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24/03/2005 | LUXEMBOURG | N°17492

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2005, 17492


Numéro 17492 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2004 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par la société anonyme C., … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17492 du rôle, déposée le 20 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marie-Pierre BEZZINA,

avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la soci...

Numéro 17492 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2004 Audience publique du 24 mars 2005 Recours formé par la société anonyme C., … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17492 du rôle, déposée le 20 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marie-Pierre BEZZINA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme C., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à l’annulation 1. d’une décision du ministre de l’Intérieur du 7 octobre 2003 portant approbation des délibérations du conseil communal de Sandweiler du 23 janvier 2002 adoptant définitivement la modification de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Sandweiler comportant la création d’une « zone mixte » et le reclassement d’une partie de la « zone d’activité B » en zone mixte dont ¾ en zone d’aménagement différé, 2. d’une décision du ministre de l’Intérieur du 7 octobre 2003 à travers laquelle il s’est déclaré incompétent pour approuver la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 12 mars 2002 portant adoption définitive du plan directeur « am ënneschte Schrëndel »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2004 par Maître Marie-Pierre BEZZINA pour compte de la société anonyme C.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 30 juin 2004 portant signification de ce recours à l’administration communale de Sandweiler;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sandweiler, ce mémoire ayant été notifié le 26 octobre 2004 au mandataire de la société C.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Marie-Pierre BEZZINA et Jean KAUFFMAN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2005.

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En date du 20 septembre 2001, le conseil communal de la commune de Sandweiler adopta provisoirement une modification de la partie écrite du plan d’aménagement général (PAG) de cette commune portant création d’une « zone mixte » définie par un nouvel article 11.2.A du PAG.

Par une autre délibération du même jour, le dit conseil communal décida « de reclasser une partie de la zone d’activités B située au sud de la rue de Luxembourg à Sandweiler, notamment la partie dénommée « am ënneschte Schrëndel » en zone mixte ». Ce reclassement visa notamment la parcelle n° 20/3619 longeant la rue de Luxembourg à Sandweiler et appartenant à la société anonyme C., préqualifiée.

Suivant lettre du 20 novembre 2001, la société C. objecta contre ces délibérations en critiquant certains volets de ce projet d’ensemble. Suite à une réunion avec le collège des bourgmestre et échevins en date du 18 décembre 2001, la société C. soumit des observations complémentaires par lettre du 7 janvier 2002.

En sa séance publique du 23 janvier 2002, le conseil communal de la commune de Sandweiler adopta définitivement les délibérations relatives à la modification de la partie écrite du plan d’aménagement général portant création d’une « zone mixte », en y apportant quelques amendements, et au reclassement d’une « partie de la zone d’activités B située au sud de la rue de Luxembourg à Sandweiler, notamment la partie dénommée « am ënneschte Schrëndel » en zone mixte », mais en maintenant dans la zone mixte seulement la parcelle n° 17/4051 directement voisine de celle de la société C., tandis que notamment la parcelle n° 20/3619 appartenant à la société C. fut classée « comme « zone d’aménagement différée » suivant l’article 9 du PAG de la Commune de Sandweiler ».

La société C. introduisit, par lettre du 11 février 2002, une réclamation devant le ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par le « ministre », à l’encontre de la seconde délibération portant reclassement du terrain lui appartenant en zone d’aménagement différé.

Par délibération du 12 mars 2002, le conseil communal de la commune de Sandweiler adopta définitivement le plan directeur « am ënneschte Schrëndel » visant également la parcelle n° 20/3619 appartenant à la société C., laquelle réclama contre cette délibération par lettre du 28 mars 2002 à l’adresse du ministre.

Suite à l’avis du conseil communal de la commune de Sandweiler du 5 juin 2002 et de la commission d’aménagement du 15 septembre 2003, le ministre décida le 7 octobre 2003 d’approuver ces deux délibérations portant adoption définitive de la modification de la partie écrite du plan d’aménagement général et le reclassement susvisé de certains terrains en zone mixte, respectivement d’aménagement différé, tout en rejetant les réclamations lui soumises à l’encontre de ces délibérations aux motifs énoncés notamment comme suit :

« Les réclamants reprochent encore au collège échevinal de ne pas avoir entrepris une quelconque tentative de conciliation lors de leur audition, dénaturant ainsi le texte de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

L’alinéa 3 de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes prévoit que les opposants sont entendus par le collège des bourgmestre et échevins « en vue de l’aplanissement des difficultés ». Or, cela a bien été le cas en l’espèce, les requérants ayant été entendus par la commune et un procès-

verbal de ces réunions ayant été dressé.

Enfin, la jurisprudence a décidé qu’ « aucune obligation de résultat ne repose sur le collège échevinal concernant l’aplanissement des difficultés en vue duquel il est tenu d’entendre les opposants » (TA 21-2-2000, n° 11434 Feitler, confirmé sur ce point par arrêt du 17-10-2000, n° 11904C).

Par ailleurs, la procédure telle que prévue par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ne fait aucunement le lien avec la délivrance d’une permission de voirie, il s’agit en l’espèce de deux procédures différentes et indépendantes.

En ce qui concerne le reclassement des terrains sous rubrique en zone mixte, il est d’une pratique courante que la procédure de modification du Projet d’Aménagement Général soit entamée parallèlement à celle ayant trait au projet d’aménagement particulier, sans que cette démarche ne soit tenue en échec par une quelconque disposition légale.

Le reclassement d’une partie des terrains concernés en zone d’aménagement différé a été effectué par le conseil communal lors du vote définitif afin de tenir compte des réclamations introduites après la délibération provisoire. Cette manière de procéder est conforme aux dispositions de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937.

Finalement j’estime que les propriétaires des fonds concernés par le présent projet ne sont pas lésés par leur reclassement de la zone d’activité B en zone mixte respectivement en zone d’aménagement différé alors que les terrains restent constructibles à terme. Cette mesure constitue plutôt une initiative louable des autorités communales pour des arguments relevant de l’urbanisme alors qu’elle permet de régler et d’accompagner efficacement le développement urbain futur des terrains concernés tout en garantissant que des activités compatibles avec l’habitat puissent et doivent être exercées sur le site en question ».

Cette décision fut notifiée à la société C. par courrier ministériel du 28 octobre 2003.

Encore en date du 7 octobre 2003, le ministre de l’Intérieur informa le commissaire de district à Luxembourg de ce qu’il n’est pas compétent pour approuver la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 12 mars 2002 portant adoption définitive du plan directeur « am ënneschte Schrëndel » au motif que ce dernier constitue « un simple document politique de travail et d’orientation destiné à servir de base pour l’élaboration des futurs projets d’aménagement particulier et ne saurait avoir le caractère d’un acte réglementaire alors qu’il ne trouve pas de base légale dans la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes », entraînant que les réclamations lui adressées à l’encontre de ce plan directeur sont sans objet.

Par requête déposée le 20 janvier 2004, la société C. a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation tant de la décision d’approbation prévisée du ministre de l’Intérieur du 7 octobre 2003 que de sa décision d’incompétence prise le même jour.

Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagements, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue après réclamation des particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C, Pas. adm. 2004, v° Actes réglementaires, n° 20 et autres références y citées).

Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses.

L’administration communale de Sandweiler soulève le moyen d’irrecevabilité du recours tiré de ce que la société C. aurait manqué d’attaquer parallèlement avec les deux décisions ministérielles du 7 octobre 2003 également les délibérations du conseil communal de la commune de Sandweiler des 23 janvier 2002 et 12 mars 2002, lesquelles formeraient un tout indissociable avec lesdites décisions ministérielles « alors que si la décision de la commune est sujette comme cela a été le cas à l’approbation du Ministre, la décision de l’autorité de tutelle évidemment ne peut pas se greffer sur une décision communale inexistante ».

Or, le recours contre la seule décision d'approbation d'un acte soumis à tutelle est en principe valable, l'acte d'approbation étant en lui-même une décision susceptible d'un recours en annulation pour les vices qui lui sont propres, contrairement au recours contre la seule décision de l'autorité soumise à tutelle qui, à défaut et avant l'approbation, n'est pas susceptible de faire grief (Cour adm. 6 novembre 1997, n° 10011C, Pas. adm. 2004, v° Tutelle administrative, n° 11, et autres décisions y visées). Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité laisse d’être fondé.

Le recours est pour le surplus recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La société C. relève d’abord que lors du vote provisoire l’ensemble des terrains concernés aurait été reclassé en zone mixte et le nouveau changement à travers le classement de la plupart des terrains en zone d’aménagement différé n’aurait été opéré qu’au niveau du vote définitif du 23 janvier 2002. Elle fait valoir qu’un changement de l’affectation d’un ensemble de terrains ne pourrait pas être opéré sous le couvert de l’aplanissement des difficultés suite au vote provisoire, mais devrait être considéré comme changement substantiel au plan d’aménagement général, lequel devrait être soumis à l’intégralité de la procédure imposée par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par la « loi du 12 juin 1937 ». Or, dans la mesure où le reclassement litigieux en zone d’aménagement différé n’aurait été opéré qu’au seul niveau du vote définitif du projet de modification du PAG, le ministre n’aurait pas pu valablement approuver cette délibération.

L’article 9 de la loi du 12 juin 1937 dispose comme suit :

« Sans préjudice de la disposition inscrite à l’article 3, alinéa 3, les projets sont établis par les soins du collège des bourgmestre et échevins, ou par les associations, sociétés et particuliers intéressés. Ils sont soumis d’abord à la Commission et ensuite au conseil communal, avec l’avis de la Commission.

Après leur approbation provisoire par le conseil communal, les plans sont déposés pendant 30 jours à la maison communale, où le public pourra en prendre connaissance. Le dépôt sera publié par voie d’affiches apposées dans la commune de la manière usuelle et portant invitation de prendre connaissance des pièces.

Endéans le délai visé à l’alinéa qui précède, les objections contre les plans doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins, à peine de forclusion.

Après l’expiration du délai le collège entendra les opposants en vue de l’aplanissement des difficultés.

Le résultat de cette mesure, avec toutes les pièces et, éventuellement, avec les plans modifiés, est soumis au conseil communal qui y décide, sous l’approbation du «Ministre de l’Intérieur». La décision du conseil communal est affichée dans la commune pendant huit jours, de la façon usuelle et notifiée aux intéressés par lettres recommandées avec avis de réception.

Les réclamations doivent être adressées au Gouvernement dans les quinze jours de cette notification, à peine de forclusion. Le Ministre statue, le conseil communal et la Commission entendus ».

En disposant dans son alinéa 3 que « le collège entendra les opposants en vue de l’aplanissement des difficultés » et dans son alinéa 4 que « le résultat de cette mesure, avec toutes les pièces et, éventuellement, avec les plans modifiés, est soumis au conseil communal qui y décide, sous l’approbation du Ministre de l’Intérieur », l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 ne restreint pas autrement la manière dont le collège des bourgmestre et échevins peut tenir compte des objections lui soumises à l’encontre d’un projet d’aménagement, de manière qu’il y a lieu de conclure que le résultat de la mesure d’aplanissement des difficultés peut même comporter l’inclusion de certains terrains dans une zone autre que celle retenue au niveau du vote provisoire. Etant donné encore que le dit article 9 impose pour les plans éventuellement modifiés, suite à la procédure d’aplanissement des difficultés, seulement le vote définitif du conseil communal sans imposer un nouveau double vote, force est d’en déduire qu’un reclassement d’un terrain opéré entre le vote provisoire et le vote définitif du projet d’aménagement à la suite d’une mesure d’aplanissement des difficultés est valable. Il s’ensuit que le premier moyen de la société C. laisse d’être fondé.

La société C. affirme encore que le conseil communal de la commune de Sandweiler aurait reclassé ses terrains dans une zone inexistante, au motif que le PAG ne préverrait aucune « zone d’aménagement différé ».

Or, il échet de rappeler que la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 23 janvier 2002 énonce clairement que notamment les terrains de la société C.

ont été classées « comme « zone d’aménagement différée » suivant l’article 9 du PAG de la Commune de Sandweiler ». S’il est vrai que l’article 9 du PAG définit les « secteurs d’aménagement différé » et non pas les « zones d’aménagement différé », l’usage erroné du terme « zone » au lieu de celui de « secteur » ne saurait affecter la validité du reclassement, étant donné que la délibération prévisée du 23 janvier 2002 vise clairement une zone telle que définie par une disposition préétablie du PAG, à savoir son article 9 qui instaure les secteurs d’aménagement différé. Le moyen relatif à l’inexistence de la zone d’aménagement différé est partant à écarter.

La société C. fait valoir ensuite que les réclamations soumises auraient porté sur les dimensions et l’agencement des gabarits des corps à construire et non sur un retardement dans le temps de l’édification d’immeubles, entraînant que le renvoi aux objections soumises, suite au vote provisoire du projet de reclassement, ne sauraient justifier la modification du reclassement effectuée dans le sens d’un reclassement en zone d’aménagement différé. Elle argue encore que le reclassement incriminé en zone d’aménagement différé n’aurait pas été motivé de manière précise par le conseil communal et approuvé par le ministre sur base d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle considère que le secteur d’aménagement différé devrait comporter des réserves au sein du périmètre d’agglomération en attendant que le potentiel de terrains non construits à l’intérieur des zones directement constructibles soit exploité, mais que les terrains entourant le sien seraient déjà largement construits et « se situent en pleine agglomération construite », de sorte qu’aucune raison urbanistique ne justifierait le classement incriminé en zone d’aménagement différé.

La commune de Sandweiler rétorque que la modification du reclassement serait « motivée en ce sens qu’elle tient compte des observations faites par les différents réclamants » et qu’elle aurait été opérée dans le souci de prévenir un aménagement trop rapide de la zone incriminée et d’attendre la réalisation de certains travaux d’infrastructure prévus, dont un nouveau bâtiment scolaire, des canalisations et l’achèvement du contournement de la localité de Sandweiler.

Le délégué du gouvernement expose pareillement que le classement en zone d’aménagement différé serait le résultat des réclamations introduites suite au vote provisoire et il renvoie à la motivation contenue dans la prise de position du conseil communal de la commune de Sandweiler du 6 février 2003.

La société C. fait répliquer que la décision de classement incriminée n’aurait pas été motivée dans la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 23 janvier 2003 et que le délégué du gouvernement ne saurait dès lors être admis à avancer des motifs par après. Quant aux infrastructures auxquelles la commune renvoie pour justifier le reclassement des terrains en cause dans une zone non immédiatement constructible, la société C. relève qu’en réalité la nouvelle école aurait ouvert ses portes en septembre 2004, que le contournement de la localité de Sandweiler aurait été inauguré le 8 juin 2004 et que la convention avec le gouvernement pour le rétrécissement de la rue Principale aurait été arrêtée en 1999 et son exécution prévue en parallèle avec celle du contournement. Elle en déduit que la réalisation de toutes ces infrastructures aurait du moins été concrètement prévue lors des votes provisoire et définitif litigieux et que ces dernières ne pourraient ainsi servir de prétexte pour sous-tendre le retardement imposé quant à la constructibilité de ses terrains. Elle précise que ceux-ci seraient raccordés depuis 1979 aux infrastructures de la canalisation et de l’adduction d’eau de la rue Hemmen et aux réseaux des P&T et de la Cegedel par la rue de Luxembourg, l’adaptation des collecteurs ayant même été conçue pour parer aux effluents de constructions d’un volume supérieur à celui admissible dans la zone mixte. Elle fait valoir que le rétrécissement de la rue Principale n’aurait aucune influence sur la réalisation de constructions sur ses terrains, étant donné, d’une part, qu’une « voirie non encore rétrécie est assez large pour supporter un certain trafic » et, d’autre part, que la rue Principale est distante de 325 mètres de l’accès à ses terrains et commencerait seulement à partir du croisement entre la rue de Luxembourg et la rue Hemmen.

En ce qui concerne liminairement le reproche de la société C. relatif au défaut de motivation des actes déférés, il échet de rappeler que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir. Cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidés dans leur décision.

Il convient encore à ce sujet de relever que les motifs sur lesquels repose l'acte, si l’acte lui-même ne les précise pas, peuvent être communiqués au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle de légalité (CE 3 juillet 1974, Pas. 22, 483 ; 20 juillet 1978, Pas. 24,183; l5 mai 1981, n 7026 ; voir aussi Pas. adm. 2004, v° Procédure non contentieuse, n° 52, p. 476 et les décisions y citées), étant donné qu’il est loisible à l'administration de présenter ses motifs en cours d'instance, à condition que la juridiction administrative puisse en contrôler la légalité au moment où elle est appelée à statuer (CE 18 juin 1984, n 7397).

Or, s’il est vrai que la délibération prévisée du 23 janvier 2002 ne comporte elle-

même pas une motivation quant au reclassement des terrains de la société C. en zone d’aménagement différé, il n’en reste pas moins que le conseil communal de la commune de Sandweiler a motivé son choix de reclassement à travers ses avis des 5 juin 2002 et 9 avril 2003 et que le mandataire de la commune de Sandweiler a encore explicité ces motifs dans le cadre de la présente procédure contentieuse à travers les mémoires déposés par ses soins. En outre, la décision ministérielle du 7 octobre 2003 comporte une motivation relative à la réclamation de la société C.. Il y a lieu d’ajouter que la question de la pertinence et de la justification des motifs ainsi soumis relève de l’examen au fond de la validité de la motivation.

Ensuite, ce moyen de la société C. amène le tribunal à examiner d’abord si le reclassement incriminé de ses terrains en zone d’aménagement différé n’était légalement admissible que s’il était effectivement la suite directe d’objections au projet voté provisoirement par le conseil communal et, dans l’affirmative, si cette relation avec des réclamations concrètement introduites se trouve vérifiée en l’espèce.

Dans la mesure où « le résultat de cette mesure », tel qu’énoncé à l’alinéa 4 de l’article 9 en question, vise directement l’audition des opposants en vue de l’aplanissement des difficultés par le collège des bourgmestre et échevins prévue à l’alinéa 3 et où l’alinéa 4 prévoit que le conseil communal « y décide », force est d’en déduire que le conseil communal doit fixer le contenu d’un projet d’aménagement en conformité avec sa volonté au niveau du vote provisoire et que le vote définitif du conseil communal voit son objet légalement confiné à la décision sur le bien-fondé des différentes objections soumises et, le cas échéant, sur les modifications à apporter en conséquence au projet d’aménagement. Il s’ensuit que le conseil communal n’est plus admis à apporter au projet d’aménagement provisoirement voté des modifications spontanées qui ne seraient pas la suite directe d’une objection considérée comme fondée.

Il y a donc lieu d’examiner si en l’espèce, le reclassement des terrains de la société C.

a eu effectivement lieu afin de tenir compte d’objections soumises suite au vote provisoire du 20 septembre 2001.

Or, force est au tribunal de constater qu’à la fois l’avis de la commission d’aménagement du 15 septembre 2003 et la décision ministérielle du 7 octobre 2003 affirment que le reclassement des parcelles en cause de la société C. en zone d’aménagement différé aurait été effectué « afin de tenir compte des réclamations introduites après la délibération provisoire », mais que le dossier soumis au tribunal ne permet pas de vérifier la réalité de cette assertion. Or, dans la mesure où l’existence de cette relation causale entre les objections formulées à l’encontre du vote provisoire du 20 septembre 2001 et le reclassement opéré par le vote définitif du 23 janvier 2002 conditionne directement la légalité de ce dernier vote et de la décision d’approbation ministérielle y relative, il y a lieu de prononcer la rupture du délibéré, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties étant réservés, afin de permettre à la commune de Sandweiler, voire au délégué du gouvernement de soumettre au tribunal le dossier des objections soumises à l’administration communale suite au vote provisoire, le procès-verbal des auditions des personnes ayant soumis des objections et le procès-verbal de la séance du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Sandweiler relatif aux changements à apporter au projet de modification provisoirement voté suite à ces auditions. Afin de préserver les droits de la défense et de permettre aux parties de prendre position par rapport aux éléments complémentaires à déposer, il y a également lieu d’instaurer des délais dans lesquels les parties sont autorisées à déposer un mémoire complémentaire y afférent.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties étant réservés, prononce la rupture du délibéré et invite la commune de Sandweiler ou le délégué du gouvernement à déposer, jusqu’au 15 avril 2005, le dossier des objections soumises à l’administration communale suite au vote provisoire, le procès-verbal des auditions des personnes ayant soumis des objections et le procès-verbal de la séance du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Sandweiler relatif aux changements à apporter au projet de modification provisoirement voté suite à ces auditions, accorde à la société C. un délai jusqu’au 15 mai 2005 pour déposer un mémoire complémentaire y afférent, accorde à la commune de Sandweiler et au délégué du gouvernement un délai jusqu’au 15 juin 2005 pour déposer un mémoire complémentaire en réaction au mémoire complémentaire de la société C., fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 20 juin 2005, réserve les frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 24 mars 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17492
Date de la décision : 24/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-24;17492 ?

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