La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19495

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2005, 19495


Tribunal administratif Numéro 19495 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

--------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19495 du rôle, déposée le 17 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu

r …, né le … à Tutin (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité macédonienne, actuelleme...

Tribunal administratif Numéro 19495 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

--------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19495 du rôle, déposée le 17 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tutin (Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité macédonienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 mars 2005, prorogeant une mesure de placement pour la durée maximale d’un mois audit Centre de séjour provisoire, initialement instituée le 27 janvier 2005 à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien RIMLINGER, en remplacement de Maître Fränk ROLLINGER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mars 2005.

Le 18 février 2004, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, laquelle demande fut rejetée comme non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 8 octobre 2004.

Le 7 décembre 2004, Monsieur … introduisit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision précitée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 octobre 2004.

1Le 20 décembre 2004, l’attestation de l’introduction d’une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, délivrée par le ministère de la Justice en date du 18 février 2004 à Monsieur …, fut annulée.

Le 27 janvier 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna une mesure de placement à l’encontre de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Ladite décision de placement fut prorogée par arrêté ministériel du 3 mars 2005. Cette prorogation est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 27 janvier 2005, notifié le 4 février 2005 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités macédoniennes ;

- qu’un laissez-passer a été délivré par ces autorités ;

- que l’éloignement de l’intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 17 mars 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 3 mars 2005.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation, au motif que la loi prévoirait un recours en réformation en matière de placement d’étrangers.

Aux termes de l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, seul un recours de pleine juridiction est prévu contre une décision de placement.

S’il est vrai que le demandeur a expressément qualifié son recours dans la requête introductive d’instance de recours en annulation et qu’il conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où, comme en l’espèce, un recours en réformation est ouvert et que le demandeur peut se borner, dans le cadre d’un tel recours, à conclure à la seule annulation de la décision litigieuse, en n’invoquant que des moyens de légalité, à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit.

En l’espèce, le recours a été introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte que le mérite du recours est à examiner sous l’angle et dans la limite des moyens d’annulation soulevés.

2 A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la mesure de rétention serait viciée à sa base, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’ayant, à tort, considéré comme un étranger en séjour irrégulier et ordonné son placement en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’en tant que demandeur d’asile, il ne pourrait faire l’objet d’une mesure de placement aussi longtemps qu’il n’a pas été définitivement statué sur sa demande d’asile. Il reproche ainsi au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir annulé l’attestation de l’introduction de sa demande d’asile, alors que le recours contentieux qu’il aurait introduit à l’encontre de la décision de refus du statut de réfugié n’aurait pas encore été toisé par le tribunal administratif. Il estime dès lors que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration se serait substitué au tribunal administratif en motivant oralement son refus par le fait que le recours contentieux aurait été introduit en dehors du délai légal.

Le délégué du gouvernement rétorque que la décision ministérielle du 8 octobre 2004 portant refus de reconnaissance du statut de réfugié, notifiée au demandeur en date du 27 octobre 2004, aurait acquis autorité de chose décidée, au motif que le recours contentieux introduit en date du 7 décembre 2004 contre la prédite décision ministérielle serait tardif, car introduit en dehors du délai légal d’un mois, de sorte que le demandeur aurait été en séjour irrégulier au Luxembourg depuis le 27 novembre 2004. Il soutient encore que le ministre n’aurait pas été obligé d’attendre l’issue de la procédure introduite devant le tribunal administratif, compte tenu de la tardiveté du recours, la question du respect des délais de recours étant d’ordre public.

A l’audience fixée pour les plaidoiries, le mandataire du demandeur a encore exposé que la décision ministérielle de refus de l’octroi du statut de réfugié ne serait pas « opposable » au demandeur, au motif que celle-ci concernerait uniquement le demandeur, alors que la demande en obtention du statut de réfugié aurait été introduite par le demandeur et son épouse ainsi que leurs deux enfants.

Le délégué du gouvernement fait valoir que non seulement il n’existerait aucune obligation légale exigeant qu’une demande d’asile introduite par des époux devrait être toisée dans une seule décision, mais qu’en plus, en l’espèce, les époux seraient séparés et que l’épouse, qui aurait la garde des enfants, aurait peur de son mari, de sorte qu’il aurait été nécessaire de traiter la demande d’asile de Monsieur … individuellement.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximum d’un mois.

Le paragraphe (2) de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Concernant la prétendue qualité de demandeur d’asile de Monsieur … et l’impossibilité d’éloignement en découlant, il échet de constater qu’au moment de son placement initial suivant décision du 27 janvier 2005, ainsi qu’au moment de la décision de prorogation de la 3mesure de placement en date du 3 mars 2005, sa demande d’asile avait déjà été rejetée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

S’il est vrai que Monsieur … a introduit un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle de refus de l’octroi du statut de réfugié du 8 octobre 2004, il n’en reste pas moins que ce recours n’a été introduit que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2004, alors que la décision de refus lui a été notifiée en date du 27 octobre 2004, cette date étant celle indiquée par le demandeur lui-même dans sa requête introductive d’instance, de sorte qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal est amené à constater que le demandeur se trouve en apparence définitivement débouté de sa demande d’asile par décision du 8 octobre 2004, alors que le recours contentieux déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2004 est à considérer comme tardif.

Il s’ensuit que le demandeur ne peut plus se prévaloir de la qualité de demandeur d’asile et que le moyen afférent est à rejeter.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le moyen avancé en termes de plaidoiries par le mandataire du demandeur tendant à voir admettre que la décision ministérielle de refus de l’octroi du statut de réfugié ne lui serait pas opposable. En effet, c’est à tort qu’il soutient que la demande d’asile introduite par les époux … et leurs enfants aurait dû être traitée ensemble, étant donné que, d’une part, aucune disposition légale n’oblige le ministre à toiser une demande d’asile introduite par des époux dans une seule décision et, d’autre part, cela n’explique pas pourquoi le demandeur n’a pas introduit en temps utile un recours contre ladite décision.

Le demandeur n’ayant pas avancé d’autres moyens à l’appui du recours sous analyse, ledit recours laisse d’être fondé et le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 24 mars 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19495
Date de la décision : 24/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-24;19495 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award