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20/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19525

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 avril 2005, 19525


Tribunal administratif N° 19525 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19525 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de M. …, née le … à Mitrovica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro) et de son ép...

Tribunal administratif N° 19525 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19525 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, née le … à Mitrovica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro) et de son épouse, Mme … …, née le … à Mitrovica, tous les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 janvier 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 21 février 2005, suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Aurore GIGOT, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 novembre 2004, M. … et son épouse, Mme … … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent encore entendus séparément le 2 décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le 10 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa que leur demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’ils ne feraient valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de leur mandataire du 8 février 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 21 février 2005.

Par requête déposée le 21 mars 2005, les époux …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 10 janvier et 21 février 2005.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions critiquées.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les époux …-… reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’ils n’auraient pas invoqué de crainte de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques comme motif à la base de leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où ils auraient quitté leur pays d’origine pour fuir les « persécutions dont leur famille était victime », étant relevé qu’ils auraient initialement habité dans la partie nord de Mitrovica, d’où ils auraient dû partir du fait que les Serbes auraient détruit leur maison d’habitation et que par la suite, le père de Monsieur … aurait reçu des menaces et aurait même été persécuté et emprisonné injustement en raison du fait que dans le cadre de l’exercice de sa profession de menuisier, il aurait travaillé pour des Serbes et parce qu’il aurait collaboré avec l’OSCE.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, tels la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (trib.

adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle).

En outre, une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile, tels qu’ils se dégagent des rapports d’audition susvisés du 2 décembre 2004, du recours gracieux, voire de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’ils n’ont manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans leur chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance. - En effet, il appert clairement des comptes rendus de leur audition, que les demandeurs ont essentiellement quitté leur pays en raison du fait que leur maison a été détruite et, se trouvant sans travail et sans ressources personnelles, ils n’auraient pas su où aller, tout en faisant état d’un simple sentiment général d’insécurité lié au fait que le père de Monsieur … aurait prétendument reçu des menaces anonymes voire d’autres persécutions, celles-ci restant pour le surplus à l’état de simples allégations. – Ainsi, force est de constater que les demandeurs, tous les deux d’origine albanaise, la communauté largement majoritaire au Kosovo, n’ont manifestement pas fait état d’éléments desquels il se dégage que la vie leur était devenue insupportable sur l’entièreté du territoire du Kosovo et ils n’ont pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécution personnelle au sens de la Convention de Genève ou précisé en quoi leur situation particulière ait été telle qu’ils pouvaient avec raison craindre qu’ils risqueraient de faire l’objet de persécutions au sens de ladite Convention.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les demandeurs sont restés en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré leur demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 20 avril 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19525
Date de la décision : 20/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-20;19525 ?

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