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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18896,18897

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18896,18897


Tribunal administratif Nos 18896 et 18897 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 23 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formés par les époux … et …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18896 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2004 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux

… et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du directeur de l’...

Tribunal administratif Nos 18896 et 18897 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 23 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formés par les époux … et …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18896 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2004 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 août 2004 (n° C12557 du rôle) dans la mesure où elle porte rejet de leur réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2000 émis à leur égard le 30 juin 2004 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 18897 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2004 par Maître Alain STEICHEN, au nom des époux … et Madame …, préqualifiés, tendant à la réformation de la même décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 août 2004 dans la mesure où elle porte rejet de leur réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2001 émis à leur égard également en date du 30 juin 2004 ;

I. + II.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cécile JAGER, en remplacement de Maître Alain STEICHEN, en ses plaidoiries à l’audience publique du 16 mars 2005.

Considérant qu’en sa qualité d’employé de la Banque Carnegie Luxembourg s.a., filiale luxembourgeoise de la société de droit suédois … & Co AB, Monsieur …, préqualifié, participa pour les années 1995 à 2001 à un plan d’actionnariat mis en place au niveau de la société-mère suédoise ;

Qu’au cours des années respectives 2000 et 2001, Monsieur … perçut au titre des actions de la société suédoise … & Co AB des montants de dividendes qu’il déclara dans le cadre de ses déclarations de l’impôt sur le revenu respectives ;

Qu’en date du 30 juin 2004, le bureau d’imposition Remich de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de Monsieur … des bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2000 et 2001 intégrant ces montants de dividendes dans leur intégralité dans les recettes de capitaux mobiliers imposables ;

Que par courrier recommandé du 2 août 2004, les époux … et …, désignés ensemble dans la suite par « la partie demanderesse », firent introduire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », à l’encontre des deux bulletins de l’impôt sur le revenu du 30 juin 2004 une réclamation à travers laquelle ils épinglaient le refus du bureau d’imposition d’étendre, conformément à la jurisprudence récente de la Cour de Justice des Communautés Européennes, aux dividendes de source suédoise perçus l’exemption de 50 % prévue par la législation luxembourgeoise en faveur des seuls dividendes d’origine luxembourgeoise ;

Que par décision du 24 août 2004 (n° C 12557), le directeur rejeta cette réclamation comme non fondée aux motifs énoncés comme suit :

« Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-

même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes (Conseil d’Etat 06.02.1996 n° 8925) ;

qu’en l’espèce, les réclamations ayant le même objet, il échet, dans l’intérêt d’une bonne administration de la loi, de les joindre pour y statuer par une seule et même décision ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition de ne pas avoir accordé pour des dividendes perçus d’une société suédoise l’exemption de 50% prévue par l’article 115, no 15a de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR) ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public (décision C 7640 du 09.09.1991) ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé (décision C 7444 du 21.05.1993) ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 115, n° 15a LIR, en vigueur en 2000, les revenus de capitaux spécifiés à l’article 146, alinéa 1er, numéros 1 et 3 et alinéa 2 LIR, alloués par des sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, sont exempts de l’impôt sur le revenu à concurrence de 50% de leur montant ;

Considérant qu’il n’est pas litigieux que les dividendes perçus par les réclamants sont de la nature des revenus de capitaux visés par l’article 146, alinéa 1er, n° 1 LIR ;

Considérant que l’exemption de l’article 115, n° 15a LIR n’est cependant applicable ni aux revenus de capitaux perçus de sociétés de capitaux résidentes qui ne sont pas pleinement imposables, ni aux revenus de capitaux perçus de sociétés non résidentes ;

Considérant que suite à l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 6 juin 2000 dans l’affaire Verkooijen (C-35/98), le législateur luxembourgeois a étendu le champ d’application de l’article 115, numéro 15a LIR aux sociétés de capitaux résidentes des Etats avec lequel le Grand-Duché a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions et qui sont pleinement imposables à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, ainsi qu’aux sociétés résidentes d’un Etat membre de l’Union européenne visées par l’article 2 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales ;

que cependant l’article 1er, n° 22 de la loi du 21 décembre 2001 n’a remplacé l’ancien n° 15a de l’article 115 LIR qu’à partir de l’année d’imposition 2002 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 97, § 2 de la loi du 7 novembre 1996 concernant l’organisation des juridictions de l’ordre administratif, le directeur des contributions ne statue plus avec l’indépendance d’un juge, sur la base du droit, mais en tant qu’administrateur lié par les ordres reçus et donnés ;

que dès lors l’article 95 de la Constitution n’est pas applicable, pas plus que le directeur des Contributions n’a compétence pour apprécier la conformité d’une loi à un traité international ;

Considérant enfin que les décisions des juridictions administratives auxquelles il est fait référence dans la requête sont étrangères à l’objet du présent litige ;

Considérant que par conséquent l’exemption prévue par l’article 115, n° 15a LIR n’est pas applicable aux dividendes litigieux ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas contestées » ;

Considérant que par requête déposée le 23 novembre 2004 et inscrite sous le numéro 18896 du rôle, la partie demanderesse a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision directoriale prérelatée du 24 août 2004 dans la mesure où elle a rejeté sa réclamation relative à l’année d’imposition 2000, tandis que par requête déposée le même jour sous le numéro 18897 du rôle, la partie demanderesse a encore fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la même décision directoriale précitée du 24 août 2004 dans la mesure où elle a rejeté sa réclamation relative à l’année d’imposition 2001 ;

Considérant que conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’impôt sur le revenu ;

Que le tribunal est partant compétent pour connaître des recours en réformation, lesquels sont encore recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai de la loi ;

Considérant qu’il est constant en cause que les deux recours introduits sous les numéros 18896 et 18897 du rôle sont dirigés contre la même décision directoriale du 24 août 2004, laquelle a statué par rapport à la réclamation introduite par la partie demanderesse contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2000 et 2001 ;

Qu’étant donné que les deux recours contentieux sont dirigés contre une même décision directoriale ayant tranché un litige commun à deux bulletins d’impôt concernant des années d’imposition successives et destinés aux mêmes contribuables, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les deux recours pour y statuer par un seul et même jugement ;

Considérant qu’à l’appui de ses recours, la partie demanderesse expose que, si la matière des impôts directs relevait de la compétence des Etats membres, ces derniers devraient exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et, plus particulièrement, de la liberté des mouvements de capitaux consacrée par l’article 67 du Traité de Rome, devenu l’article 56 depuis l’adoption du Traité d’Amsterdam ;

Qu’elle fait valoir que la détention d’actions de la société suédoise … & Co AB constituerait dans son chef un investissement direct effectué à l’étranger tel que visé par l’annexe I sub I.4) de la directive 88/361 du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en oeuvre de l'article 67 du Traité et devrait ainsi bénéficier de la liberté de circulation consacrée par cette directive ;

Qu’elle estime que l’article 115 n° 15a de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), dans sa teneur applicable aux années d’imposition 2000 et 2001 et antérieure à la réforme introduite par la loi du 21 décembre 2001, en limitant le bénéfice de l’exemption de 50% des dividendes perçus à ceux reçus d’une société luxembourgeoise, constituerait une restriction à la liberté de circulation des capitaux en ce sens que les résidents luxembourgeois seraient dissuadés d’investir dans des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre et que la collecte de fonds par des entreprises originaires d’autres Etats membres serait ainsi affectée ;

Que d’après la partie demanderesse, la restriction ainsi créée par l’article 115 n° 15a LIR ne serait pas non plus justifiée par l’article 58 du Traité de Rome ou une raison impérieuse d’intérêt général, dont la cohérence du régime fiscal luxembourgeois, faute de lien direct entre l’octroi d’un avantage fiscal et la compensation de cet avantage auprès du même contribuable, ou encore une perte de recettes fiscales ou enfin la lutte contre la fraude fiscale ;

Que la partie demanderesse de considérer qu’au vu de l’arrêt Verkooijen de la Cour de Justice des Communautés Européennes, ci-après désignée par « la Cour », du 6 juin 2000 (affaire C-35/98) ayant conclu à la non-conformité au droit communautaire d’une disposition interne néerlandaise exactement parallèle à l’article 115 n° 15a LIR, le tribunal ne serait pas tenu de saisir la Cour d’une question préjudicielle et serait en droit de réformer directement la décision directoriale entreprise ;

Considérant que l’article 115 n° 15a LIR disposait, dans sa teneur applicable aux années d’imposition en cause, que sont exempts de l’impôt sur le revenu « la moitié des revenus de capitaux spécifiés à l’article 146, alinéa 1, nos 1 et 3 et alinéa 2, alloués par des sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables pour autant que ces revenus sont imposables en vertu d’une des catégories de revenus visées aux numéros 1 à 3 ou 6 de l’article 10 » ;

Considérant qu’à travers son recours, la partie demanderesse entend voir dire que la condition portée par l’article 115 n° 15a LIR ancien selon laquelle le dividende, pour pouvoir bénéficier de l’exemption de la moitié de son montant y prévue, soit alloué par une société de capitaux résidente pleinement imposable, soit déclarée contraire au droit communautaire tel qu’interprété et précisé plus particulièrement à travers l’arrêt Verkooijen de la Cour du 6 juin 2000 ;

Considérant qu’il convient de préciser d’emblée, concernant l’application de la loi dans le temps, que depuis le cadre législatif communautaire ayant donné lieu à l’arrêt Verkooijen, l’évolution du droit communautaire a été telle que l’ancien article 67 du Traité de Rome tendant à l’abolition progressive des restrictions aux mouvements de capitaux à l’intérieur de la Communauté européenne, a été remplacé, après abrogation et renumérotation de l’article 73B suivant les dispositions du Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 (article 12.1 et annexe B) par l’article 56 disposant désormais à travers son point 1 que « dans le cadre des dispositions du présent chapitre [chapitre 4 : les capitaux et les paiements], toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites », entré en vigueur ensemble avec les autres dispositions du Traité d’Amsterdam le 1er mai 1999 ;

Qu’il s’ensuit que les conclusions dégagées par l’arrêt Verkooijen, ayant été posées dans le cadre des dispositions de la directive 88/361/CEE, à un stade évolutif vers la suppression de toute restriction au principe de la libre circulation des capitaux, s’appliquent à plus forte raison en l’état du droit communautaire applicable à une situation cristallisée à la fin des années d’imposition en cause en l’espèce, le fait générateur de l’impôt sur le revenu étant fixé par le paragraphe 3 (5) 1.c) de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 à l’écoulement de l’année civile, donc à une époque où l’article 56 du Traité de Rome a opéré un aboutissement à l’interdiction de toute restriction aux mouvements de capitaux à l’intérieur de l’Union Européenne ;

Considérant qu’il est de principe que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (arrêts du 11 août 1995, Wielockx, C-80/94, Rec. p. I-2493, point 16 ; du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 19, et du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland, rappelés par l’arrêt Verkooijen, point 32) ;

Considérant que le droit communautaire est d’application en l’espèce dans la mesure où un résident d’un Etat membre a souscrit à des actions d’une société anonyme relevant de la législation d’un autre Etat membre et y ayant son siège, abstraction même faite des participations de cette société dans l’Etat de résidence des investisseurs privés concernés ;

Considérant que le litige à la base de l’arrêt Verkooijen portait sur une disposition fiscale néerlandaise au vœu de laquelle une exonération de 1.000 NLG – 2.000 NLG en cas de contribuables mariés – s’appliquait aux revenus d’actions ou de parts sociales à condition qu’ils aient été soumis à l’impôt néerlandais sur les dividendes frappant exclusivement les revenus d’actions et de parts sociales distribués par des sociétés établies aux Pays-Bas ;

Que cette exonération ne bénéficiait ainsi qu’aux revenus distribués par des sociétés résidentes aux Pays-Bas et cette mesure, ainsi que le relève expressément la Cour dans l’arrêt Verkooijen, répondait au double objectif, d’une part, d’améliorer le niveau des fonds propres des entreprises et de stimuler l’intérêt des investisseurs pour les actions néerlandaises et, d’autre part, de compenser dans une certaine mesure la double imposition ;

Que quant à cette disposition néerlandaise, l’arrêt Verkooijen, après avoir rappelé l’effet direct de l’article 1er, paragraphe 1 de la directive 88/361, énonce sous ses points 34 à 36 :

« 34. qu’une disposition législative telle que celle en cause au principal a pour effet de dissuader les ressortissants d’un Etat membre résidant aux Pays-Bas d’investir leurs capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre. Il ressort d’ailleurs clairement de la genèse législative de cette disposition que l’exonération des dividendes et sa limitation aux dividendes d’actions de sociétés ayant leur siège au Pays-

Bas visaient précisément à promouvoir l’investissement des particuliers dans des sociétés ayant leur siège aux Pays-Bas en vue de renforcer leur fonds propres ;

35. une telle disposition produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres Etats membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux aux Pays-Bas dans la mesure où les dividendes qu’elles versent aux résidents néerlandais sont fiscalement traités de manière moins favorable que les dividendes distribués par une société établie aux Pays-Bas, en sorte que leurs actions ou parts sociales sont moins attrayantes pour les investisseurs résidant aux Pays-Bas que celles de sociétés ayant leur siège dans cet Etat membre ;

36. dans ces conditions, il y a lieu de constater que le fait de subordonner l’octroi d’un avantage fiscal en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques actionnaires, tel que l’exonération des dividendes, à la condition que les dividendes proviennent des sociétés établies sur le territoire national constitue une restriction aux mouvements de capitaux, interdite par l’article 1er de la directive 88/361 » ;

Considérant que la Cour a encore, à travers le même arrêt, réfuté toute justification de cette restriction pour une raison impérieuse d’intérêt général, tels l’objectif économique de promouvoir l’économie du pays, la préservation de la cohérence du système fiscal ou la réduction de recettes fiscales ;

Qu’ainsi, en conclusion de son raisonnement, la Cour a dit pour droit à travers le dispositif de son arrêt Verkooijen que la législation communautaire, applicable au cas lui soumis se cristallisant avant l’entrée en vigueur du traité sur l’Union Européenne (article 1er, paragraphe I, de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du Traité), « s’oppose à une disposition législative d’un Etat membre qui, telle que celle en cause au principal, subordonne l’octroi d’une exonération de l’impôt sur le revenu auquel sont soumis les dividendes versés à des personnes physiques actionnaires à la condition que lesdits dividendes soient versés par des sociétés ayant leur siège social dans ledit Etat membre » ;

Qu’il y a encore lieu d’ajouter la précision que la Cour a également retenu dans le même arrêt que la circonstance que le contribuable sollicitant l’exonération en cause est également salarié de la société distributrice des dividendes reste sans incidence sur la solution ci-avant dégagée ;

Considérant que force est au tribunal de retenir que les éléments de droit fiscal néerlandais confrontés au droit communautaire par l’arrêt Verkooijen sont strictement parallèles à ceux de l’article 115 n° 15a LIR, étant donné que cette dernière disposition instaure également une exonération partielle d’un revenu d’actions et de parts sociales et que, dans sa teneur applicable aux années d’imposition en cause, elle délimitait le champ d’application de cette exonération aux revenus distribués par des sociétés résidentes aux Luxembourg ;

Considérant qu’au bénéfice de l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de conclure, sans devoir recourir à une itérative question préjudicielle à l’adresse de la Cour au regard des principes par elle d’ores et déjà dégagés, que la condition prévue par l’article 115 n° 15a LIR, dans sa version antérieure à la loi du 21 décembre 2001 précitée applicable au cas d’espèce, suivant laquelle les revenus de capitaux visés doivent être alloués par une société de capitaux résidente pleinement imposable pour pouvoir bénéficier de l’exemption de 50 %, est contraire au droit communautaire et plus particulièrement à l’article 56 du Traité de Rome ;

Qu’il s’ensuit qu’un contribuable résident ayant perçu des revenus de capitaux visés par l’article 115 n° 15a LIR en provenance d’une société de capitaux non résidente tire du droit communautaire directement le droit de se voir appliquer la même exonération de 50% du montant des revenus à l’instar du bénéficiaire de revenus similaires alloués par une société de capitaux résidente, nonobstant toute disposition contraire du droit national de l’Etat membre en cause (cf. trib. adm. 1er décembre 2004, n° 17776 et 17779 du rôle, disponible sur Internet www.ja.etat.lu) ;

Que c’est partant à tort que le directeur a refusé en l’espèce d’accorder à la partie demanderesse l’exemption de 50% du montant des dividendes perçus de la part de la société de droit suédois … & Co AB au cours des années d’imposition en cause et la décision directoriale déférée encourt la réformation en ce sens ;

Considérant qu’encore que l’Etat se soit vu signifier en date du 23 novembre 2004, date du dépôt des recours, les requêtes introductives d’instance, il n’a pas comparu, aucun mémoire n’ayant été déposé en son nom, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit les recours en réformation inscrits sous les numéros 18896 et 18897 du rôle en la forme ;

joint ces mêmes deux recours ;

au fond, déclare les recours justifiés ;

partant, par réformation de la décision directoriale entreprise, accorde l’exemption de 50 % prévue par l’article 115 n° 15a LIR, aux montants de dividendes perçus de la part de la société de droit suédois … & Co AB durant les années d’imposition 2000 et 2001 ;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes ;

condamne l’Etat aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18896,18897
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18896.18897 ?

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