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14/04/2005 | LUXEMBOURG | N°s18789,19019

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2005, s18789,19019


Tribunal administratif N°s 18789 et 19019 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 28 octobre et 16 décembre 2004 Audience publique du 14 avril 2005 Recours introduits par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en présence de Madame … et Madame …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18789 du rôle et déposée le 28 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, indépendant, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulati...

Tribunal administratif N°s 18789 et 19019 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 28 octobre et 16 décembre 2004 Audience publique du 14 avril 2005 Recours introduits par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de … en présence de Madame … et Madame …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18789 du rôle et déposée le 28 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, indépendant, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une autorisation délivrée le 25 septembre 2004 par le bourgmestre de la commune de … à la « famille … » portant sur la « construction d’un immeuble résidentiel sis sur les propriétés cadastrales … à …, …. » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 22 octobre 2004, portant signification de ladite requête à l’administration communale de …, établie à L-…, et à Madame … et Madame …, les deux demeurant à L-… ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 4 novembre 2004 déclarant une requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … non justifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le même jour par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de Madame … et de Madame … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2005 par Maître Marc KERGER en nom et pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Tom FELGEN en nom et pour compte de Madame … et de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2005 par Maître Philippe STROESSER en nom et pour compte de l’administration communale de … ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 19019 du rôle et déposée le 16 décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER au nom de Monsieur …, préindiqué, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la prédite autorisation délivrée le 25 septembre 2004 par le bourgmestre de la commune de … à la « famille … » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 14 décembre 2004, portant signification de ladite requête à l’administration communale de … et à Madame … et Madame …, préindiquées ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 21 décembre 2004 intervenue sur requête en sursis à exécution introduite par Monsieur … et ordonnant le sursis à l’exécution de l’autorisation de construire du 25 septembre 2004 en attendant la solution du litige au fond ;

Vu le mémoire en réponse déposée au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Philippe STROESSER en nom et pour compte de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2005 par Maître Tom FELGEN en nom et pour compte de Madame … et de Madame … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2005 par Maître Marc KERGER en nom et pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005 par Maître Tom FELGEN en nom et pour compte de Madame … et de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2005 par Maître Philippe STROESSER en nom et pour compte de l’administration communale de … ;

I. et II.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Marc KERGER, Philippe STROESSER et Tom FELGEN en leurs plaidoiries respectives.

En date du 25 septembre 2004, le bourgmestre de la commune de …, ci-après dénommé le « bourgmestre », délivra à la « famille … » une autorisation portant sur la construction d’un immeuble résidentiel à …, …, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de … sous les numéros ….

Estimant que l’autorisation viole différentes dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de …, Monsieur … a introduit en date du 28 octobre 2004 un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation du permis de construire préindiqué du 25 septembre 2004.

Le 16 décembre 2004, Monsieur … a encore introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation dudit permis de construire pour violation de diverses dispositions inscrites à la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée la « loi de 2004 ».

A l’audience des plaidoiries, le mandataire de Monsieur … a sollicité la jonction des recours introduits sous les numéros 18789 et 19019 du rôle et a encore précisé que les moyens développés dans le cadre du recours introduit sous le numéro 18789 du rôle sont à considérer comme subsidiaires par rapport à ceux développés dans le cadre du recours introduit sous le numéro 19019 du rôle.

Comme les deux recours sont dirigés contre la même décision du bourgmestre du 25 septembre 2004, il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre pour les toiser par un seul et même jugement.

A travers leurs mémoires en duplique déposés dans le cadre du recours introduit sous le numéro du rôle 18789, tant l’administration communale de …, ci-après dénommée l’« administration communale », que Madame … et Madame …, ci-après dénommées les « consorts … », concluent à voir écarter des débats le mémoire en réplique déposé pour compte du demandeur dans ce rôle, au motif tiré de sa tardiveté pour avoir été fourni en dehors du délai imparti par l’ordonnance présidentielle du 21 décembre 2004.

Il est constant en cause que suivant ordonnance présidentielle du 21 décembre 2004, le premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président légitimement empêché, a fixé comme suit le calendrier d’instruction des affaires inscrites sous les numéros 18789 et 19019 du rôle : « Les parties défenderesse et tierce intéressée sont tenues de fournir leurs mémoires en réponse respectifs jusqu’au vendredi 14 janvier 2005 inclus - le demandeur est tenu de fournir sous peine de forclusion ses mémoires en réplique respectifs jusqu’au vendredi 28 janvier 2005 inclus, - les parties défenderesse et tierce intéressée sont tenues de fournir, sous peine de forclusion, leurs mémoires en duplique respectifs jusqu’au jeudi 10 février 2005 inclus ».

Dans la mesure où le dépôt du mémoire en réplique dans le recours introduit sous le numéro 18789 du rôle n’a été fait qu’en date du 2 février 2005, c’est-à-dire en dehors du délai imparti par l’ordonnance précitée du 21 décembre 2004 prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe les mémoires en duplique des parties défenderesse et tierce intéressée, lesquels ne constituent qu’une réponse à la réplique fournie.

La loi ne prévoyant pas un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître des recours principaux en réformation.

Les recours en annulation, non autrement contestés sous ce rapport, sont recevables pour avoir été par ailleurs introduits dans les formes et délai de la loi.

A l’appui des recours, le demandeur expose que l’autorisation de construire du 25 septembre 2004 viserait une propriété qui ne serait distante que de 2,59 mètres de sa propre maison située au centre même du village de … et que ladite autorisation serait illégale, d’une part, pour être contraire à la loi de 2004, au motif que ladite autorisation aurait été accordée sans respecter la procédure obligatoire d’élaboration et d’approbation d’un plan d’aménagement particulier, et d’autre part, pour heurter diverses dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de …, ci-après dénommé le « Rb ».

Ainsi, d’après l’article 106 de la loi de 2004, tout promoteur, personne physique ou moral de droit public et de droit privé, qui veut procéder au lotissement, respectivement au relotissement d’un terrain ou au morcellement de parcelles, serait soumis à l’obligation d’élaborer un plan d’aménagement particulier lorsque le but de l’opération est d’aliéner ou de louer un ou plusieurs lots. Or, comme en l’espèce, l’on se trouverait en présence d’une opération de lotissement d’un terrain, c’est-à-dire d’une division du terrain en deux ou plusieurs parcelles en vue de les affecter à la construction d’un groupe d’au moins deux maisons et compte tenu de la taille de l’immeuble autorisé comprenant plusieurs habitations, l’obligation d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier se serait imposée aux consorts ….

Le demandeur estime encore que les consorts … ne peuvent se prévaloir de l’article 27 de la loi de 2004, prévoyant un régime dérogatoire à l’obligation d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, au motif que le plan d’aménagement général de la commune de …, ci-après dénommé le « PAG », ne définirait pas les terrains auxquels ce régime dérogatoire s’applique. Partant, en l’absence d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, le bourgmestre n’aurait pas été habilité à délivrer l’autorisation de construire litigieuse.

Finalement, le demandeur conclut à la violation, d’une part, de l’article 30 de la loi de 2004 réglementant la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier, procédure qui lui réserverait bien d’autres voies de droit que celles dont il disposerait lors de la délivrance d’une simple autorisation de bâtir, et d’autre part, de l’article 4 du règlement grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu d’un plan d’aménagement particulier, pris en exécution de la loi de 2004.

Concernant les moyens d’annulation tirés de la violation de la loi de 2004, l’administration communale, dans son mémoire en réponse, soutient en premier lieu que ladite loi n’aurait pas été exécutoire au moment de la délivrance de l’autorisation litigieuse en date du 25 septembre 2004, étant donné que les sept règlements grand-

ducaux d’exécution y prévus n’auraient été pris qu’en date du 25 octobre 2004. Or, en l’absence de toute disposition transitoire, aucun plan d’aménagement particulier n’aurait pu être élaboré avant la publication desdits règlements grand-ducaux, de sorte que l’exécution de la loi de 2004 aurait été impossible et que ladite loi aurait partant dû rester inapplicable.

Subsidiairement, l’administration communale estime que les consorts … devraient profiter d’« un droit individuellement acquis à l’application de la loi du 12 juin 1937 » [concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes], ci-après dénommée la « loi de 1937 », au motif qu’ils auraient sollicité l’autorisation de bâtir dès le mois d’octobre 2003.

Les consorts …, dans leur mémoire en réponse, estiment également que la loi de 2004 n’est pas applicable au cas d’espèce, à défaut d’avoir été exécutoire en date du 25 septembre 2004 « faute de règlements grand-ducaux nécessaires à son exécution ».

Pour le surplus, la disposition transitoire inscrite à l’article 108 (2) de la loi de 2004, prévoyant que « pour les projets d’aménagement général et particulier dont la procédure est entamée d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 (…) au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit alors être achevée dans les douze mois qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi », ferait en sorte que l’obligation d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier ne serait pas requise pendant 12 mois, soit jusqu’au 19 juillet 2005.

Les consorts … contestent encore toute violation de l’article 106 de la loi de 2004, ainsi que des prescriptions procédurales exigées par l’article 30, qui renvoie aux articles 10 à 18 de ladite loi, au motif que la construction visée par l’autorisation litigieuse ne concernerait qu’un même terrain sur lequel elle n’aurait procédé ni par voie de lotissement, ni par voie de relotissement, ni par voie de morcellement. Pour le surplus, il serait faux de soutenir que tout terrain devrait faire l’objet d’un plan d’aménagement particulier, étant donné que cette affirmation ne serait écrite nulle part dans le texte de la loi de 2004.

Subsidiairement, les consorts … estiment encore pouvoir bénéficier du régime dérogatoire inscrit à l’article 27 de la loi de 2004, pour l’hypothèse où celle-ci serait applicable, au motif que la construction litigieuse remplirait les conditions y énoncées.

Dans son mémoire en réplique, M. … insiste sur la considération que la loi de 2004 est applicable depuis le 8 août 2004 et que son application n’est pas subordonnée à la publication d’actes réglementaires d’exécution, d’autant plus que l’article 110 de ladite loi a expressément abrogé la loi de 1937.

Pour le surplus, le demandeur relève que les règlements grand-ducaux d’exécution à la loi de 2004 ont été pris en date du 25 octobre 2004, c’est-à-dire dans un délai raisonnable, et que l’argumentation des parties adverses « reviendrait à dénier toute force exécutoire à toute loi qui renvoie à des règlements grand-ducaux d’exécution pris par la suite ».

D’après M. …, à supposer qu’il y avait une situation de blocage, comme le cadre législatif et réglementaire existe à l’heure actuelle, « tout autre acte à prendre, le cas échéant, à présent, serait un acte administratif soumis à la volonté politique tant du gouvernement que des administrations communales », de sorte que l’on ne se trouverait pas en présence d’une question de légalité mais de volonté et d’opportunité politique.

Le demandeur est encore d’avis que les consorts … ne peuvent faire valoir un droit acquis par rapport à la loi de 1937, étant donné qu’ils auraient sollicité une autorisation de construire après l’entrée en vigueur de la loi de 2004, plus particulièrement en date du 18 août 2004, et que l’autorité administrative devrait statuer conformément à la réglementation en vigueur au moment où elle rend sa décision. Or, d’après les articles 105 et 106 de la loi de 2004, on serait en présence d’une opération de lotissement de terrains, étant donné que la construction projetée serait une résidence, soumise au cadastre vertical et comportant plusieurs habitations.

Finalement, M. … estime que les conditions d’application du régime dérogatoire prévu à l’article 27 de la loi de 2004 ne sont pas données, étant donné que le PAG ne prévoit à l’heure actuelle pas d’exception au principe de l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, d’autant plus qu’en l’espèce, le terrain n’est pas destiné « à recevoir, au maximum, deux unités affectées à l’habitation ou à toute autre destination compatible avec la zone, regroupées dans deux immeubles jumelés ou dans un seul immeuble ».

Dans leurs mémoires en duplique respectifs, tant les consorts … que l’administration communale insistent encore une fois sur le fait que la loi de 2004 n’aurait pas été exécutoire en date du 25 septembre 2004 et que la liste à établir par le ministre de l’Intérieur, reprenant les « personnes qualifiées » ayant vocation à élaborer les plans d’aménagement général et particulier, n’aurait toujours pas été publiée. Pour le surplus, aucun article de la loi de 2004 n’imposerait « un principe général en vertu duquel toute construction doit être soumise à l’obligation d’établir un PAP ».

Finalement, les consorts … contestent que la construction projetée tomberait dans le champ d’application des articles 105 et 106 de la loi de 2004, étant donné que leur projet ne comporterait aucune division de terrain.

Dans un ordre d’idée subsidiaire, M. …, dans le cadre de son recours initial introduit sous le numéro 18798 du rôle, estime que la construction litigieuse serait illégale aux motifs que :

- la forme de la toiture ne serait pas réglementaire et se heurterait aux dispositions inscrites à l’article 40 a) du Rb, - l’article 4 b) du Rb ne permettrait pas l’installation de fenêtres inclinées, - une partie de la construction ne respecterait pas la distance minimale de six mètres par rapport à la voie publique telle qu’exigée par l’article 4 b) du Rb, - la construction projetée ne respecterait pas l’article 4 d) du Rb qui exige un recul latéral de trois mètres par rapport au terrain voisin, et - certaines fenêtres ne respecteraient pas le recul imposé par l’article 678 du Code civil.

Tant l’administration communale que les consorts … soutiennent que la construction autorisée serait en tous points conforme aux différentes dispositions du Rb, ainsi que cela aurait d’ailleurs été retenu dans une ordonnance du président du tribunal administratif rendue le 4 novembre 2004 et d’après laquelle les moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours ne paraissaient pas suffisamment sérieux pour justifier un sursis à exécution.

Il convient de souligner que les parties respectives sont en désaccord concernant l’étendue de l’application de la loi de 2004, le demandeur préconisant une application textuelle et immédiate de tous les articles de la loi de 2004, de sorte que l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier serait requise préalablement à la délivrance d’une autorisation de construire, sauf pour l’hypothèse où le PAG en disposerait autrement, tandis que l’administration communale et les consorts … estiment que la loi de 2004 n’a pas été applicable au moment de la délivrance de l’autorisation critiquée en date du 25 septembre 2004, pour le moins en ses dispositions nécessitant la publication d’actes réglementaires d’exécution.

Il est constant que la loi de 2004 a abrogé à travers son article 110 la loi de 1937, sauf les procédures d’adoption et d’approbation des plans d’aménagement général ou particulier en cours au moment de l’entrée en vigueur de ladite loi, lesquels, d’après l’article 108 (2) sont appelées à suivre les dispositions de la loi de 1937 pour autant qu’elles puissent être achevées dans un délai de douze mois qui suit l’entrée en vigueur de la loi de 2004 et que passé ce délai une nouvelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la nouvelle loi. Pour le surplus, l’article 108 (1) prévoit que les plans d’aménagement général dûment approuvés par le ministre de l’Intérieur conformément à la loi de 1937 existant au moment de l’entrée en vigueur de la loi de 2004 doivent faire l’objet d’une refonte et adaptation complète dans un délai de six ans à partir de l’entrée en vigueur de ladite loi.

Or, la situation d’espèce ne concerne pas une procédure d’adoption et d’approbation d’un plan d’aménagement en cours, entamée d’après les dispositions de la loi de 1937, ni la problématique de la refonte des plans d’aménagement général existants, mais la délivrance d’une autorisation de construire sous l’empire de la nouvelle loi de 2004, en vigueur depuis le 8 août 2004. Partant, conformément à l’article 110 de la loi de 2004, le litige sous rubrique est à examiner exclusivement en relation avec les dispositions inscrites à ladite loi de 2004, la loi de 1937 se trouvant abrogée, et les consorts … ne sauraient invoquer un droit acquis sous l’ancienne législation.

Avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu'elles revêtent, dans la mesure où elles sont claires et précises.

En présence d'un texte clair et précis, ni le recours à un texte antérieur que le texte invoqué remplace, ni les avis et opinions exprimés au niveau des travaux parlementaires préparatoires du texte, ni encore des réflexions de politique sociale ou législative n'entrent en ligne de compte (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm.

2004, V° Lois et règlements, n° 45 et autres références y citées).

Aux termes de l’article 37 de la loi de 2004 intitulé, « Autorisations de construire » :

« Toute construction, transformation ou démolition d’un bâtiment est soumise à l’autorisation du bourgmestre.

L’autorisation de construire n’est accordée que si les travaux sont conformes soit au plan ou au projet d’aménagement général et le cas échéant au plan ou au projet d’aménagement particulier, voire au plan ou au projet de lotissement, de relotissement ou de morcellement, parties graphique et écrite. (…) ».

D’après l’article 106 (1) de la loi de 2004 :

« Tout promoteur, personne physique ou morale de droit public ou de droit privé, qui veut procéder au lotissement, respectivement relotissement d’un terrain ou au morcellement de parcelles est soumis à l’obligation d’élaborer un plan d’aménagement particulier conformément à la procédure prévue au chapitre 3 du titre 4 lorsque le but de l’opération est d’aliéner ou de louer un ou plusieurs lots en vue de la mise en œuvre des dispositions du plan d’aménagement général afférent ».

Il ne saurait être contesté que le projet litigieux vise une opération de relotissement d’un terrain par la réunion de plusieurs parcelles, en l’espèce les parcelles cadastrales …, en une seule parcelle nouvelle en vue de la construction d’un immeuble d’appartements, ainsi que cela ressort des plans faisant partie de l’autorisation de construire litigieuse, et ceci dans un but d’aliénation respectivement de location, de sorte que l’obligation d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, d’après les termes des articles 37 et 106 (1) précités de la loi de 2004, avant la délivrance d’une autorisation de construire, est en principe donnée.

S’il est certes exact que la mise en vigueur d’une loi peut être différée ou suspendue jusqu’à la publication d’actes réglementaires relatifs à son exécution, pour l’hypothèse où la loi ne se suffit pas à elle-même, il convient de retenir que le principe même de l’établissement d’un plan d’aménagement particulier, tel que consacré par la loi de 2004, afin de garantir notamment que la nouvelle construction ne dérange pas l’harmonie du voisinage, ne saurait être contesté, seul son contenu d’après l’article 29 de la loi de 2004 devant être arrêté par des règlements grand-ducaux d’exécution.

Or, dans ces conditions, il n’appartient pas au pouvoir communal de faire abstraction de la nouvelle exigence posée par la loi de 2004, et ceci uniquement 6 semaines après l’entrée en vigueur de ladite loi, en accordant une autorisation de construire sur base d’une demande qui ne contient pas un plan d’aménagement particulier, mais il aurait appartenu aux autorités communales compétentes d’adopter au moins pendant un délai raisonnable une position d’attente, en attendant la publication des actes réglementaires d’exécution définissant le contenu du plan d’aménagement particulier, publication qui est d’ailleurs intervenue en date du 18 novembre 2004.

En ce qui concerne le non-établissement de la liste des « personnes qualifiées » auprès du ministre de l’Intérieur, dont la tenue est prévue par l’article 7 de la loi de 2004, il convient de décider que cet état des choses, qui perdure encore au jour des présentes, ne saurait néanmoins pas tenir en échec l’applicabilité de la loi de 2004, la seule conséquence à en tirer est celle que les autorités communales sont tenues d’accepter un plan d’aménagement particulier dès lors qu’il est établi par une personne qualifiée, étant relevé que l’appréciation des qualifications professionnelles de la personne ayant élaboré le plan d’aménagement particulier et présenté la demande en autorisation de construire devant se faire dans cette hypothèse sous la responsabilité des autorités communales et sans préjudice du pouvoir d’appréciation des juridictions administratives. Autrement dit, les autorités communales ne sauraient invoquer le non-établissement de ladite liste pour justifier le refus d’une demande en autorisation de construire, contenant un plan d’aménagement particulier, présentée en conformité avec les dispositions inscrites à la loi de 2004.

Concernant l’affirmation des consorts …, à laquelle s’est rallié l’administration communale, qu’il serait faux de soutenir que tout terrain doit faire l’objet d’un plan d’aménagement particulier « pour la bonne raison que cette affirmation n’est écrite nulle part dans le texte de la loi », il échet de retenir que la loi de 2004, en son article 106, ne prévoit effectivement pas pour tout projet de construction l’obligation d’élaborer au préalable un plan d’aménagement particulier, à défaut de lotissement ou de relotissement d’un terrain respectivement de morcellement de parcelles. De même, en employant la terminologie « le cas échéant » au deuxième alinéa de l’article 37 de la loi de 2004, le législateur a pris en considération les deux hypothèses possibles d’après la loi de 2004, à savoir, l’hypothèse où l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier n’est pas requise, pour ne pas viser un projet de lotissement, de relotissement ou de morcellement, et celle où pareille obligation s’impose d’après l’article 106 (1), comme dans le cas d’espèce.

C’est encore à tort que l’administration communale et les consorts … se réfèrent à la disposition transitoire inscrite à l’article 108 (2) de la loi de 2004, pour soutenir que l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier ne serait pas requis d’ici le 19 juillet 2005, étant donné que la seule exception prévue par la loi de 2004 à l’obligation d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier est celle inscrite à l’article 27, qui prévoit que « les communes peuvent définir dans leur plan d’aménagement général des terrains ou ensembles de terrains auxquels l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier n’est pas applicable et dont la mise en valeur pourra par conséquent se faire directement sur base du plan d’aménagement général ». En effet, ledit raisonnement est à écarter, à défaut d’une disposition expresse en ce sens contenue dans la loi de 2004, qui a été conçue dans une logique différente de la loi de 1937, à savoir que l’établissement d’un plan d’aménagement particulier est devenu la règle, sauf les exceptions prévues à l’article 27 de la loi de 2004, le nouveau texte de loi étant clair et précis à ce sujet et ne pouvant être interprété dans le sens voulu par l’administration communale et les consorts …. Or, à l’heure actuelle, le PAG ne prévoit pas d’exception pour le terrain litigieux, et ledit mécanisme dérogatoire ne pourra de toute façon être consacré qu’une fois qu’un nouveau plan d’aménagement général sera établi pour le territoire de la commune de ….

Dès lors, l’examen des conditions dérogatoires inscrites au deuxième alinéa de l’article 27 de la loi de 2004 est superflu, étant donné que le PAG ne définit pas à l’heure actuelle des terrains ou ensembles de terrains auxquels l’obligation d’établir un plan d’aménagement particulier n’est pas applicable.

Il n’empêche que pendant les phases transitoires de six respectivement deux ans prévues aux articles 108 (1) et 108 (3) de la loi de 2004, les plans d’aménagement général et règlements sur les bâtisses existants gardent leur utilité en définissant les différents secteurs du territoire communal et les règles urbanistiques afférentes applicables en attendant la refonte devant intervenir dans les délais prescrits audit article 108. Cette survivance des plans d’aménagement général et règlements des bâtisses existants ne fait cependant pas obstacle à ce que pendant ladite phase transitoire toute autorisation de construire visant un projet tel que défini à l’article 106 (1) doit pour le surplus être accompagnée d’un plan d’aménagement particulier.

S’il est certes exact que l’absence de publication immédiate des règlements grand-

ducaux d’exécution à la loi de 2004 et de la liste des « personnes qualifiées » a conduit à une situation de blocage dans l’immédiat, cet état des choses ne prive cependant pas le propriétaire d’un terrain de tous ses droits y relatifs, respectivement ne réduit pas ses droits à néant en en limitant simplement l’usage de manière temporaire. En effet, s’il est encore exact que, comme dans la présente espèce, un projet immobilier est susceptible de connaître un certain retard au niveau de son examen en raison d’une carence du pouvoir exécutif, il ne faut pas perdre de vue que l’acquisition d’un terrain et la présentation d’un projet immobilier ne confèrent pas le droit de construire, celui-ci étant seulement acquis au moment de l’obtention d’une autorisation de bâtir en bonne et due forme, de sorte que le droit de propriété en cause, bien qu’il ait été momentanément privé d’une partie de sa substance par le fait que les autorités communales ne peuvent pas délivrer une autorisation de bâtir en l’absence d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, n’a pas disparu pour autant.

Or, la situation de blocage mise en avant par l’administration communale et les consorts …, au vu de la carence du pouvoir exécutif empêchant une application immédiate de la loi de 2004 en toutes ses dispositions, si elle est susceptible de poser une question de responsabilité politique pouvant le cas échéant donner lieu à indemnisation pour l’hypothèse où la non-réalisation immédiate d’un projet immobilier serait à la base d’un dommage dans le chef de l’auteur dudit projet, ne saurait automatiquement conduire à une non-application de la loi de 2004 et à la survivance du système tel qu’instauré par la loi de 1937, expressément aboli par l’article 110 de la loi de 2004. En effet, si tel avait été le vœu du législateur, ce dernier aurait dû insérer d’autres dispositions transitoires en attendant la refonte et l’adaptation des plans d’aménagement général et règlements sur les bâtisses existants.

Il s’ensuit que l’autorisation attaquée du 25 septembre 2004 du bourgmestre a été prise en violation de la loi de 2004, à défaut notamment d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier, de sorte qu’elle encourt l’annulation, l’examen des autres moyens tirés des prétendues violations des différentes dispositions urbanistiques inscrites au Rb devenant surabondant.

Les demandes formulées par les parties respectives dans les deux rôles tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure chaque fois d’un montant de 2.000 € dans le chef de Monsieur …, d’un montant de 3.000 € dans le chef des consorts … et d’un montant de 3.000 € dans le chef de l’administration communale de …, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, sont à rejeter comme n’étant pas fondées, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

joint les recours inscrits sous les numéros 18789 et 19019 du rôle ;

écarte des débats les mémoires en réplique et duplique dans le cadre du recours introduit sous le numéro 18789 du rôle et met respectivement laisse les frais afférents à charge de Monsieur … et Madame … et Madame … ;

se déclare incompétent pour connaître des recours principaux en réformation ;

reçoit les recours subsidiaires en annulation en la forme ;

au fond, les déclare également justifiés ;

partant annule la décision du bourgmestre de la commune de … du 25 septembre 2004 portant autorisation de construire un immeuble résidentiel sis sur les propriétés cadastrales … à …, 1, route d’Arlon ;

renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la commune de … ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par Monsieur …, Madame … et Madame …, ainsi que par l’administration communale de … ;

condamne l’administration communale de … aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 avril 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s18789,19019
Date de la décision : 14/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-14;s18789.19019 ?

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