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27/04/2005 | LUXEMBOURG | N°18699

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 avril 2005, 18699


Numéro 18699 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2004 Audience publique du 27 avril 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de fonctionnaires et agents publics

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18699 du rôle, déposée le 7 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif p

ar Maître Henri DUPONG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à...

Numéro 18699 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2004 Audience publique du 27 avril 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de fonctionnaires et agents publics

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18699 du rôle, déposée le 7 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri DUPONG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, licenciée en sciences de la Santé publique et infirmière graduée hospitalière, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale, de la formation professionnelle et des Sports du 9 juillet 2004 portant rejet de sa demande de nomination à la fonction de professeur de sciences d’enseignement secondaire technique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2005 par Maître Henri DUPONG pour compte de Madame …;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 février 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Henri DUPONG et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 février 2005.

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Suivant contrat de louage de services de chargé d’éducation à durée déterminée du 26 juillet 2001, Madame …, préqualifiée, fut engagée en qualité de chargée d’éducation à durée déterminée au Lycée Technique pour Professions de Santé avec une tâche hebdomadaire de 18 leçons pour la période du 17 septembre 2001 au 15 septembre 2002.

Suite à sa demande afférente du 16 juillet 2001 et à sa réussite aux différentes épreuves de classement de l’examen-concours de recrutement afférent, Madame … fut admise, par arrêté de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 14 décembre 2001, au stage pour les fonctions de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique, spécialité « enseignement pour professions de santé » au Lycée technique pour Professions de Santé avec effet à partir du 1er janvier 2002.

Ayant suivi la formation pédagogique d’ordre théorique et pratique au cours de la promotion 2002-2003 et ayant subi avec succès l’examen final sous forme d’une soutenance, Madame … se vit décerner en date du 7 juillet 2003 le diplôme de formation pédagogique avec la mention « satisfaisant ». De ce fait, elle fut admise à se présenter à la période probatoire devant se dérouler au sixième trimestre du stage pédagogique.

Par arrêté du 23 juillet 2003, la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche institua la commission pour procéder à l’examen de fin de stage de Madame ….

Lors de l’examen de fin de stage qui s’est déroulé au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2003-2004, Madame … obtint deux notes insuffisantes sur cinq, de sorte que la commission d’examen prononça un refus suivant décision du 11 décembre 2003 non contestée par la voie contentieuse.

Lors de la deuxième session de l’examen de fin de stage qui s’est déroulé au cours du deuxième trimestre de l’année scolaire 2003-2004, Madame … obtint de nouveau deux notes insuffisantes sur cinq, de manière que la commission d’examen prononça à son égard une nouvelle décision de refus en date du 22 mars 2004.

A l’encontre de cette décision de refus, Monsieur … soumit, par lettres du 26 mars 2004, un recours gracieux adressé à la fois à la commission d’examen et à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Cette dernière réagit d’abord par courrier du 30 mars 2004 dans les termes suivants :

« Madame, J’ai l’honneur d’accuser réception de votre recours gracieux ayant trait à l’objet émargé.

En date du 23 juillet 2003, j’ai nommé une commission d’examen devant procéder à l’examen final sanctionnant votre période probatoire tel que prévu par le règlement grand-

ducal du 2 juin 1999 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement post primaire.

Cette commission, présidée par un Commissaire de Gouvernement, est souveraine dans la prise de décision.

En l’occurrence, je ne suis pas en mesure, ni de confirmer, ni d’infirmer la décision de la commission d’examen du 22 mars 2004.

Toutefois, je vais saisir la commission d’examen de votre recours et lui suggérer de se réunir afin de trancher si les éléments avancés par vos soins sont à prendre en compte ou non. Faut-il relever que je vais entériner la décision que la commission d’examen va prendre à l’issue de cette réunion.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués ».

La même ministre prit définitivement position par rapport à ce recours gracieux par lettre du 2 avril 2004 libellée comme suit :

« Madame, Suite à votre échec à l’examen de fin de stage, vous m’avez transmis en date du 26 mars 2004 copie du recours gracieux que vous avez adressé au Commissaire de Gouvernement ainsi qu’aux membres de la commission d’examen de fin de stage avec prière de reconsidérer cette décision.

Compte tenu des arguments que vous avez avancé à l’appui du certificat médical annexé à votre recours, je me suis permis de suggérer à la commission d’examen de se concerter afin de décider de la suite à réserver à votre requête.

Par lettre du 2 avril 2004, le Commissaire de Gouvernement de la commission d’examen précitée m’informe que la commission s’est réunie le 1er avril 2004 et, qu’après délibération, a décidé de ne pas revenir sur sa décision du 22 mars 2004, estimant que le certificat attestant votre état de santé ne justifie pas une modification de cette décision, étant donné qu’il a été introduit après la décision d’échec prononcée par la commission.

En l’occurrence, je ne puis que confirmer la décision de la commission d’examen du 26 mars 2004 susvisée.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués ».

Suivant courrier du 4 avril 2004 adressé à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame … fit état de son titre « d’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur, orientation soins infirmiers » délivré par l’Université catholique de Louvain « faculté de médecine » en date du 12 septembre 2000 pour, sur base de ce titre, obtenir de plano la nomination à la fonction de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique.

Par arrêté du 9 mai 2004 et en considération du fait que la commission d’examen a prononcé deux fois un échec à l’examen sanctionnant la formation pédagogique d’ordre théorique et pratique de Madame … qu’elle n’est plus admise à se présenter une nouvelle fois à cet examen, la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports l’écarta du stage avec effet au 1er septembre 2004.

Par requête déposée le 15 juin 2004 et inscrite sous le numéro 18237 du rôle, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision de la commission d’examen du 22 mars 2004, de la décision confirmative de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 avril 2004, ainsi que de l’arrêté de la même ministre du 23 juillet 2003 portant institution de la commission pour procéder à l’examen de fin de stage de Madame ….

Suivant courrier du 18 juin 2004, la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche accusa réception de la demande de nomination de Madame … du 4 avril 2004 et l’informa qu’elle avait transféré cette demande au ministre compétent, à savoir la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports.

Cette dernière statua sur cette même demande de nomination par courrier du 9 juillet 2004 libellé comme suit :

« Madame, Monsieur, J’ai été saisie par courrier en date du 2 juillet 2004 par Madame la Ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de votre demande de nomination à la fonction de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique, eu égard à votre titre d’agrégé de l’enseignement secondaire supérieur, orientation soins infirmiers, délivré par l’Université catholique de Louvain.

Je tiens par la présente à vous informer que, compte tenu de la législation et réglementation applicable à la profession d’enseignant au Luxembourg, le titre d’agrégé de l’enseignement secondaire supérieur belge ne vous donne en aucun cas un accès direct au professorat.

En effet, en l’état actuel de nos textes, ce titre vous donne tout au plus la possibilité de bénéficier d’une dispense d’une partie du stage pédagogique, et plus particulièrement de la partie « formation pédagogique » (article 23, 1er alinéa, du règlement grand-ducal modifié du 2 juin 1999 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement post primaire), aucune dispense ne pouvant toutefois être accordée pour la période probatoire (article 23, alinéa 3, du règlement grand-

ducal précité).

Vu les explications qui précèdent, je ne puis donner une suite favorable à votre demande de nomination à la fonction de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique basée sur la seule possession de votre diplôme d’agrégé de l’enseignement secondaire supérieur belge.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation pouvant être intenté par le ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente devant le tribunal administratif de et à Luxembourg.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments très distingués ».

Par requête déposée le 6 août 2004 et inscrite sous le numéro 18509 du rôle, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’arrêté prévisé de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 9 mai 2004 l’ayant écarté du stage. Par requête séparée déposée le même jour, Madame … introduisit une demande en sursis à exécution et en institution d’une mesure de sauvegarde par rapport au même arrêté ministériel du 9 mai 2004, laquelle fut rejetée par ordonnance du 13 août 2004.

Par requête déposée le 7 octobre 2004 et inscrite sous le numéro 18699 du rôle, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 9 juillet 2004 ayant rejeté sa demande de nomination à la fonction de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse soulève d’abord le moyen tiré de l’inconstitutionnalité du règlement grand-ducal modifié du 2 juin 1999 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement post-primaire, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 2 juin 1999 ». Elle fait valoir à cet égard que ce règlement renverrait certes à l’article 9 de la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, ci-après désignée par la « loi du 18 juin 1969 », mais que cet article 9 serait lui-même contraire à l’article 23 de la Constitution du fait de permettre au pouvoir réglementaire de déroger aux lois existantes. Elle ajoute que l’article 23 de la Constitution réserverait au pouvoir législatif la prérogative de régler tout ce qui est relatif à l’enseignement, mais que le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 établirait à travers ses 40 articles un régime complet et détaillé concernant les études, le stage pédagogique, la formation pédagogique d’ordre théorique et pratique, la période probatoire, le conseil de Formation pédagogique, les dispenses et les droits et devoirs des stagiaires sans que la loi du 18 juin 1969 ne prévoirait du moins les principes essentiels de ce régime, entraînant que le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 établirait des critères non prévus par la loi et ne serait ainsi pas conforme à l’article 23 de la Constitution. Elle conclut que la décision critiquée du 9 juillet 2004 devrait encourir l’annulation pour être basée sur ces dispositions inconstitutionnelles de l’article 9 de la loi du 18 juin 1969 et du règlement grand-ducal du 2 juin 1999. Elle relève encore qu’aucune des autres lois visées au préambule du règlement grand-ducal 2 juin 1999 ne prévoirait du moins les principes essentiels du stage pédagogique, la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général ne s’étant de plus vu ajouter son article 2 paragraphe 1, h) invoqué par le délégué du gouvernement que par une loi modificative du 19 mai 2003, donc postérieurement à la prise du règlement grand-ducal du 2 juin 1999.

Aux termes de l’article 23 alinéa 3 de la Constitution, « la loi détermine les moyens de subvenir à l’instruction publique ainsi que les conditions de surveillance par le Gouvernement et les communes ; elle règle pour le surplus tout ce qui est relatif à l’enseignement et prévoit, selon des critères qu’elle détermine, un système d’aides financières en faveur des élèves et étudiants ».

Pour que la réserve législative instaurée par cette disposition constitutionnelle puisse trouver application, le stage suivi par la demanderesse doit rentrer dans la notion de « l’enseignement » y consacrée.

Or, l'article 9 de la loi du 18 juin 1969, en disposant que les règlements grand-ducaux à prendre sur avis du Conseil d'Etat organiseront des « stages professionnels ou de formation spécialisée », doit être interprété en ce sens que le stage professionnel prévu par le règlement grand-ducal du 2 juin 1999, à l’instar du stage notarial, fait partie des stages visés par cette disposition, alors qu’elle porte que les règlements grand-ducaux pourront imposer la fréquentation d'un enseignement complémentaire et subordonner « la continuation du stage » à la réussite d'une épreuve par les intéressés qualifiés de « stagiaires » qui toucheront « une indemnité de stage ». En effet, il se dégage de l’article 8 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 que le stage pédagogique y instauré comprend d’abord une formation pédagogique d’ordre pratique et d’ordre théorique sanctionnée par un examen et ensuite une période probatoire. Il résulte de la jurisprudence de la Cour administrative qu’un tel stage ne relève pas de l'enseignement, entraînant que l’article 23 alinéa 3 de la Constitution n’y est pas applicable (cf. Cour adm. 12 juillet 2001, n° 12939, Pas. adm. 2004, v° Education nationale, n° 23). Par voie de conséquence, le moyen afférent de la demanderesse est à écarter comme n’étant pas pertinent.

La demanderesse argue encore que l’article 9 de la loi du 18 juin 1969 et le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 seraient contraires à l’article 36 de la Constitution dans la mesure où ledit article autoriserait le règlement grand-ducal pris sur sa base à déroger aux lois existantes et à suspendre ainsi ces lois.

Même en admettant le principe que l’article 36 de la Constitution prohibe une habilitation par une loi au pouvoir réglementaire de déroger à des lois existantes, il n’en reste pas moins que l’insertion d’une telle habilitation dans une loi n’entraîne pas automatiquement l’inconstitutionnalité d’un règlement grand-ducal pris sur base de cette loi, mais que cette inconstitutionnalité est confinée aux dispositions précises de ce règlement grand-ducal qui entendent concrètement déroger à des lois existantes. Or, à défaut par la demanderesse d’avoir désigné les dispositions du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 appliquées en l’espèce et portant dérogation à des lois existantes, ce moyen formulé en pétition de principe doit également être écarté comme n’étant pas fondé.

La demanderesse soutient ensuite que le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 aurait été pris en violation de l’article 2 de la loi du 13 août 1992 portant a) transposition de la directive du Conseil (89/48/CEE) relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans ; b) création d’un service de coordination pour la reconnaissance de diplômes à des fins professionnelles, au motif qu’il n’aurait pas été pris sur base de cette loi et qu’il aurait été adopté sans l’assentiment de la Conférence des Présidents de la Chambre des Députés.

Force est cependant de constater qu’alors que la prédite loi du 13 août 1992 est confinée dans son objet à la reconnaissance au Luxembourg de diplômes d’enseignement supérieur étrangers, l’objet du règlement grand-ducal du 2 juin 1999, en ce qu’il détermine les conditions d’études requises pour être nommé aux fonctions d’enseignement y visées, se situe à une étape en aval de la reconnaissance de titres en définissant les conditions de qualification – le cas échant fondées sur des diplômes reconnus sur base de la prédite loi du 13 août 1992 – pour la nomination aux fonctions de professeurs y précisées. Il s’ensuit que le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 ne tire pas sa base légale de ladite loi du 13 août 1992 et que les modalités fixées par son article 2 comme devant prévaloir lors de la prise d’un règlement grand-ducal en son exécution ne trouvent pas application à ce règlement grand-

ducal du 2 juin 1999. Ce moyen de la demanderesse est partant à rejeter.

La demanderesse fait valoir que la décision ministérielle critiquée du 9 juillet 2004 ne respecterait pas l’article 4 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 en ce sens que son titre d’agrégation lui délivré par l’Université catholique de Louvain devrait lui permettre, en conformité avec cette disposition réglementaire, l’accès immédiat à la fonction de professeur de l’enseignement secondaire technique. Elle se prévaut des déclarations du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse pour estimer que son diplôme d’agrégation en cause est un diplôme au sens de la directive du Conseil n° 89/48/CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, ci-après désignée par la « directive n° 89/48 », et pour soutenir que la ministre donnerait une interprétation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 limitant l’application de la directive n° 89/48 au seul accès à la profession à l’exclusion de l’exercice de la profession, mais que cette interprétation irait au-delà des exigences de la directive n° 89/48 en se résumant à l’exigence outre d’une formation universitaire également d’un accès à la profession dans un autre Etat membre et qu’elle aboutirait à une discrimination par rapport à ce qui est exigé pour les aspirants visés par l’article 3 du même règlement grand-ducal.

La demanderesse argue ensuite que les affirmations dans la décision critiquée du 9 juillet 2004 que son titre d’agrégé ne lui conférerait que tout au plus le bénéfice d’une dispense d’une partie du stage pédagogique, mais pas aucune dispense concernant la période probatoire reposeraient sur une application erronée de l’article 23 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999. Elle soutient que le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 prendrait soin de distinguer entre les détenteurs d’un diplôme final délivré par un institut d’enseignement supérieur qui sont à considérer, au vœu de l’article 3 de ce règlement, comme aspirants aux fonctions de professeur et les détenteurs d’un diplôme défini par la directive n° 89/48 visés par l’article 4 du même règlement. D’après la demanderesse, les aspirants professeurs mentionnés à l’article 3 seraient titulaires d’un diplôme ouvrant l’accès au stage pédagogique au Luxembourg, tandis que les détenteurs de diplômes visés par l’article 4, n’ayant pas été qualifiés d’aspirants professeurs, seraient entièrement dispensés du stage pédagogique pour satisfaire déjà aux conditions d’études pour la nomination directe aux fonctions de professeur.

L’article 4 paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 dispose comme suit :

« Les détenteurs d’un diplôme répondant à la définition de l’article premier, paragraphe a, ou de l’article 3, paragraphe b, de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 remplissent les conditions d’études pour la nomination aux fonctions de professeur de lettres (différentes spécialités), de sciences (différentes spécialités), de sciences économiques et sociales, d’éducation artistique, d’éducation physique, d’éducation musicale et de doctrine chrétienne, de professeur-ingénieur, professeur-architecte, professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique:

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si le diplôme au sens de la directive 89/48/CEE sanctionne un cycle d’études universitaires ou de niveau universitaire d’au moins 4 ans et donne accès, dans un Etat membre et dans la même spécialité, à la profession ou fonction correspondant à celle qui est visée au Luxembourg, ou -

si le diplôme au sens de la directive 89/48/CEE sanctionne un cycle d’études universitaires ou de niveau universitaire de 3 ans et donne accès dans un Etat membre et dans la même spécialité, à la profession ou fonction correspondant à celle qui est visée au Luxembourg et si le demandeur peut faire état d’un exercice effectif et licite pendant deux ans dans une institution publique ou reconnue par l’Etat de la profession concernée dans un Etat membre, ou -

si le diplôme au sens de la directive 89/48/CEE sanctionne un cycle d’études universitaires ou de niveau universitaire d’au moins 3 ans, préparant à l’exercice dans la même spécialité de la profession correspondant à celle qui est visée au Luxembourg, et si le demandeur a exercé à plein temps cette profession pendant deux ans dans une institution publique ou reconnue par l’Etat dans un Etat membre qui ne réglemente pas cette profession ».

Cette disposition doit être rapprochée de l’article 1er du même règlement grand-ducal du 2 juin 1999, dans sa teneur applicable au moment de la prise de la décision critiquée, d’après lequel « nul ne peut être nommé aux fonctions de:

professeur de lettres, de sciences, de sciences économiques et sociales, d’éducation artistique, d’éducation physique, d’éducation musicale ou de doctrine chrétienne, de professeur-ingénieur, de professeur-architecte, de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique, de professeur d’enseignement technique, de maître de cours spéciaux, de maître d’enseignement technique, s’il ne remplit pas les conditions d’études, d’admission à l’examen concours de recrutement et de formation pédagogique prévues au présent règlement, sans préjudice des conditions fixées à l’article 6 du présent règlement ».

Cette dernière disposition pose clairement trois séries de conditions à remplir cumulativement pour être nommé définitivement aux fonctions y visées, dont celle de professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique, à savoir celle relative aux études effectuées, celle relative à l’admission à l’examen concours de recrutement et enfin celle relative à l’accomplissement de la formation pédagogique. Le terme de « formation pédagogique » doit être compris dans ce cadre comme visant l’intégralité des exigences de formation préalable définies dans ce règlement, à savoir le stage pédagogique comprenant, au vœu de l’article 8 du même règlement, la formation pédagogique d’ordre théorique et d’ordre pratique et une période probatoire. Cette analyse se trouve en effet confortée par le règlement grand-ducal du 9 décembre 2004 modifiant le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 qui a remplacé, à travers son article 1er, le terme de « formation » par celui de « stage ». Elle se trouve également confirmée par l’article 18 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 qui dispose dans son alinéa 1er que « la période probatoire comprend un examen de fin de stage dont la réussite constitue une des conditions donnant accès à la fonction briguée par le stagiaire » et qui érige ainsi la réussite à l’examen de fin de stage, se situant ratione temporis à la fin de l’ensemble du stage pédagogique à accomplir, en condition pour une nomination définitive en tant que professeur.

Dans ce cadre, l’article 4 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 fait partie du chapitre II de ce règlement portant sur la seule condition relative aux études effectuées. En effet, l’article 4 paragraphe 1er précise que « les détenteurs d’un diplôme … remplissent les conditions d’études pour la nomination aux fonctions de … professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique ». Les hypothèses de titres visés par l’article 4 se distinguent de celles visées par l’article 3 du même règlement grand-ducal du 2 juin 1999 essentiellement par le fait que les titres définis à l’article 3 ont, soit été émis par des institutions luxembourgeoises, soit été préalablement reconnus sous différentes formes par les autorités luxembourgeoises, mais ces deux dispositions ne sauraient recevoir l’interprétation préconisée par la demanderesse en ce sens que les titres définis à l’article 4 emporteraient pour leurs détenteurs la dispense automatique du stage pédagogique. Il s’ensuit que l’article 4, tout comme l’article 3, ne régit que la question des études qu’un aspirant doit avoir accomplies afin de pouvoir briguer un poste d’enseignant et que le titulaire d’un diplôme rentrant dans les prévisions de cette disposition ne saurait se prévaloir d’un droit à une nomination définitive et immédiate en tant que professeur sans satisfaire aux autres deux conditions posées par l’article 1er du même règlement.

Dans la mesure où l’interprétation de l’article 4 du règlement grand-ducal 2 juin 1999 avancée par la demanderesse ne saurait être suivie par le tribunal, il s’ensuit également que sa position quant à la non-applicabilité de l’article 23 du même règlement à un détenteur d’un diplôme visé par ledit article 4 ne saurait être suivie, étant donné que tout candidat à la fonction de professeur, détenant l’un des titres ou diplômes définis par les articles 2 à 5 dudit règlement, est soumis par l’article 1er du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 à l’obligation d’accomplir le stage pédagogique et que l’article 23 régit pour tous ces candidats les conditions d’une dispense partielle sur base de formations pédagogiques.

Il s’ensuit que les moyens afférents de la demanderesse laissent d’être fondés.

La demanderesse s’empare finalement des dispositions de la directive n° 89/48 pour soutenir que, même si la décision critiquée était conforme au droit interne, elle ne respecterait pas le droit communautaire applicable. D’après elle, son diplôme d’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur constituerait le titre requis pour l’exercice de la fonction de professeur de cours techniques dans l’enseignement secondaire du degré supérieur organisé en Communauté française de Belgique et qu’en vertu de l’article 3 de la directive n° 89/48 imposant à tout Etat membre d’accepter l’accès à une profession réglementée et son exercice pour tout ressortissant d’un Etat membre qui possède le diplôme prescrit dans un autre Etat membre pour accéder à cette même profession ou l’exercer sur son territoire, elle aurait dû bénéficier d’une nomination immédiate à la fonction de professeur. La demanderesse affirme qu’alors même que l’article 4 de la directive n° 89/48 conférerait aux Etats membres lors de la transposition le droit d’imposer un stage d’adaptation pendant trois ans ou une épreuve d’aptitude lorsque la formation reçue a porté sur des matières substantiellement différentes, les articles 23 et 24 du règlement grand-ducal du 2 juin 1999 ne sauraient être considérés comme ayant transcrit une telle exigence en droit luxembourgeois et que, même si tel était le cas, l’application de ces dispositions ne pourrait pas entraîner dans son chef l’obligation de se soumettre à un stage ou une épreuve d’aptitude, au motif que la formation par elle reçue à l’Université de Louvain n’aurait pas porté sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le diplôme requis au Luxembourg, l’enseignement ainsi que les matières enseignées dans le domaine médical étant nécessairement identiques en Belgique et au Luxembourg. Elle fait encore valoir que la durée de la formation en Belgique sanctionnée par le diplôme d’agrégé serait d’au moins une année, que la différence de cette durée d’études par rapport à la durée de 5 trimestres au Luxembourg serait minime, « le contenu et la qualité d’une formation [n’étant] pas fonction de la durée de l’enseignement y relatif », et que par analogie à la jurisprudence communautaire imposant la reconnaissance d’une équivalence accordée par un Etat membre en cas de modification de la durée d’études, il y aurait lieu d’assimiler son diplôme belge d’agrégation au diplôme de formation pédagogique au Luxembourg.

Aux termes de l’article 3 alinéa 1er de la directive n° 89/48, « lorsque, dans l'État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un diplôme, l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un État membre, pour défaut de qualification, d'accéder à cette profession ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux:

a) si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer et qui a été obtenu dans un État membre (..) ».

Il convient de relever que cette disposition de droit communautaire distingue clairement entre l’accès à une profession réglementée et son exercice et qu’elle prohibe seulement le refus fondé sur le motif tiré d’un défaut de qualification à un détenteur d’un diplôme conforme aux critères définis par cette directive.

Dans la mesure où le délégué du gouvernement a précisé à juste titre que l’accès au professorat n’a jamais été refusé à la demanderesse puisqu’elle a pu se présenter et participer à l’examen concours de recrutement tout comme elle a accompli son stage sauf à ne pas avoir réussi à l’examen de fin de stage, la situation de l’espèce et circonscrite par la demande soumise le 4 avril 2004 par la demanderesse s’analyse en une hypothèse où le droit à l’exercice d’une profession réglementée est en cause.

Pour que la demanderesse puisse prospérer dans sa prétention à obtenir directement une nomination définitive en tant que professeur de sciences de l’enseignement secondaire technique sur base de l’article 3 de la directive n° 89/48 et à se voir dispenser du stage pédagogique au Luxembourg sur le fondement de l’article 4 de la même directive, il faudrait que les diplômes dont elle est titulaire lui confèrent directement le droit à exercer la profession réglementée de professeur en Belgique, donc le droit à être nommée à une fonction enseignante à titre définitif.

Cependant, s’il est vrai qu’il résulte du certificat du directeur général du ministère de la Communauté française de Belgique du 3 mai 2004 que le diplôme d’agrégé de l’enseignement secondaire supérieur « constitue le titre requis pour l’exercice de la fonction de professeur de cours techniques (nursing – soins infirmiers) dans l’enseignement secondaire du degré supérieur organisé en Communauté française de Belgique », de manière à constituer en Belgique la qualification professionnelle requise à cette fin, il n’en reste pas moins qu’il découle des éléments versés en cause par le délégué du gouvernement, et plus particulièrement d’une note de synthèse concernant la Communauté française de Belgique rédigée en mars 2004 par la direction de l’éducation, division des politiques de l’éducation et de la formation de l’OCDE, qu’en Belgique le statut des enseignants se caractérise par trois phases distinctes, à savoir d’abord le statut de « temporaire » contractuel à partir du premier engagement, ensuite le statut de « temporaire prioritaire » à partir d’une certaine ancienneté et en cas de satisfaction à d’autres conditions spécifiques et finalement la « nomination ou désignation au titre définitif » comme fonctionnaire public et que les enseignants titulaires du diplôme d’agrégé doivent faire leur entrée en carrière en tentant de se faire engager sous le statut de « temporaire » par un pouvoir organisateur qui peut être la Communauté ou des entités légales publiques ou privées.

Il découle de ces éléments que le diplôme d’agrégé ne confère pas en Belgique un droit à se voir nommer à la fonction publique d’enseignant, mais qu’il constitue le titre requis à l’entrée dans la carrière professionnelle d’enseignant qui est caractérisée par différents statuts contractuels ou statutaires successifs. Or, dans la mesure où il ne constitue pas en Belgique la concrétisation d’une qualification professionnelle qui permet l’exercice immédiat de la fonction publique d’enseignant sans autre étape professionnelle préalable, ce diplôme d’agrégé ne peut être qualifié de « diplôme qui est prescrit par un autre État membre pour … exercer [cette même profession sur son territoire] et qui a été obtenu dans un État membre (..) » au sens de l’article 3 de la directive n° 89/48. Le diplôme d’agrégé invoqué par la demanderesse doit par contre être considéré comme diplôme requis pour accéder à la carrière d’enseignant de l’enseignement secondaire, de manière à constituer une preuve suffisante de l’accomplissement des conditions d’études en vue de l’accès à la carrière de professeur au Luxembourg. Or, il résulte de l’exposé des faits ci-avant que la demanderesse a pu faire valoir son droit à l’accès à cette carrière à travers sa participation à l’examen concours et son admission au stage pédagogique.

Il s’ensuit que la demanderesse est malfondée à s’emparer des dispositions de l’article 3 de la directive n° 89/48 pour contester le bien-fondé de la décision ministérielle du 9 juillet 2004 et qu’elle ne saurait pas non plus se fonder sur l’article 4 de la même directive, dont l’application au stade de l’exercice d’une profession présuppose l’existence d’un diplôme conférant dans l’Etat membre d’origine le droit à l’exercice de cette profession, pour critiquer l’exigence de l’accomplissement du stage pédagogique complet tel que prévu par le règlement grand-ducal du 2 juin 1999 dans son chef.

Il y a lieu de conclure à partir de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 27 avril 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18699
Date de la décision : 27/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-27;18699 ?

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