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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18995

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18995


Tribunal administratif N° 18995 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18995 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par Maître Sandra VION, avocat à la

Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mazadaran (...

Tribunal administratif N° 18995 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18995 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mazadaran (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 28 juillet 2004, notifiée le 12 octobre 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 15 novembre 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2005 ;

Vu la lettre de Maître Sandra VION parvenue au greffe du tribunal administratif le 10 février 2005 informant le tribunal de ce qu’elle a déposé son mandat pour agir en nom et pour compte du demandeur dans le cadre de la présente affaire ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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En date du 7 octobre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu les 29 octobre et 7 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 28 juillet 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Iran le 30 septembre 2003 pour la Turquie. A Istanbul, vous auriez trouvé un passeur qui vous aurait caché dans son camion jusqu’à Luxembourg.

Vous exposez que vous auriez fait votre service militaire de 1997 à 1998.

Vous n’auriez été membre d’aucun parti politique et vous n’auriez participé à aucune manifestation.

Vous expliquez que, depuis l’université, vous notez vos idées dans de petits carnets d’écolier.

En 1997, en vous promenant dans la rue, vous auriez été accosté par un homme qui vous aurait fait monter, sous la menace d’une arme, dans une automobile. Vous auriez été détenu dans le sous-sol d’une caserne pendant trois jours avant d’être relâché. Pendant ce séjour, vous auriez été interrogé et giflé. Après votre libération, vous auriez encore reçu des coups de téléphone anonymes pendant un mois.

Ensuite, vous n’auriez plus eu d’ennuis jusqu’en 2001. A partir de cette année-là, vous auriez correspondu avec un groupe d’amis par e-mail. Vous auriez eu aussi avec eux des discussions à caractère politique. Ces discussions reprenaient les idées notées dans vos petits carnets. Vous ajoutez qu’un jeune Passdar se serait souvent mêlé à votre groupe et que vous auriez parlé devant lui sans vous méfier.

A cette époque, vous auriez aussi fait la connaissance d’un certain AULADI dont le frère aurait été recherché. Les autorités vous auraient alors questionné à propos de cette personne en fuite. Vous seriez passé devant le Tribunal Islamique mais, à part l’inscription d’une hypothèque judiciaire sur la maison de vos parents, vous n’auriez subi aucune condamnation.

En 2003, vous auriez envoyé, de façon anonyme, un article au journal PYKE KHASAR. Vous y auriez exposé les problèmes de chômage de votre région. L’article n’aurait pas été publié mais on vous aurait dit que votre domicile aurait fait l’objet d’une perquisition.

Des effets personnels auraient été saisis. Vous auriez alors décidé de quitter l’Iran.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je constate d’abord que vous ne vous [êtes] pas montré très coopératif avec les autorités luxembourgeoises et plus particulièrement avec les agents chargés de vous poser des questions concernant votre demande d’asile. De plus, vos principaux ennuis datent de 1997 et de 2001. Pendant votre détention en 1997, vous n’auriez subi aucun mauvais traitement caractérisé à part une gifle et, en 2001, à l’occasion de la comparution devant le tribunal Islamique, vous auriez été relaxé. En ce qui concerne les ennuis que vous aurait valu la tentative de publier un article dans un journal, ils restent à l’état de supposition. En admettant même qu’il y ait eu perquisition chez vous, rien ne permet d’affirmer que quelque chose de fâcheux aurait pu en découler.

Je déduis de ce qui précède que vos assertions font davantage état d’un sentiment d’insécurité que d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En conséquence, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécutions entrant dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention de Genève et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays, telle une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son mandataire le 10 novembre 2004 et à une décision confirmative du refus initial prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 15 novembre 2004, Monsieur …, par requête déposée le 14 décembre 2004, a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions prévisées des 28 juillet et 15 novembre 2004.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours « dans la mesure où le requérant a débuté une procédure de retour volontaire et a signé un document par lequel il s’engage à effectuer auprès de son ambassade les formalités nécessaires à la concrétisation de son retour ».

Le mandataire du demandeur a adressé un courrier au tribunal daté au 10 février 2005 exposant que lors de sa dernière entrevue avec son mandant, en date du 2 décembre 2005, celui-ci ne l’aurait pas informé d’éventuelles démarches qu’il aurait entreprises en vue d’un retour volontaire. Comme elle resterait sans nouvelles de son client depuis lors et ne pourrait pas obtenir de plus amples précisions quant aux intentions exactes de son client, ce dernier s’étant en outre comporté de façon « totalement imprévisible », elle se verrait contrainte de déposer son mandat.

Malgré une information adressée directement au demandeur, celui-ci n’a pas fait constituer un autre avocat à la Cour et ne s’est plus autrement manifesté.

Si les susdites considérations restent sans effet quant à la recevabilité du recours qui a été introduit dans les formes et délai prévu par la loi, le demandeur ayant en outre eu - au moment du dépôt de la requête introductive d’instance - un intérêt à faire contrôler la légalité de l’acte portant rejet de sa demande d’asile, il n’en reste pas moins que le fait d’avoir entamé - parallèlement à l’action en justice - une procédure administrative destinée à aboutir à son rapatriement volontaire, ensemble le fait de ne plus avoir comparu et de s’être désintéressé des suites réservées à son affaire, documentant qu’au moment où le tribunal est appelé à statuer, aucun intérêt ne persiste, le recours étant partant à rejeter. – Il y a lieu d’ajouter que tant au regard de l’existence de l’intérêt (au moment de l’introduction du recours) qu’au regard de sa persistance (au moment où le tribunal est appelé à statuer), le juge n’est pas appelé à faire des suppositions, mais à examiner si oui ou non l’intérêt mis en exergue par le demandeur est suffisant pour justifier son action en justice et que pour le cas où une question relative au maintien de l’intérêt se pose, l’obligation de collaboration du demandeur à la bonne administration de la justice requiert qu’il y réponde.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 23 mars 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18995
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18995 ?

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