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14/04/2005 | LUXEMBOURG | N°17935

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2005, 17935


Tribunal administratif N° 17935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 avril 2004 Audience publique du 14 avril 2005

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Recours introduit par Mme …, Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence des époux … et …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17935 du rôle, déposée le 20 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Al

bert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mad...

Tribunal administratif N° 17935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 avril 2004 Audience publique du 14 avril 2005

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Recours introduit par Mme …, Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence des époux … et …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17935 du rôle, déposée le 20 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 3 novembre 2003, autorisant Monsieur … et son épouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, à démolir leur bâtisse sise à L-… et à construire une maison entre deux pignons nus situés en limite sur cette parcelle, ainsi que de la décision implicite de refus résultant du silence gardé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg suite au recours gracieux de la demanderesse ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 29 avril 2004, portant signification de la prédite requête aux époux …-…, préqualifiés, et à l'administration communale de la Ville de Luxembourg, en ses bureaux à l’Hôtel de Ville à L-

1648 Luxembourg, Place Guillaume ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Arsène KRONSHAGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour les époux …-…, notifiée par télécopieur le 4 mai 2004 au greffe du tribunal administratif ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 août 2004 par Maître Arsène KRONSHAGEN en nom et pour compte des époux …-…, lequel mémoire a été signifié le 31 août 2004 par exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, aux mandataires constitués de Madame … et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2004 par Maître Jean MEDERNACH en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie aux mandataires constitués de Madame … et des époux …-… ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2004 en nom et pour compte de Madame …, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie aux mandataires constitués de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et des époux …-… ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2004 en nom et pour compte des époux …-…, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie aux mandataires constitués de Madame … et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif, président de la deuxième chambre, du 24 novembre 2004, par laquelle, par prorogation des délais légaux, Maître Arsène KRONSHAGEN a été autorisé à produire un mémoire supplémentaire endéans le délai de quinze jours, les mandataires de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et des époux …-… ont été autorisés à déposer leur mémoire quinze jours au plus tard après le dépôt du mémoire supplémentaire de Maître KRONSHAGEN ;

Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2004 en nom pour compte des époux …-…, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie aux mandataires constitués de Madame … et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, Sandra MATHES, en remplacement de Maître Arsène KRONSHAGEN, et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 11 septembre 2003, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa Madame …, voisine d’un terrain sis à Luxembourg, …, devant recevoir une construction projetée par les époux …-…, qu’il entendait délivrer à ceux-ci une autorisation pour la démolition de la bâtisse située au fond du terrain et pour la construction d’une maison entre deux pignons nus situés en limite de ladite parcelle et l’invita à venir consulter au secrétariat communal le dossier se rapportant à la demande d’autorisation introduite par Monsieur W., architecte, agissant en nom et pour compte des époux …-…, tout en l’informant qu’elle dispose d’un délai jusqu’au 26 septembre 2003 pour faire connaître par écrit ses observations éventuelles.

Suivant courrier du 24 septembre 2003, Madame … fit savoir au bourgmestre de la Ville de Luxembourg que sa « maison, n° 58 est ancrée dans le n° 60. Le mur du n° 60 est mitoyen. En ma qualité de copropriétaire du mur mitoyen, je m’oppose évidemment formellement à l’autorisation sollicitée ».

Par décision du 3 novembre 2003, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg accorda aux époux …-… « l’autorisation pour la démolition de la bâtisse au fond du terrain et pour la construction d’une maison entre deux pignons nus situés en limite à la parcelle sise 60, rue François Boch à Luxembourg ».

Par courrier du même jour, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa Madame … que son opposition au projet de construction se « base essentiellement sur des considérations qui relèvent du droit civil, dont la Ville n’a pas à s’occuper » et que « comme le projet de construction introduit est conforme, en tous points, aux prescriptions de la partie écrite du plan d’aménagement général », il avait délivré l’autorisation, « sous réserve des droits généralement quelconques des tiers ».

Suivant courrier recommandé de son mandataire du 10 décembre 2003, Madame … introduisit un recours gracieux à l’encontre de l’autorisation accordée, libellé de la manière suivante :

« Je suis le conseil de Madame Nadia HENRY, demeurant 58, rue J.F. Boch, L-1244 Luxembourg.

Par courrier du 24 septembre 2003, ma mandante était intervenue auprès de votre administration afin de vous informer de son opposition à voir démolir le mur mitoyen de l’immeuble sis … à Luxembourg.

Suivant réponse du 3 novembre 2003, vous avez informé ma mandante que vous aviez accordé l’autorisation de démolir le mur au motif que votre autorisation était accordée sous réserve des droits généralement quelconques des tiers.

Je me permets de vous rendre attentif au fait que suivant la jurisprudence confirmée du Tribunal administratif « L’autorité chargée de délivrer un permis de construire doit contrôler la conformité d’un projet aux règles du Code civil concernant les distances à respecter entre les constructions » (Tribunal administratif 9 juin 1999, n° 10530 affaire FRANSSENS et Tribunal administratif : 26 juillet 2000, n° 11577, affaire PUTZEYS).

Le même principe dégagé par ces deux jurisprudences doit s’appliquer au présent cas d’espèce.

Votre commune ne peut pas, sur base d’un plan qui lui a été versé par le demandeur et qui renseigne indubitablement la mitoyenneté, autoriser un des copropriétaires mitoyens à démolir ce mur en se retranchant derrière les droits des tiers.

Devant une situation administrative et civile très claire et d’ailleurs formellement reconnue par les demandeurs, votre administration se doit de refuser l’autorisation de démolir.

La présente vaut recours gracieux et je vous prie de bien vouloir prononcer le retrait de l’autorisation de construire éventuellement délivrée.

Je me permets d’envoyer une copie de la présente lettre à Monsieur et Madame …, demeurant 42, rue de Vianden à L-2680 Luxembourg. » Le 9 janvier 2004, le mandataire de Madame … rappela au bourgmestre de la Ville de Luxembourg sa lettre du 10 décembre 2003 en les termes suivants :

« Dans le dossier sous rubrique, je me permets de revenir à mon courrier du 10 décembre 2003.

Je souhaite vous rappeler que vous vous trouvez, à l’heure actuelle, toujours dans le délai de trois mois qui vous permet de prononcer le retrait de l’autorisation de démolir délivrée le 3 novembre 2003.

Ainsi que je vous l’avais signalé dans ce courrier, ce sont les propres pièces de la partie adverse qui établissent les droits de propriété de ma partie.

Dès lors, nous ne nous trouvons pas en l’espèce dans une situation où le droit de propriété serait contesté ou contestable.

Il ne peut être permis, dans ces conditions, à votre commune de délivrer une autorisation de démolir la propriété d’un tiers.

J’ajoute que la position de ma partie repose sur un intérêt évident. En effet, le mur mitoyen se trouve du côté nord de sa propriété et ne la prive dès lors d’aucune lumière. Par contre, il assure une intimité parfaite du jardin, ce qui, sur le territoire de la ville, constitue un avantage certain et une plus-value pour sa propriété.

Je vous prie dès lors de me faire parvenir une décision de retrait de l’autorisation de démolir.

Faute de disposer de cette décision endéans les trois mois à partir de l’introduction du recours gracieux, je me verrai obligé de saisir le tribunal administratif ».

Par requête du 20 avril 2004, Madame … a introduit un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 3 novembre 2003, dirigé uniquement contre le volet de la décision autorisant la démolition de la bâtisse au fond du terrain sis à Luxembourg, …, et appartenant aux époux …-…, ainsi que de la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le bourgmestre pendant plus de trois mois suite à l’introduction du recours gracieux en date du 10 décembre 2003, ce qui a encore été confirmé, sur question afférente du tribunal à l’audience fixée pour les plaidoiries, par le mandataire de la demanderesse.

Quant à la compétence du tribunal Les époux …-… soulèvent en premier lieu l’incompétence ratione materiae du tribunal administratif pour connaître du recours introduit comme portant exclusivement sur une question de droit civil, étant relevé que le juge de paix serait exclusivement compétent pour connaître des contestations en matière de mitoyenneté.

En vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95 bis, (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qu’engendre une contestation portée devant le juge.

Au niveau de l’examen de sa compétence, le tribunal est amené à analyser le recours porté devant lui de façon globale par rapport à la décision administrative déférée, au-delà des droits spécifiquement visés par les différents moyens invoqués à l’appui de la demande.

Force est de constater qu’en l’espèce, la demanderesse a introduit « un recours en annulation pour incompétence, excès de pouvoir et détournement de pouvoir, violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés sur base de l’article 2(1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif » à l’encontre de l’autorisation de démolir délivrée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg en date du 3 novembre 2003, telle que confirmée par une décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant plus de trois mois suite à l’introduction d’un recours gracieux en date du 10 décembre 2003.

Etant saisi de la sorte d’un recours en annulation basé sur différents cas d’ouverture prévus par la loi et dirigé contre une décision administrative individuelle, le tribunal est compétent pour en connaître.

Quant à la recevabilité du recours Quant à la qualité à agir Les époux …-… concluent ensuite à l’irrecevabilité du recours sous analyse, au motif qu’il aurait été introduit au seul nom de Madame …, alors que celle-ci ne serait pas seule propriétaire de la maison sise à Luxembourg, …, mais que suite au décès de son époux, une indivision existerait entre elle et ses deux filles.

Ce moyen d’irrecevabilité laisse cependant d’être fondé, étant donné que la demanderesse agit dans l’intérêt de l’indivision et qu’il résulte de deux déclarations signées en date du 10 juin 2004 par les filles de la demanderesse, à savoir Madame … et Madame …, que celles-ci ont autorisé leur mère à agir en justice dans la présente affaire.

Quant à l’intérêt à agir Les époux …-… concluent encore à l’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, laquelle, en se plaignant de la démolition d’un mur dont la moitié lui appartiendrait, n’aurait pas rapporté la preuve de la mitoyenneté dudit mur, de sorte qu’elle ne ferait valoir qu’un grief hypothétique et qu’elle n’aurait dès lors aucun intérêt pour agir en justice et poursuivre l’affaire, faute de préjudice certain. Ainsi, ils contestent que le mur pignon de leur maison soit un mur mitoyen et renvoient à cet égard à l’ordonnance rendue par le juge de paix siégeant en matière de référé en date du 29 juin 2004, selon laquelle la demanderesse n’aurait pas établi avoir acquis la mitoyenneté dudit mur, laquelle ne résulterait pas non plus des différents actes de vente successifs des terrains versés en cause qui seraient actuellement devenus les n° 58 et 60 de la rue J.-F. Boch, alors que lesdits actes ne concerneraient pas leur parcelle de terrain et ils contestent que la maison de la demanderesse serait de quelque manière que ce soit ancrée dans leur maison, les deux immeubles ne se touchant à aucun endroit.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, notamment en ce qui concerne, d’une part, l’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse en ce qui concerne sa qualité de propriétaire voisin du terrain pour lequel l’autorisation litigieuse a été délivrée et, d’autre part, en ce qui concerne la qualité à agir de la demanderesse, agissant en tant que prétendu propriétaire du mur concerné sans avoir établi la mitoyenneté dudit mur.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse soutient qu’elle justifierait d’un intérêt à agir suffisant, dans la mesure où la démolition du mur mitoyen lui causerait un préjudice personnel, actuel et légitime, étant relevé que la preuve de la mitoyenneté du mur ressortirait clairement des pièces versées en cause et que, contrairement aux affirmations des époux …-…, sa maison serait ancrée sur la parcelle de ces derniers. En ordre subsidiaire, elle sollicite le sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure introduite devant le juge de paix pour voir reconnaître la mitoyenneté du mur litigieux.

Dans leur mémoire en duplique, les époux …-…, outre de s’opposer à ce qu’il soit sursis à statuer en attendant l’issue d’une procédure qui n’aurait pas encore été introduite devant le juge de paix, font valoir que le recours serait irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse en reprenant et développant les arguments invoqués dans leur mémoire en réponse.

Enfin, dans leur mémoire supplémentaire, ils s’opposent toujours à la surséance à statuer, malgré l’introduction entre-temps intervenue d’une procédure devant le juge de paix, et soutiennent que le recours sous analyse serait devenu sans objet dans la mesure où le mur litigieux aurait déjà été démoli.

Sur question afférente du tribunal à l’audience fixée pour les plaidoiries, le mandataire de la demanderesse a confirmé que le mur était démoli et a fait valoir que, malgré la démolition du mur litigieux, le recours garderait un objet en vue d’une future demande en dommages et intérêts.

Il est constant en cause que la demanderesse est propriétaire de l’immeuble sis … à Luxembourg, lequel jouxte le terrain pour lequel l’autorisation de démolir litigieuse a été délivrée.

S’il est vrai que la seule qualité de voisin direct - constante en cause - ne suffit pas à elle seule pour fonder un intérêt à agir, il s’y ajoute que la demanderesse pour justifier d’un intérêt suffisant à agir avance que l’autorisation de démolir litigieuse violerait son droit de propriété indivis sur un mur mitoyen, de sorte qu’il y a lieu de lui reconnaître un intérêt suffisant à voir examiner par la juridiction administrative la légalité de cette autorisation de démolir. Le fait qu’elle n’a pas rapporté la preuve de la prétendue mitoyenneté est à ce stade indifférent.

Le moyen d’irrecevabilité laisse partant d’être fondé.

Etant donné qu’aucun recours de pleine juridiction n’est prévu en matière de permis de construire, le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

Quant au fond Le seul moyen d’annulation que la demanderesse invoque à l’encontre de l’autorisation de démolir litigieuse consiste à soutenir que le bourgmestre n’aurait pas été en droit d’accorder une telle autorisation pour la démolition de l’immeuble appartenant aux époux …-…, au motif que le mur séparant les deux propriétés et constituant le pignon de l’immeuble des époux …-… serait mitoyen, ainsi que cela ressortirait d’ailleurs du plan cadastral établi à la demande des époux …-…, ce que le bourgmestre ne pouvait ignorer, ayant été mis au courant de cet état des choses préalablement à la délivrance de l’autorisation litigieuse par la demanderesse elle-même.

Les époux …-… contestent que le mur pignon de leur maison serait un mur mitoyen et relèvent que la demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve de la mitoyenneté, au motif que le plan cadastral versé par la demanderesse ne saurait conférer un titre de propriété, son affirmation restant partant à l’état de simple allégation.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg conclut que le moyen de la demanderesse, tiré de ce que l’autorisation de démolir octroyée violerait son droit de propriété indivis sur le mur mitoyen séparant les deux propriétés, se rapporterait à une question de mitoyenneté relevant du domaine du droit civil qui ne pourrait pas être analysée par le tribunal administratif.

Elle précise encore que le bourgmestre aurait compétence pour vérifier la conformité des permis de construire sollicités avec les règles d’urbanisme, mais non pour se prononcer sur des questions de droit civil relatives à une prétendue mitoyenneté dont la preuve n’aurait pas été établie, ainsi que cela aurait été retenue par le juge de paix siégeant en matière de référé dans son ordonnance du 29 juin 2004. Elle ajoute que même à supposer que le mur soit mitoyen, le refus d’un des propriétaires de donner son accord pour sa démolition n’aurait aucune valeur légale car n’étant pas prévu par le code civil et qu’on pourrait même y passer outre avec l’accord du juge judiciaire. Elle en conclut que même si les dispositions du code civil relatives à la mitoyenneté avaient été méconnues, cela ne pourrait pas affecter la légalité du permis de construire. Enfin, elle insiste sur le respect de la séparation des compétences entre les sphères administrative et judiciaire.

C’est à tort que la demanderesse conclut à l’annulation de l’autorisation accordée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en ce que la démolition litigieuse autorisée à travers les décisions déférées porterait atteinte à un mur mitoyen que constituerait le pignon de l’immeuble à démolir.

En effet, à cet égard, il échet de rappeler que chaque autorité administrative statue dans le cadre de son champ de compétence propre se dégageant respectivement de chacune des législations par rapport aux dispositions desquelles elle est appelée à toiser la demande d’autorisation lui soumise. Ainsi, lors de la délivrance d’une autorisation de construire, respectivement de démolir, le bourgmestre doit vérifier la conformité de la demande en obtention de l’autorisation, d’une part, par rapport au plan d’aménagement général et, d’autre part, par rapport au règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg. Il commettrait un excès de pouvoir, s’il basait sa décision sur d’autres considérations.

Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait utilement invoquer en l’espèce la violation d’une mitoyenneté, régie par les articles 653 et suivants du code civil, étant donné que ce moyen a trait à des questions de droit civil et échappe à la compétence du tribunal administratif en vertu des dispositions combinées des articles 84 et 95bis de la Constitution.

Cette conclusion se trouve encore confirmée par le fait que l’autorisation de démolir litigieuse a été délivrée « sous réserve des droits généralement quelconques des tiers ».

Dès lors, la question de savoir si le mur démoli était mitoyen ou non est sans pertinence, étant donné que cette circonstance ne saurait affecter la légalité de la décision administrative autorisant la démolition, de sorte qu’il n’y pas non plus lieu de procéder à la surséance à statuer en attendant l’issue définitive de la procédure introduite devant le juge civil et tendant à faire établir la mitoyenneté.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Quant aux indemnités de procédure Il y a par ailleurs lieu de rejeter comme n’étant pas fondées, tant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000.- euros, formulée par Madame … que celle d’un montant de 1.000.- euros, formulée par les époux …-…, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande de sursis à statuer formulée par la demanderesse dans son mémoire en réplique ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

rejette les demandes en obtention d’une indemnité de procédure telles que formulées par Madame … et par les époux …-… ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 avril 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17935
Date de la décision : 14/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-14;17935 ?

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