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20/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19541

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 avril 2005, 19541


Tribunal administratif N° 19541 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19541 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocat

s à Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à Rozaje (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-m...

Tribunal administratif N° 19541 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19541 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, née le … à Rozaje (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 décembre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 21 février 2005, suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2005 en nom et pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en sa plaidoirie.

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En date du 29 novembre 2004, Mme … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Mme … fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Elle fut encore entendue le 16 décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le 20 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 28 janvier 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 21 février 2005.

Par requête déposée le 23 mars 2005, Mme … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 20 décembre 2004 et 21 février 2005.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Mme … reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’elle n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où elle aurait fait état de ce qu’elle aurait été contrainte de quitter son pays d’origine pour fuir « le radicalisme musulman de son mari », qui l’aurait forcée de porter le voile et de lire des livres religieux et que même après avoir divorcé, ses parents l’auraient contrainte de retourner vivre auprès de son ex-mari.

Elle ajoute qu’en raison de la situation instable, des problèmes financiers et des risques particuliers pour sa sécurité du fait de sa situation de « femme-célibataire », elle ne pourrait pas rechercher refuge dans une autre ville ou village de son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, telle la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (trib.

adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle).

En outre, une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 16 décembre 2004, du recours gracieux, voire de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique, force est de constater qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. -

En effet, il appert du compte rendu de son audition, que la demanderesse a expliqué que la raison principale l’ayant conduite à quitter son pays était ses problèmes avec son ex-mari (« J’avais des problèmes avec mon mari et avec les miens et j’en avais par-dessus la tête de tout et c’est pour cela que j’ai décidé de partir », « Mon mari était un musulman radical et il voulait pratiquement que je mette le voile, mais moi je n’aime pas cela », « (…) il m’obligeait de lire des livres lorsqu’il était au travail et je devais ensuite lui raconter ce que j’avais lu et il m’obligeait de porter le voile ») et des problèmes matériels et économiques, auxquels s’ajoute un sentiment général d’insécurité au regard de la situation générale régnant dans son pays d’origine. – Ainsi, force est de constater que la demanderesse n’a manifestement pas fait état d’éléments desquels il se dégage que la vie lui était devenue insupportable dans son pays d’origine et elle n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécution au sens de la Convention de Genève ou précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’elle pouvait avec raison craindre qu’elle risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de ladite Convention, son ex-mari ne pouvant manifestement pas être considéré comme agent de persécution.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la demanderesse est restée en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 20 avril 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19541
Date de la décision : 20/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-20;19541 ?

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