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24/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19476

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2005, 19476


Tribunal administratif Numéro 19476 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19476 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sedllar/Lipjan (Ko

sovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, ayant été placé a...

Tribunal administratif Numéro 19476 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19476 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sedllar/Lipjan (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 février 2005 prorogeant à son encontre une mesure de rétention audit Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2005 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mars 2005.

Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 janvier 2005, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté ministériel du 28 février 2005, cette mesure de rétention fut prorogée pour la durée d'un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 28 janvier 2005 décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement de l’intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 14 mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel de prorogation prévisé du 28 février 2005.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 3 février 2005. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies. Dans ce contexte, il estime que « le législateur luxembourgeois n’a pas entendu permettre à l’autorité ministérielle de proroger purement et simplement une première mesure de rétention, sans que cette éventuelle prorogation ne s’inscrive dans une situation nouvelle de « nécessité absolue » », que l’arrêté ministériel du 28 février 2005 n’indiquerait pas la date « réalisable » de son transfert dans son pays d’origine, malgré le fait qu’il existerait depuis le 10 février 2005 une possibilité effective de refoulement vers le Kosovo, au motif que les autorités luxembourgeoises disposeraient d’un laissez-passer depuis cette date, de sorte qu’une impossibilité de refoulement ne serait plus donnée dans son chef.

Le délégué du gouvernement explique que la demande d’asile de Monsieur … au Luxembourg a été définitivement rejetée par les juridictions administratives par arrêt de la Cour administrative du 13 janvier 2005, que ce dernier avait présenté en date du 22 octobre 2004 une nouvelle demande d’asile sous une fausse identité en Irlande, que suite à une demande de reprise en charge des autorités irlandaises du 22 novembre 2004, acceptée par les autorités luxembourgeoises le 3 décembre 2004, le demandeur a été transféré au Luxembourg le 1er février 2005, que l’UNMIK a été informé du rapatriement projeté vers le Kosovo en date du 3 février 2005 et comme aucune opposition n’a été émise par cette autorité endéans une semaine, le service de police judiciaire aurait été saisi de l’organisation du rapatriement, prévu pour le 1er avril 2005 par vol groupé avec d’autres personnes. Sur ce, le délégué du gouvernement estime que la condition d’une « nécessité absolue » est donnée, d’une part, au motif que le demandeur refuserait tout retour volontaire vers le Kosovo, ce qui serait démontré par le fait qu’il a présenté une demande d’asile en Irlande sous une fausse identité, et, d’autre part, afin d’éviter qu’il essaie de nouveau de se soustraire à une mesure de rapatriement en quittant le territoire luxembourgeois.

Le tribunal appelé à statuer sur la prorogation d’une mesure de placement doit analyser si le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (cf. trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Etrangers, n° 337 et autres références y citées).

En effet, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre (…) à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Dans ce contexte, il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-

dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part (cf. trib. adm. 6 février 2003, n° 15933 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 336 et autres références y citées).

En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que le demandeur, après avoir déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 6 juillet 2004, s’était rendu en Irlande pour y déposer une nouvelle demande d’asile. Il est encore établi que, suite à son retour au Luxembourg et à l’information donnée à l’UNMIK du rapatriement projeté de Monsieur … vers le Kosovo, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu émettre un « laissez-passer UE » en date du 10 février 2005 et saisir la police judiciaire de l’organisation du rapatriement du demandeur et que les autorités luxembourgeoises ont prévu ledit rapatriement dans le cadre d’un vol groupé vers Pristina le 1er avril 2005.

Or, c’est à tort que le demandeur soutient que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas entrepris toutes les démarches utiles en vue de son rapatriement respectivement qu’il n’y aurait pas eu « impossibilité de refoulement » dans son chef à partir du 10 février 2005, au motif que la date du 1er avril 2005 retenue pour le rapatriement serait trop éloignée, étant donné qu’on ne saurait exiger des autorités luxembourgeoises d’organiser des rapatriements individuels pour l’hypothèse où un vol groupé dans un délai prévisible et raisonnable, tel étant le cas en l’espèce, est réalisable. En effet, les autorités luxembourgeoises ne sauraient être contraintes à effectuer des rapatriements individuels sous escorte si un rapatriement en groupe vers un pays déterminé est susceptible d’être organisé dans un proche avenir, et ceci à plus forte raison si lesdites autorités sont en présence d’un demandeur d’asile débouté dont le comportement antérieur laisse supposer qu’il refuse tout retour volontaire dans son pays d’origine, comme c’est le cas en l’espèce, Monsieur … s’étant rendu en Irlande pour y présenter une deuxième demande d’asile.

Finalement, le fait que les autorités luxembourgeoises procèdent au rapatriement de Monsieur … dans le cadre d’un vol groupé ne saurait être considéré comme contraire à l’article 1er du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme pour constituer une « expulsion collective », alors que la situation administrative du demandeur, suite au dépôt de sa demande d’asile, a fait l’objet d’un examen individuel et la seule critique concernant les modalités d’organisation du voyage de retour vers le pays d’origine par « vol groupé » ne suffit pour constituer pareille violation.

Il suit des développements qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 24 mars 2005 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19476
Date de la décision : 24/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-24;19476 ?

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