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14/04/2005 | LUXEMBOURG | N°18800

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2005, 18800


Tribunal administratif N° 18800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2004 Audience publique du 14 avril 2005

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Recours formé par Madame …, épouse …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18800 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à D- :::, tendant à l’annulation d’une décision du m...

Tribunal administratif N° 18800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2004 Audience publique du 14 avril 2005

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Recours formé par Madame …, épouse …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18800 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à D- :::, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 avril 2004, lui refusant l’octroi d’un permis de travail en tant qu’employée auprès de la société à responsabilité limitée I. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…., ainsi qu’à l’encontre d’une décision confirmative dudit ministre du 30 juillet 2004 rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître David YURTMAN, en remplacement de Maître Jacques WOLTER, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 26 avril 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi, dénommé ci-après le « ministre », refusa la délivrance d’un permis de travail en faveur de Madame …, épouse …, préqualifiée, en vue d’un emploi auprès de la société à responsabilité limitée I. s.à r.l., ci-après dénommée la « société I. », avec siège social à L-…., « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 01.03.2004 - recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par courrier de son mandataire du 14 juillet 2004, Madame … introduisit un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel précité.

Par décision du 30 juillet 2004, le ministre confirma sa décision initiale du 26 avril 2004.

Suivant requête déposée en date du 29 octobre 2004, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel de refus du 26 avril 2004 et de la décision confirmative du 30 juillet 2004.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Madame … en faisant valoir, d’un côté, que Monsieur …, conjoint de la demanderesse est le seul associé de la société I. et qu’il n’existerait partant aucun lien de subordination entre les époux, de sorte qu’il ne pourrait être conclu de contrat de travail entre eux, la demanderesse étant à considérer comme conjoint-aidant et, d’autre part, que Madame … serait dispensée d’un permis de travail compte tenu du fait que son conjoint rentre dans le champ d’application de l’article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté.

Ledit moyen d’irrecevabilité laisse cependant d’être fondé, étant donné qu’il ne se dégage pas du dossier soumis au tribunal que la décision de refus existante dans le chef de Madame … ait été explicitement retirée par l’autorité administrative. Il s’ensuit que la demanderesse, en tant que destinataire directe de deux décisions ministérielles explicites de refus de sa demande en obtention d’un permis de travail qu’elle a introduite devant l’administration garde un intérêt personnel et direct suffisant pour introduire un recours contentieux tendant à en faire vérifier la légalité.

Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est partant recevable.

Au fond, la demanderesse soutient en premier lieu que les décisions ministérielles attaquées ne seraient pas motivées « alors qu’elles utilisent des termes généraux et abstraits, ne se réfèrent pas avec précision à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi existant au moment où la décision est prise et ne précisent pas non plus pourquoi le permis est refusé à Madame …-…, ressortissante yougoslave, d’après les éléments objectifs tirés du marché de l’emploi ».

Ledit moyen est cependant à rejeter, étant donné qu’il échet de rappeler qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel du 26 avril 2004 énonce 5 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant pour le surplus été utilement complétée et explicitée dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer aux décisions litigieuses.

Au fond, la demanderesse expose être l’épouse de Monsieur …, ressortissant allemand et gérant de la société I., établie à L-…, et que son époux désirerait l’embaucher comme seule employée de ladite société, de sorte qu’il n’aurait pas eu l’obligation de déclarer le poste de travail vacant et qu’il ne saurait être question d’un recrutement à l’étranger non autorisé.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur … est le gérant de la société I. et qu’il demeure ensemble avec son épouse à Saarbrücken, ….

Il convient de relever que l’article 11 du règlement communautaire n° 1612/68 précité du Conseil dispose que « le conjoint et les enfants de moins de 21 ans ou à charge d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même Etat, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre ».

Cette disposition institue un droit au profit du conjoint du travailleur bénéficiaire de la libre circulation d’accéder à toute activité salariée dans l’Etat membre où ledit travailleur communautaire exerce sa propre activité salariée ou non salariée et ledit droit dérivé confère ainsi un droit à un traitement national pour l’accès à l’activité salariée.

L’existence du droit dérivé du conjoint est cependant conditionnée par la nécessité d’un facteur de rattachement avec une situation envisagée par le droit communautaire, en l’occurrence une circulation intracommunautaire d’un travailleur ressortissant d’un autre Etat membre des communautés (cf. trib. adm. 27 juin 2001, n° 12703 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Travail, n° 79).

Or, force est de constater que cette condition est remplie en l’espèce, étant donné qu’il est constant en cause que la demanderesse, de nationalité serbo-monténégrine, est mariée avec un ressortissant de l’Allemagne, qui exerce la fonction de gérant dans une société commerciale opérationnelle au Grand-Duché de Luxembourg.

Il s’ensuit que la demanderesse n’avait pas besoin d’un permis de travail pour l’exercice d’une activité d’employée auprès de ladite société luxembourgeoise et que sa soumission, par le ministre du Travail et de l’Emploi, aux dispositions nationales relatives aux étrangers ne disposant pas de droits assimilés aux droits des ressortissants nationaux, était illégale, car contraire au droit communautaire.

Il s’ensuit que les décisions ministérielles encourent l’annulation en ce qu’elles tendent à restreindre le droit dérivé de la demanderesse d’accéder à toute activité salariée dans l’Etat membre ou son conjoint exerce sa liberté de circulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 avril 2004 et la décision confirmative du 30 juillet 2004, suite à l’introduction du recours gracieux en date du 14 juillet 2004 ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 avril 2005, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18800
Date de la décision : 14/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-14;18800 ?

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