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18/04/2005 | LUXEMBOURG | N°18513

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 avril 2005, 18513


Tribunal administratif N° 18513 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2004 Audience publique du 18 avril 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18513 du rôle et déposée le 6 août 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …

, née le …, de nationalité thaïlandaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d...

Tribunal administratif N° 18513 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2004 Audience publique du 18 avril 2005

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18513 du rôle et déposée le 6 août 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, née le …, de nationalité thaïlandaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 2 juillet 2004 portant refus dans son chef d’un permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2004 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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Par déclaration d’engagement non datée, entrée auprès de l’administration de l’Emploi (« ADEM ») le 3 mai 2004, Mme …., exploitante d’un débit de boisons à Luxembourg, 20, rue du Verger, sollicita l’obtention d’un permis de travail en faveur de Mme …, préqualifiée.

Par arrêté du 2 juillet 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa la délivrance d’un tel permis de travail «pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 2440 ouvriers non-

qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 01.04.2004 ».

Un recours gracieux introduit par le mandataire de la demanderesse le 23 juillet 2004 s’étant soldé par une décision prise par le ministre du Travail et de l’Emploi le 27 juillet 2004 par laquelle il a confirmé sa décision de refus initiale, Mme … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 2 juillet 2004.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours principal au motif de l’absence de disposition légale prévoyant un recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, la demanderesse conteste en premier lieu la disponibilité concrète de main d’œuvre apte à occuper le poste vacant, relevant qu’il s’agit d’un « emploi de serveuse dans un café essentiellement fréquenté par des ressortissants de nationalité thaïlandaise, de sorte que l’employeur recherchait une serveuse ayant cet atout ». Dans ce contexte, elle fait encore préciser que l’exploitante du café est sa mère et soutenir que « si de travailleurs capables sont disponibles dans la propre famille, il est évident qu’une recherche sur le marché de travail s’avère être inutile » tout en ajoutant qu’« en outre, cet emploi a été spécialement créé pour être occupé par la requérante ».

Ensuite, elle reproche encore au ministre de ne pas avoir précisé de façon circonstanciée, en droit et en fait, les motifs de refus tirés de la prétendue disponibilité concrète de main-d’œuvre apte à occuper le poste vacant, relevant que le ministre serait resté trop vague, aurait omis de prendre position par rapport à la situation particulière de la profession concernée et n’aurait pas répondu à la « précision que la langue thaïlandaise était indispensable pour l’emploi en question ».

Concernant le motif d’annulation basé sur un défaut d’indication suffisante des motifs, qui est préalable, il y a lieu de relever qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-

ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tandis que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dispose que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et qu’une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Or, en l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 2 juillet 2004 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant utilement été complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

Quant au reproche de non motivation du refus pour ce qui est de la considération relative à une prétendue nécessité de connaître la langue thaïlandaise pour occuper un poste de serveur dans un café, il convient d’ajouter que l’argumentation afférente ne saurait être suivie, ceci non seulement en raison des considérations qui précédent, mais encore et surtout parce que l’argument n’est apparu pour la première fois que dans le cadre du recours gracieux, de sorte qu’il est pour le moins osé de reprocher au ministre de ne pas y avoir répondu par anticipation dans sa décision initiale, le recours sous examen ne visant par ailleurs pas la décision confirmative, mais seulement la décision initiale.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les trois motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui du défaut de déclaration de la vacance de poste.

Or, la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l'administration de l'emploi, conformément à l'article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l'organisation et le fonctionnement de l'administration de l'emploi et portant création d'une Commission nationale de l'emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail (trib. adm. 21 février 2001, n° 12440 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Travail n° 32 et autres références y citées).

Par voie de conséquence, étant relevé qu’il est constant en cause que le poste dont il est question n’a pas été déclaré vacant et que la demanderesse a été engagée à partir du 1er avril 2004, l’arrêté ministériel déféré est légalement justifié par ce seul motif de refus, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base, entraînant que l’analyse des moyens proposés y relativement devient surabondante.

Cette conclusion n’est pas affectée par le fait que la demanderesse déclare être la fille de l’exploitante – Mme Monthathip SIRIJAN - du café dans lequel elle entend travailler, étant donné qu’à défaut d’autres précisions, aucun droit d’accéder à une activité salariée sans qu’un permis de travail ne soit exigé dans son chef et sans que le poste en question soit déclaré vacant préalablement à l’engagement ne pouvant être dégagé du seul fait de pareil lien de parenté, l’argumentation menée par la demanderesse et spécialement l’aveu de ce que le poste a été créé pour être occupé par elle faisant au contraire dégager que toute assignation de demandeurs d’emploi inscrits auprès des bureaux de placement de l’ADEM aurait inévitablement été vouée à l’échec.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit cependant non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 avril 2005, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18513
Date de la décision : 18/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-18;18513 ?

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