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20/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19222

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 avril 2005, 19222


Tribunal administratif N° 19222 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19222 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2005 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Vushtrri (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nat...

Tribunal administratif N° 19222 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2005 Audience publique du 20 avril 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19222 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2005 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Vushtrri (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 27 décembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Adrian SEDLO, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 20 septembre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le 3 novembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 27 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 21 septembre 2004 qu’en février 2003 vous auriez rendu visite à votre frère au Luxembourg pendant deux mois, muni d’un visa Schengen. Vous seriez retourné au Kosovo en voiture. Vous dites avoir perdu entre temps votre passeport au Kosovo et que vous n’auriez pas pu en refaire un autre. Vous auriez de nouveau quitté votre domicile au Kosovo le 17 septembre 2004 à bord d’une camionnette en traversant la Macédoine, la Grèce, l’Italie et la France. Vous seriez arrivé au Luxembourg le 20 septembre 2004, date du dépôt de votre demande d’asile. Vous avez également une sœur au Luxembourg et votre père y aurait été opéré. Vous auriez été demandeur d’asile en Allemagne de 1993 à 2000.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez simple membre adhérant du parti politique LDK. En 2001, vous auriez été observateur OSCE lors des élections. Vous auriez été menacé par un membre du PDK qui vous aurait reproché d’avoir voulu influencer des votes favorables au LDK. Par la suite, cette personne aurait continué ses reproches et vous aurait dit que vous seriez indésirable en tant que membre du LDK. Vous auriez peur de vous faire tuer par cette personne qui en 2002 aurait braqué un pistolet sur vous. Vous ne connaissez pourtant pas le nom de cette personne. D’autres membres du PDK vous auraient également menacé et ordonné de quitter le Kosovo. En 2003, vous auriez porté plainte auprès de la police.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je me dois tout d’abord de constater que vous n’êtes pas en mesure de prouver que votre dernier lieu de résidence a effectivement été au Kosovo. A cela s’ajoute que vous n’apportez également pas la preuve d’avoir quitté l’espace Schengen après votre séjour de deux mois au Luxembourg en 2003.

Par ailleurs, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécuté dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève. Ainsi, les motifs que vous invoquez ne sont pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution selon la Convention de Genève. La simple appartenance à un parti politique ne saurait suffire pour bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié, d’autant plus que le LDK est actuellement le parti politique au pouvoir au Kosovo, de sorte qu’une crainte liée à l’appartenance à ce parti n’a pas lieu d’être. A cela s’ajoute que vous aviez déclaré lors de l’audition du 3 novembre 2004 que vous auriez perdu votre carte de membre du LDK, qu’elle « serait cassée ». Or, le 22 novembre 2004 vous présentez un téléfax sur lequel figure une carte de membre de LDK émise à votre nom. Des doutes quant à votre appartenance réelle au LDK doivent ainsi être émis.

Quoi qu’il en soit, vos motifs sont liés au fait que vous seriez menacé par un membre du parti politique PDK depuis 2001 dont vous ignorez le nom et par d’autres membres du PDK. Or, de telles personnes ne sauraient être considérées comme agents de persécutions au sens de la Convention de Genève et leurs menaces ne sauraient constituer des motifs visés par la Convention de Genève. Votre peur purement hypothétique de vous faire tuer par un membre du PDK traduit plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Il n’est pas établi que les forces onusiennes seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection quelconque.

Il faut également souligner qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. Après les violences généralisées de mars 2004, « la situation en matière de sécurité est restée, dans l’ensemble, calme et stable » a indiqué Hédi Annabi, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU le 5 août 2004. De nouvelles élections législatives ont eu lieu en octobre 2004. Le Kosovo doit également être considéré comme territoire où il n’existe pas en règle générale des risques de persécutions pour les albanais.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le 26 janvier 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision prévisée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir commis une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en refusant sa demande d’asile. Dans ce contexte, il décrit, d’une manière générale, la situation difficile régnant au Kosovo et il soutient remplir les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’il aurait été et risquerait d’être victime de persécutions au Kosovo du fait de son adhésion au parti politique LDK et sa participation aux élections de 2001 en tant qu’observateur de l’OSCE, étant précisé qu’il aurait subi des menaces de différents membres du parti PDK, un membre en particulier l’ayant poursuivi et menacé depuis 2001. Il ajoute encore que les autorités chargées d’assurer la sécurité publique ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace, les émeutes que le pays aurait connues au mois de mars 2004 en seraient la preuve.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre compétent a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur, qui n’est pas membre d’une minorité du Kosovo, mais fait partie de la majorité albanaise du Kosovo, traduit tout au plus un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine. Il y a lieu de préciser dans ce contexte que le fait d’avoir été victime de menaces émanant d’inconnus, prétendus membres du parti PDK, en raison de son adhésion au parti LDK et sa participation en tant qu’observateur de l’OSCE aux élections de 2001, à l’admettre comme étant vrai, ne saurait suffire à lui seul pour justifier un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans le chef du demandeur, les auteurs ne pouvant pas être considérés comme des agents de persécution au sens de ladite Convention et le demandeur restant en défaut d’établir à suffisance de droit avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine ainsi qu’un refus ou une impossibilité de pouvoir obtenir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les problèmes rencontrés par les forces internationales à l’occasion de la flambée de violence en mars 2004 n’étant pas à eux seuls de nature à établir une impossibilité générale desdites forces de garantir le maintien de l’ordre et d’assurer une protection d’une efficacité suffisante.

S’y ajoute qu’au regard du champ d’action territorialement limité des prétendus agresseurs, les problèmes allégués se révèlent essentiellement limités à sa ville d’origine, le demandeur ne justifiant pas l’existence d’une impossibilité de trouver refuge sur l’intégralité du territoire de son pays d’origine, étant rappelé que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité du demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf.

trib. adm. 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 48 et autres références y citées).

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 20 avril 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19222
Date de la décision : 20/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-20;19222 ?

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