La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2005 | LUXEMBOURG | N°19578

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 avril 2005, 19578


Tribunal administratif Numéro 19578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2005 Audience publique du 6 avril 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19578 du rôle et déposée le 1er avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Somalie), de nationalité

somalienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situa...

Tribunal administratif Numéro 19578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2005 Audience publique du 6 avril 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19578 du rôle et déposée le 1er avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Somalie), de nationalité somalienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 mars 2005 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximale d'un mois audit Centre de séjour provisoire à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Daniel BAULISCH ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 6 avril 2005.

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 mars 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 15/551/05/HA du 17 mars 2005 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l'intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

-

qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels suffisants ;

-

qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 17 mars 2005 ;

-

qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile à Malte en date du 30 juin 2004 ;

-

qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités maltaises dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 1er avril 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l'encontre de la décision de placement du 17 mars 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur sollicite la réformation de la décision déférée et demande au tribunal d'ordonner sa mise en liberté immédiate, aux motifs suivants :

-

une mesure de rétention devrait rester une mesure d’exception. Ainsi, tout en admettant que l’organisation du refoulement vers Malte comporte nécessairement un minimum de démarches à effectuer, il estime qu’il appartiendrait néanmoins au ministre de veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, preuve qui n’aurait pas été rapportée, de sorte que la décision litigieuse serait contraire aux critères fixés par la loi et la jurisprudence en la matière ;

-

l’existence d’un danger de fuite dans son chef ne serait pas établie ;

-

le fait de ne pas disposer de moyens d’existence personnels et de se trouver en séjour irrégulier au pays ne sauraient justifier une mesure de rétention administrative ;

C’est à bon escient que le demandeur a fait renoncer lors des plaidoiries à ses moyen et reproche essentiellement vagues relativement à l’accomplissement de diligences suffisantes par l’autorité ministérielle compétente en vue d’un éloignement rapide de l’intéressé, lesquels confrontés aux explications et précisions – non contestées - apportées en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement au sujet des démarches entreprises en vue d’organiser l’éloignement de Monsieur …, ne seraient effectivement pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse pour ne pas être vérifiés en fait.

En effet le délégué du Gouvernement a relaté que le demandeur a déposé une demande d’asile au Luxembourg le 17 mars 2005 et que le système EURODAC a révélé qu’il avait précédemment demandé l’asile à Malte. Il précise que le ministre a sollicité le 21 mars 2005 la reprise en charge auprès des autorités maltaises, qu’en date du 29 mars 2005 les autorités maltaises ont accepté la reprise en charge et qu’en date du 30 mars 2005 le service de police judiciaire a été saisi afin d’organiser le transfert du demandeur.

En ce qui concerne l’existence d’un danger de fuite, le délégué du Gouvernement fait encore valoir qu’au vu du fait que le demandeur aurait sciemment menti quant à son voyage et aurait délibérément caché sa demande d’asile antérieure posée à Malte, il serait évident qu’un tel danger de fuite existerait.

Le demandeur conteste l’existence d’un risque de fuite dans son chef, alors que l’autorité ministérielle n’en aurait pas établi l’existence.

Force est de constater que l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée ne pose aucune exigence afférente à l’existence d’un risque de fuite.

Il s’y ajoute que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, de sorte que la rétention de Monsieur … dans ledit Centre de séjour est en l’espèce justifiée dans son principe, ceci afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. En effet il lui appartient de renverser cette présomption de l’existence d’un risque de fuite dans son chef et non pas à l’autorité ministérielle d’en établir l’existence.

En ce qui concerne la considération qu’un défaut de moyens d’existence personnels et l’irrégularité du séjour ne sauraient justifier une mesure de rétention, il est vrai que le seul défaut de moyens d’existence dans le chef d’une personne ne disposant pas du droit de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg n’est pas de nature à justifier une mesure de placement, l’existence ou l’inexistence de moyens personnels et l’irrégularité du séjour concernant tout au plus la légalité de la mesure d’éloignement sous-jacente à la mesure de placement, mais néanmoins distincte de celle-ci, il n’en reste pas moins que cette constatation n’est pas de nature à ébranler la régularité de la mesure de placement qui s’impose dès la réunion des deux conditions prévues par l’article 15, paragraphe 1er de la loi précitée du 28 mars 1972, à savoir l’existence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972 et 2) l’impossibilité de l’éloignement de l’étranger en raison de circonstances de fait, le contrôle de la légalité de la décision d’éloignement restant conditionné par une action dirigée spécialement à son encontre ou tout au moins par la formulation d’un moyen clair et précis permettant au tribunal d’examiner si en l’espèce la décision de placement est basée sur une mesure d’expulsion ou de refoulement prise en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 avril 2005 par :

M. Schroeder, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

S. SCHMIT s. SCHROEDER 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19578
Date de la décision : 06/04/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-04-06;19578 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award