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19041 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Virginie ADLOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse,...

Tribunal administratif N° 19041 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2004 Audience publique du 27 avril 2005 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19041 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, assisté de Maître Virginie ADLOFF, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse, Madame …, née le … (Bosnie-Herzégovine) et de leurs deux enfants mineurs … , tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 septembre 2004 telle que confirmée le 16 novembre 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Virginie ADLOFF et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 13 avril 2005.

Le 10 décembre 2003, Monsieur … et son épouse Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 23 mars 2004.

Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 13 avril 2004.

Par décision du 29 septembre 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 1er octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa la famille …-… de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n'invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le recours gracieux daté du 4 novembre 2004 fut rejeté par une décision confirmative du 16 novembre 2004.

Le 17 décembre 2004, la famille …-… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribuanl est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils seraient connus dans leur ville comme membres d’un parti politique BOSS prônant une Bosnie ouverte à tous, sans distinction de l’appartenance à telle ou telle ethnie et qui susciterait l’ire de tous les patriotes qui luttent pour une Bosnie réservée aux seuls Bosniaques. Ils ajoutent qu’ils seraient considérés comme des traîtres et qu’on le leur ferait sentir journellement. Ils terminent qu’ils seraient très éprouvés par une grave maladie congénitale de leur fille … et qu’un retour dans leur pays risquerait de priver leur fille des soins qu’elle nécessite.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une seine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur et Madame …-… lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’adhésion de Monsieur … au parti politique BOSS, force est de constater que la simple qualité de membre d’un parti d’opposition n’est pas à elle seule un motif de reconnaissance du statut de réfugié. A cela s’ajoute que les menaces mises en avant par les demandeurs en raison de leur appartenance au parti politique BOSS, émanent non pas des autorités publiques, mais de jeunes nationalistes non autrement identifiés.

Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile.

En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-

qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce les demandeurs n’ont ni démontré que les autorités en place encourageraient ou toléreraient de tels actes, ni n’ont-t-ils démontré que celles-ci auraient été dans l’incapacité de les protéger. En effet, les demandeurs relatent eux-mêmes qu’ils n’ont pas porté plainte. En plus, il résulte de leurs propres déclarations que lors de l’agression d’août-septembre 2003, les voisins ont appelé la police laquelle est intervenue.

En ce qui concerne les considérations mises en avant par les demandeurs quant à l’état de santé déficient de leur fille, celui-ci ne saurait être pris en considération dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile.

En ce qui concerne, enfin, le moyen soulevé en ce que le renvoi de la petite Mehida … dans son pays d’origine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention des droits de l’homme, il échet de constater qu’actuellement le tribunal est saisi d’un recours à l’encontre d’une décision portant refus du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et non pas d’un recours contre une décision portant éloignement des demandeurs dans leur pays d’origine, de sorte que le moyen ainsi soulevé est à écarter.

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont les demandeurs font état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 avril 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19041
Date de la décision : 27/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-27;19041 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award