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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18839

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18839


Tribunal administratif N° 18839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par la société anonyme S.A. des Chaux de Contern, Contern, contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’administration communale de Contern en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2004 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de la société anonyme S.A. des Chaux de Contern, établie et ay...

Tribunal administratif N° 18839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par la société anonyme S.A. des Chaux de Contern, Contern, contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’administration communale de Contern en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2004 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme S.A. des Chaux de Contern, établie et ayant son siège social à L- …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 9 août 2004 portant refus d’approbation de la délibération du conseil communal de Contern du 12 juillet 2002 ayant adopté définitivement le projet de modification du projet d’aménagement général de la commune de Contern concernant des fonds sis à Contern aux lieux-dits « Leiteschbach » et « Deschtelratt » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 10 novembre 2004, portant signification de ce recours à l’administration communale de Contern ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2005 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Contern ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Patrick KINSCH ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Patrick KINSCH et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005 ;

Vu l’avis du tribunal portant institution d’une visite des lieux avant tout autre progrès en cause ;

Vu la visite des lieux du 17 mars 2005 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

Considérant que le 23 avril 2001, la société anonyme S.A. des Chaux de Contern introduisit une demande devant l’administration communale de Contern en vue de l’extension de la zone d’activités communale dite « Chaux de Contern » par reclassement de fonds - classés en zone agricole - sis au lieu-dit « Leiteschbach », inscrits au cadastre de la commune de Contern, section « C » de Contern, numéros cadastraux 947/3533, 948/3506, 948/3534, 948/4027 et 948/4028 ;

Que dans sa séance du 14 septembre 2001, la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur, prévue par l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-

après désignée par « la commission d’aménagement », avisa défavorablement le susdit projet de modification du plan d’aménagement général (PAG) de la commune de Contern, au motif essentiel que des terrains actuellement non encore affectés à la construction sont encore disponibles dans la zone d’activités existante et qu’il importe de les urbaniser avant de prévoir les extensions supplémentaires, tout en faisant marquer que l’extension de la zone d’activités telle que prévue se heurte, d’une part, à l’existence d’une zone naturelle boisée digne d’être protégée et, d’autre part, d’un chemin rural qui constitue une limite logique et naturelle de la zone d’activités existante ;

Que par délibération du 24 avril 2002, le conseil communal de Contern, passant outre l’avis de la commission d’aménagement, statuant avec une majorité de sept voix contre une, en présence d’une abstention, décida « 1) d’accepter provisoirement l’extension de la zone d’activités communale dite « Chaux de Contern » pour des fonds sis au lieu-dit « Leiteschbach », inscrits au cadastre de la commune de Contern, section « C » de Contern, n° cadastraux 947/3533, 948/3506, 948/3534, 948/4027 et 948/4028, et de reclasser les terrains en question dans la zone d’activités communale du plan d’aménagement général de la commune de Contern, sous réserve de l’observation des conditions ci-après :

- présentation d’un projet d’aménagement particulier, - fonds réservés exclusivement à des fins de stockage, - frais des travaux d’infrastructures à charge de Chaux de Contern, y compris le déplacement du chemin rural passant en ces lieux, - réalisation de mesures compensatoires (plantations, aménagement d’un étang, e.a.).

2) de reclasser les terrains 975/3, 975/5, 975/270, 975/998, 975/999, 975/1911, 975/2180, 975/4266, 976/49, 976/202, 976/203, 976/1000, 976/3471 et 976/3472, sis à Contern au lieu-dit « Deschtelratt », de la zone d’activités communale dans la zone agricole du plan d’aménagement général de la commune de Contern. » ;

Qu’il résulte d’un procès-verbal du 3 juillet 2002 qu’aucune objection n’a été présentée contre la délibération précitée du 24 avril 2002 ;

Que par délibération du 12 juillet 2002, le conseil communal de Contern, avec six voix contre une en présence d’une abstention, adopta définitivement les modifications du PAG telles qu’adoptées provisoirement le 24 avril 2002, sauf sous le point 1° de compléter la troisième condition y prévue comme suit : « frais des travaux d’infrastructures à charge des Chaux de Contern, y compris le déplacement de la conduite d’eau « SEBES et du chemin rural passant en ces lieux ».

Que par décision du 14 février 2003, le ministre de l’Intérieur refusa l’approbation de la délibération précitée du 12 juillet 2002 en reprenant en substance l’argumentaire précité déployé par la commission d’aménagement datant du 14 septembre 2001 ;

Que sur recours contentieux de la société anonyme S.A. des Chaux de Contern (n° 16557 du rôle), le tribunal administratif, par jugement non appelé du 16 février 2004, a annulé la décision de refus d’approbation du ministre de l’Intérieur précitée du 14 février 2003 en retenant que celle-ci n’était légalement motivée par aucun des motifs de refus avancés à sa base ;

Que par courrier du 9 août 2004, le ministre de l’Environnement s’est adressé au ministre de l’Intérieur en ces termes :

« Retourné à Monsieur le Ministre de l’Intérieur avec l’information que je n’approuve pas la délibération du conseil communal de Contern portant adoption définitive du projet de modification du projet d’aménagement général concernant des fonds sis à Contern au lieu-dit « Z.A.C. Chaux de Contern – Leiteschbach ».

En effet, les parcelles en question constituent un vallon avec ruisseau marqué par des arbres fruitiers. Ce vallon est limitrophe à l’ancienne décharge (propriété de Chaux de Contern) ou une certaine végétation pionnière s’est déjà installée. Le ruisselet « Leiteschbach » déverse dans le « Schleiderbach » qui traverse la forêt pour déboucher dans la Syre.

Le Vallon est un site unique sur le ban de la commune de Contern qui devrait en vue d’une sauvegarde du paysage bénéficier de la protection du milieu naturel (art.

27). » ;

Considérant que par requête déposée en date du 9 novembre 2004, la société anonyme S.A. des Chaux de Contern a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement précitée du 9 août 2004, lui parvenu, par l’intermédiaire de l’administration communale de Contern, le 24 août 2004 portant refus d’approbation de la délibération du conseil communal de Contern du 12 juillet 2002 ayant adopté définitivement le projet de modification du PAG de la commune de Contern ;

Considérant qu’encore que l’Etat se soit vu notifier par la voie du greffe le recours le jour même de son dépôt, 9 novembre 2004, la partie publique étatique n’a pas comparu, aucun mémoire n’ayant été déposé en son nom, de sorte que le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant que la société anonyme des Chaux de Contern conclut en premier lieu à l’annulation de la décision ministérielle déférée pour erreur de droit en ce qu’elle se serait basée sur la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, à travers le renvoi à son article 27 in fine, étant entendu que d’un côté ladite loi de 1982 a été abrogée à travers l’article 70 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et n’était dès lors plus d’application au jour de la prise de la décision ministérielle déférée et que, d’un autre côté, l’article 27 visé, dût-il concerner la loi du 19 janvier 2004, ne rimerait à rien en ce que celui-ci a trait à l’interdiction des exploitation et utilisation abusives d’animaux sauvages non protégés ;

Qu’en second lieu, au titre de la légalité interne de la décision ministérielle déférée, la demanderesse de faire remarquer d’abord que certains des terrains dont le reclassement est demandé seraient des terrains exploités industriellement par la société anonyme des Chaux de Contern depuis 1923 déjà ;

Que le site unique ainsi désigné à travers la décision ministérielle déférée ne serait qu’un pré planté de quelques rares arbres, de sorte qu’il ne s’agirait en rien d’un biotope, particulièrement digne d’être protégé ;

Que le fait de mettre en avant la nécessité de protéger cette « zone naturelle » constituerait une violation du principe de la proportionnalité de l’action administrative par rapport à la restriction qu’elle implique quant aux droits et libertés des particuliers, eu égard à la gravité toute relative de l’atteinte à l’environnement qu’impliquerait l’extension de l’aire de stockage des Chaux de Contern à cet endroit ;

Que le ruisselet présent à l’endroit serait respecté lors des travaux d’aménagement projetés par la demanderesse, laquelle prendrait toutes les mesures nécessaires afin d’éviter toute pollution de l’eau, de sorte que là encore, le fait de refuser l’approbation ministérielle constituerait une méconnaissance du principe de proportionnalité ;

Que la demanderesse de conclure qu’au cas où le tribunal administratif estimerait qu’il appartient d’exercer, en l’occurrence, les pouvoirs d’un juge du fond, il lui est demandé de constater à la fois l’illégalité et l’inopportunité des motifs retenus par le ministre de l’Environnement ;

Que la commune de Contern de conclure à son tour en premier lieu à une erreur de droit concernant l’invocation de l’article 27 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée entraînant l’annulation de la décision ministérielle déférée ;

Qu’en second lieu la commune d’estimer que le ministre de l’Environnement, à travers ses décisions déférées, aurait commis une erreur manifeste d’appréciation devant entraîner son annulation ;

Que, d’une part, la zone affectée par la modification du plan d’aménagement ne présenterait nullement les caractéristiques invoquées par le ministre, étant donné que les parcelles en question formeraient un pré planté de quelques arbres et que la végétation sommaire en les lieux ne saurait faire de la zone concernée « un site unique » ;

Que le fait que les quelques arbres en question soient des arbres fruitiers ne pourrait conférer à ce site l’unicité rare justifiant sa protection ;

Que d’autre part la nouvelle affectation ne serait pas de nature à nuire à la poussée de la végétation pionnière qui apparaîtrait à la surface du terrain limitrophe occupé actuellement par une décharge, ni au ruisselet « Leiteschbach » ;

Que la protection de ce ruisselet serait assurée par l’application stricte en matière de permis de bâtir et de protection de l’eau ;

Que le refus ministériel déféré serait d’autant moins justifié que la délibération de modification du plan d’aménagement général à sa base s’inscrirait pour l’essentiel dans une démarche cohérente de confirmation d’une situation d’affectation existante depuis 1923, accompagnée d’une mesure compensatoire de classement en zone agricole ;

Que la commune de souligner que sur les cinq fonds à classer en zone d’activités communales formant un tout appartenant à la société anonyme des Chaux de Contern, deux fonds seraient depuis 1923 exploités à des fins industrielles par la demanderesse, nonobstant le fait qu’ils aient été classés – par erreur – en 1950 en zone agricole ;

Que le ministre de l’Environnement qui, dans un tel contexte, ne prendrait pas en considération la mesure compensatoire substantielle contenue dans la délibération lui soumise commettrait une erreur manifeste d’appréciation, étant entendu que la démarche de la commune non seulement établirait une certaine cohérence dans l’aménagement et dans la planification de son territoire mais encore procéderait d’une volonté de sauvegarde du paysage incontestable ;

Que pour le surplus la commune déclare se rallier à l’argumentaire déployé à la base du recours ;

Considérant qu’encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision ;

Considérant que le pouvoir d’approbation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Fôrets concernant des délibérations communales portant sur des projets d’aménagement concernant une zone verte a été successivement prévu par l’article 2 in fine de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ainsi que par l’article 5 in fine de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles suivant les modalités et précisions y contenues ;

Que suivant l’article 70 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 la prédite loi du 11 août 1982 est abrogée, sans que plus particulièrement en matière d’approbation ministérielle de projets d’aménagement une disposition transitoire n’y soit prévue ;

Que dès lors le ministre a été amené à statuer suivant la législation applicable au moment où il a posé sa décision, soit en l’occurrence à la date du 24 août 2004, suivant la loi nouvelle du 19 janvier 2004 telle qu’elle a été entre-temps modifiée ;

Considérant que ladite loi modifiée du 19 janvier 2004 prévoit en son article 58 que « contre les décisions prises en vertu de la présente loi un recours est ouvert devant le tribunal administratif qui statuera comme juge du fond » ;

Considérant qu’il est constant que la décision du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, c’est-à-dire actuellement le ministre de l’Environnement, par laquelle il approuve ou refuse d’approuver une délibération d’un conseil communal modifiant la délimitation d’une zone verte, participe du caractère normatif de cette délibération et s’analyse dès lors en acte administratif à caractère réglementaire (cf. trib. adm. 11 mai 1998, n° 9932 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Environnement, n° 2, p. 144 et autres décisions y citées) ;

Considérant que d’après l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, seul un recours en annulation est ouvert ;

Considérant que la démarche du législateur devant être présupposée comme visant un résultat cohérent, les dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996, d’un côté, et celles de l’article 59 de la loi modifiée du 19 janvier 2004, de l’autre, sont à lire de façon complémentaire en sorte que l’article 59 en question, en désignant les décisions prises par le ministre de l’Environnement en application de ladite loi du 19 janvier 2004 concerne, suivant les termes mêmes employés, les seules décisions administratives individuelles à l’exception des actes administratifs à caractère réglementaire ;

Qu’il s’ensuit qu’aucun recours au fond n’est prévu en la matière, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre principal est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que relativement au premier moyen d’annulation formulé à la fois par la demanderesse et par la commune, il vient d’être dégagé ci-avant que le ministre de l’Environnement était amené à statuer dans le cadre de la loi modifiée du 19 janvier 2004 ayant remplacé celle du 11 août 1982 ;

Considérant que s’il est patent que l’article 27 visé in fine de la décision ministérielle déférée, de par son contenu, ne saurait s’identifier avec l’article 27 de la loi du 19 janvier 2004, traitant des animaux sauvages, étrangers à la présente matière, il n’en reste pas moins que les motifs invoqués à travers la décision ministérielle déférée ne s’en trouvent pas autrement altérés alors qu’ils gardent leur substance propre en dehors du renvoi erroné à l’article 27, la protection naturelle visée par l’article 27 de la loi modifiée du 11 août 1982 trouvant mutatis mutandis son pendant dans la loi du 19 janvier 2004 ;

Que le premier moyen d’annulation laisse dès lors d’être fondé ;

Considérant que pareillement à ce qui valait sous l’empire de l’article 36 de la loi modifiée du 11 août 1982, dans le cadre spécifique de l’approbation des plans d’aménagement, le ministre de l’Environnement est appelé à se référer aux dispositions correspondant à l’article 56 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 dans la mesure où elles contiennent des critères généraux à lire en combinaison avec son article 1er, appelés à encadrer le pouvoir d’appréciation ministériel en tant qu’organe tutélaire participant à l’œuvre réglementaire en question (cf. trib. adm. 16 juin 2003, n° 12988a du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Environnement, n° 4, p. 145) ;

Considérant que parmi les motifs de refus valables tirés de la combinaison des articles 1er et 56 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 figure celui appuyé sur le fait que le projet est de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage, voire constitue un danger pour la conservation du milieu naturel, compte tenu des objectifs généraux de la loi tenant à la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, ainsi que de la protection des paysages et des espaces naturelles ;

Considérant que dans le cadre d’un recours en annulation le juge est amené à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et si les motifs dûment établis sont pertinents, cette vérification pouvant s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis ;

Considérant que cette possibilité de vérification du caractère proportionnel est cependant limitée aux cas où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif de pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, sans que le contrôle juridictionnel ne puisse aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, lorsque celle-ci est par ailleurs légale, étant entendu que ce pouvoir d’appréciation doit rester suffisamment large pour permettre à l’autorité administrative d’exprimer un degré de sévérité ou de clémence variable en fonction de la nature et de la gravité des faits (cf. trib. adm. 10 décembre 2003, n° 16118 du rôle, confirmé par Cour adm. 2 mars 2004, n° 17363C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 14, p. 655) ;

Que ce même pouvoir de vérification ne saurait avoir pour but de priver le ministre, qui doit assumer la responsabilité politique de sa décision, de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation, étant entendu qu’il appartient au ministre de peser en définitive la valeur des intérêts publics et privés en discussion et de prendre sa décision en conséquence en assumant à l’égard des intéressés, à l’égard des organes politiques qui ont pour mission de contrôler son activité et à l’égard de l’opinion publique la responsabilité de cette décision, de sa sévérité ou de sa clémence (cf. Cour adm. 21 mars 2002, n° 14261C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en annulation, n° 12, p. 654 et autres décisions y citées) ;

Considérant que si lors de la visite des lieux et sur base des pièces du dossier le caractère digne de protection de la végétation pionnière qui se serait déjà installée sur l’ancienne décharge située aux confins des terrains à classer sur la parcelle portant le numéro 948/4534 n’a pas pu être vérifié, il n’en reste pas moins que les parcelles à reclasser constituent un vallon avec ruisselet aux méandres naturelles, marqué par des arbres fruitiers, dignes de protection ;

Que le site naturel en question rentre sous les prévisions des articles 1er et 56 combinés de la loi modifiée du 19 janvier 2004 au regard de la beauté et du caractère du paysage qu’il constitue ;

Considérant qu’il a encore pu être dégagé à partir des éléments du dossier, ensemble la visite des lieux, que le classement projeté serait de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage en question, alors que la mise en place de l’aire de stockage prévue par la société anonyme des Chaux de Contern serait de nature à aboutir au remblai complet du vallon en question et à la canalisation sous-terraine du ruisselet à l’endroit ;

Considérant que s’il est vrai que l’acte ministériel déféré ne prend aucune position par rapport aux mesures compensatoires prévues à travers la délibération communale à sa base, il n’en reste pas moins qu’aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait en être dégagée, compte tenu, d’une part, de ce qu’aucune valeur naturelle spécifique n’a pu être vérifiée dans le chef des quatorze parcelles sises au lieu-dit « Deschtelratt » devant être reclassés de la zone d’activités communale en zone agricole, de même que les mesures compensatoires prévues à la dernière condition du point 1 de ladite délibération (plantations, aménagement d’un étang, e. a.) manquent de toute précision en l’état ;

Considérant que si l’enjeu économique pour la société anonyme des Chaux de Contern et indirectement la commune de Contern concernant la possibilité d’extension de la zone d’activité communale à l’endroit a pu être clairement entrevu par le tribunal à partir des éléments du dossier, il n’en reste pas moins qu’à partir de son caractère étranger aux critères de refus prévus par la loi du 19 janvier 2004 précitée, seuls de nature à encadrer utilement le refus d’approbation ministériel déféré et à guider le contrôle afférent de la juridiction saisie, cet élément ne saurait être utilement retenu, étant entendu par ailleurs que les projets d’aménagement ont pour vocation de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des parties du territoire communal qu’ils concernent ;

Qu’aucune erreur manifeste d’appréciation ne se trouve dès lors établie à suffisance de droit dans le chef de l’acte ministériel déféré ;

Que cette conclusion est encore valable au-delà du fait épinglé par la commune que deux des cinq parcelles à reclasser sont d’ores et déjà occupées par des installations industrielles de la société anonyme des Chaux de Contern, alors que le refus ministériel déféré se justifie globalement à partir des motifs tirés relativement au site constitué par la « Leiteschbach », ensemble son vallon ;

Considérant que la partie demanderesse ne concluant pas à une annulation partielle du refus ministériel déféré en ce qu’il concerne les deux parcelles prévisées, il n’appartient pas au tribunal de porter plus loin son analyse sur cette question précise ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent le recours n’étant fondé en aucun de ses moyens, il convient d’en débouter la société demanderesse ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18839
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18839 ?

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