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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18835

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18835


Tribunal administratif N° 18835 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre des décisions du directeur de l’administration du personnel de l’Etat et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18835 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2004 par Maître Pierre FELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …, …, demeurant e...

Tribunal administratif N° 18835 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre des décisions du directeur de l’administration du personnel de l’Etat et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18835 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2004 par Maître Pierre FELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …, …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) de la décision du directeur de l’administration du personnel de l’Etat (APE) du 9 août 2004 portant sur la récupération de l’allocation de famille versée à Monsieur … depuis le 1er janvier 2003 ; 2) de la décision implicite de rejet de la réclamation des époux …-… du 8 septembre 2004 concrétisée à travers les fiches de traitement de Monsieur … des 21 septembre et 20 octobre 2004 ; 3) de la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 21 octobre 2004 portant rejet de ladite réclamation du 8 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2005 par Maître Pierre FELTGEN au nom des époux … et … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions déférées du directeur de l’administration du personnel de l’Etat et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pierre FELTGEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mars 2005.

Considérant qu’en date du 9 août 2004, Monsieur … s’est vu adresser de la part du directeur de l’administration du personnel de l’Etat (APE) un courrier libellé comme suit :

« Objet : Régularisation des montants touchés à titre d’allocation de famille Monsieur, Conformément à l’article 9 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, l’allocation de famille est calculée et versée ensemble avec le traitement le plus élevé des deux conjoints qui sont agents publics.

Or, dans le cadre d’une révision de votre dossier, mes services ont constaté que dans votre cas précis, l’allocation de famille aurait dû être versée à votre épouse Madame … à partir du 1er janvier 2003, étant donné qu’à partir de cette date son traitement est supérieur au vôtre.

Par conséquent, il sera procédé à la récupération de votre allocation personnelle à partir du 1er janvier 2003 par 4 tranches mensuelles pour un montant total net de 3.879,6 €. Parallèlement, mes services procéderont au paiement de l’allocation de famille à partir du 1er janvier 2003 par 4 tranches mensuelles pour un montant total net de 3.399,63 € revenant à votre épouse aussi dans le cadre du versement des rémunérations des mois d’octobre à décembre 2004.

Si vous avez besoin de renseignements supplémentaires, je vous prie de bien vouloir contacter l’agent responsable de mes services, à savoir Monsieur …, au numéro de téléphone 478-3251.

Au cas où vous souhaiteriez un entretien personnalisé, vous voudrez bien vous adresser au service d’accueil de l’Administration du Personnel de l’Etat (tél. : 478-3200) pour convenir des date et heure d’une entrevue.

Veuillez agréer, … » ;

Que par courrier de leur mandataire du 8 septembre 2004, les époux … et … se sont adressés au directeur de l’APE en lui demandant de revenir sur sa décision écrite du 9 août 2004 et de s’abstenir de procéder à une quelconque retenue sur le traitement de Monsieur …, suivant les arguments y plus amplement émargés ;

Qu’en date du 21 septembre 2004, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative accusa réception du courrier précité du 8 septembre 2004, pour, par décision du 21 octobre 2004, rejeter cette réclamation comme étant non fondée d’après les motifs y plus amplement émargés ;

Considérant que par requête déposée en date du 8 novembre 2004, les époux … et … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) de la décision du directeur de l’administration de l’APE du 9 août 2004 prérelatée ; 2) de la décision implicite de rejet de leur réclamation du 8 septembre 2004 se dégageant des fiches de traitement des 21 septembre et 20 octobre 2004 ; 3) de la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 21 octobre 2004 précitée ;

Considérant que le tribunal est amené à vérifier en premier lieu sa compétence d’attribution ;

Considérant que d’après les dispositions de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général », « les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond » ;

Considérant que les contestations soulevées en l’espèce par les demandeurs ne concernent point la fixation proprement dite de l’allocation de famille, étant donné que les parties sont en accord pour admettre le principe qu’en vertu de l’article 9.4 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, l’allocation de famille était à calculer sur le traitement le plus élevé ;

Que les demandeurs contestent la légalité de la procédure suivie par les instances étatiques concernant la récupération des allocations de famille touchées depuis le 1er janvier 2003 par Monsieur … ;

Que dès lors force est au tribunal de retenir que les contestations soulevées par les demandeurs ne rentrent pas sous les prévisions de l’article 26 du statut général, en ce qu’elles ne concernent pas directement la fixation de l’allocation de famille, dont le quantum n’est point mis en cause en tant que tel ;

Que par voie de conséquence le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation est dirigé en second lieu contre la décision implicite se dégageant suivant les demandeurs du rejet de leur réclamation à travers les fiches de traitement des 21 septembre et 20 octobre 2004 ;

Considérant qu’il est patent que dans la mesure où la réclamation du 8 septembre 2004 a été toisée par la décision ministérielle déférée du 21 octobre 2004, les conditions légales prévues par l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif pour constituer une décision implicite de refus ne se trouvent point réalisées, ne fût-ce que du fait que le délai de trois mois y prévu n’est pas vérifié en l’espèce ;

Que par ailleurs les montants récupérés à travers les fiches de traitement des 21 septembre et 20 octobre 2004 découlent directement de la décision du directeur de l’APE du 9 août 2004 déférée, de sorte à s’analyser en mesures d’exécution de cette dernière, sans constituer en elles-mêmes des décisions administratives individuelles faisant grief ;

Qu’il s’ensuit que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la décision implicite de rejet de la réclamation des demandeurs ainsi désignée ;

Considérant que le délégué du Gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs ;

Que suivant le représentant étatique tout requérant doit disposer d’un intérêt légitime, c’est-à-dire qu’il ne doit pas viser à voir consacrer une situation contraire à la loi, ainsi que d’un intérêt effectif, à savoir que le demandeur doit justifier que le résultat de son recours puisse apporter un remède effectif à la violation alléguée de son intérêt ;

Qu’en ce qui concerne Monsieur … il faudrait relever que sa demande serait contraire à l’article 9, paragraphe 4 de la loi modifiée du 22 juin 1963 précité et que l’annulation des décisions attaquées ne lui apporterait aucun avantage, de sorte qu’il ne disposerait pas d’un intérêt légitime et effectif à agir ;

Que Madame … n’aurait pas non plus un intérêt à agir, mais au contraire intérêt à ce que les décisions litigieuses ne soient pas annulées, puisqu’elle serait lésée par l’obligation de restituer le montant lui attribué au titre de l’allocation de famille à partir du 1er janvier 2003 ;

Considérant que dans la mesure où, à travers son recours, Monsieur … critique le fait que contrairement aux prévisions légales et réglementaires en la matière il n’aurait pas pu participer à la prise de la décision de récupération des allocations de famille lui versées à partir du 1er janvier 2003 et que de la sorte la récupération par blocs des montants en question l’aurait mis dans une situation où notamment son traitement du mois d’octobre 2004 aurait été entièrement absorbé et que la cession volontaire en faveur de BHW n’aurait pas pu être opéré, il justifie d’un intérêt à voir vérifier la légalité des décisions déférées ;

Considérant que dans la mesure où Madame … est co-destinataire de la décision ministérielle déférée, suite à la réclamation conjointe des époux …-… du 8 septembre 2004 et que, mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, les allocations de famille en question sont des biens communs dans le chef des deux époux, Madame … justifie à son tour d’un intérêt suffisant à agir ;

Considérant que le recours ayant pour le surplus été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable en tant que dirigé à la fois contre la décision du directeur de l’APE du 9 août 2004 et la décision ministérielle du 21 octobre 2004 ;

Considérant qu’à l’appui de leur recours, les époux …-… concluent, dans le chef des décisions déférées, à une violation à la fois des dispositions de l’article 29quater de la loi modifiée du 22 juin 1963 précitée, ainsi que de celles du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 fixant les conditions et modalités de renonciation à la récupération des rémunérations indûment touchées, prévues plus particulièrement en son article 1er ;

Qu’ils estiment que contrairement aux prévisions légales il n’y aurait pas eu de concertation préalable à la décision de récupération, mais qu’au contraire la décision déférée du 9 août 2004 aurait organisé unilatéralement le remboursement de l’allocation de famille dont s’agit en mettant le demandeur devant le fait accompli, aboutissant notamment à ce qu’il ne touche aucun traitement pour le mois d’octobre 2004, malgré plus particulièrement la cession volontaire en faveur de BHW à honorer à partir de son traitement mensuel, fait connu par l’APE ;

Que tout en renvoyant à la décision ministérielle déférée concernant les motifs de nature à excuser la démarche de l’administration revenant sur le tard à un redressement de la situation, le délégué du Gouvernement de prendre position plus précisément quant aux reproches formulés par les demandeurs de ne pas avoir été entendus préalablement à la prise de décision ;

Qu’il souligne qu’à travers son courrier du 9 août 2004 déféré, le directeur de l’APE a proposé à Monsieur … de contacter l’un de ses agents pour de plus amples renseignements, respectivement de provoquer un entretien personnalisé ;

Que le représentant étatique de faire valoir que par la suite Madame … aurait eu un entretien téléphonique avec les services de l’APE, entretien lors duquel elle aurait accepté que le montant en question lui soit transféré tout de suite de manière intégrale ;

Qu’à travers leur mémoire en réplique les demandeurs d’insister sur le caractère unilatéral de la décision déférée du 9 août 2004, tout en soulignant que l’exécution opérée par l’APE n’aurait pas été celle annoncée dans ledit courrier et en contestant « formellement et farouchement » que Madame … ait eu un entretien téléphonique avec les services de l’APE au courant duquel elle aurait accepté la façon de procéder de cette administration ;

Que le délégué du Gouvernement de dupliquer que le courrier de l’APE du 9 août 2004 aurait été adressé aux intéressés assez longtemps à l’avance pour permettre une concertation avant son exécution ;

Considérant que la loi modifiée du 22 juin 1963 précitée dispose dans son article 9.4 que « lorsque les deux conjoints … sont fonctionnaires ou agents publics, l’allocation de famille est calculée sur le traitement le plus élevé » ;

Considérant qu’il est constant que les demandeurs ne contestent pas le principe énoncé par l’article 9.4 prérelaté ni son application à leur escient ;

Considérant que l’article 29quater troisième alinéa de la même loi modifiée du 22 juin 1963 dispose que « dans le cas où la somme à rembourser dépasse cinq pour-cent du traitement mensuel du fonctionnaire, la décision de restitution ne peut être prise qu’après que l’intéressé aura été entendu soit verbalement, soit par écrit » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 1er alinéa 4 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 précité, pris en exécution de l’article 29quater de la loi modifiée du 22 juin 1963 également précité, le remboursement des rémunérations indûment touchées « se fait conformément à un échéancier établi par le créancier, après concertation avec le débiteur. Cet échéancier tient compte des échelonnements et plafonds arrêtés annuellement par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions » ;

Considérant que les textes légal et réglementaire sous analyse aménagent dans le chef du fonctionnaire, débiteur du remboursement concerné, une participation effective à la prise de la décision administrative, en ce sens que l’article 29quater de la loi modifiée du 22 juin 1963 confère à l’administré en question un droit d’être entendu, soit verbalement, soit par écrit, préalablement à la décision de restitution, de même que l’article 1er alinéa 4 du règlement grand-ducal d’exécution du 5 mars 2004 confère au débiteur un droit à la concertation avec le créancier devant aboutir à la fixation d’un échéancier tenant compte des échelonnements et plafonds arrêtés annuellement par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions ;

Considérant que c’est le caractère préalable à la prise de la décision qui caractérise intrinsèquement les éléments de la participation à la prise de décision prévus par les textes légal et réglementaire sous revue dans le chef de l’administré concerné, en ce qu’il a le droit d’être entendu avant que la décision ne soit arrêtée, de même que concertation entre créancier et débiteur est appelée à se dérouler en vue de l’établissement de l’échéancier afférent ;

Considérant que s’il est vrai que la décision déférée du directeur de l’administration du personnel de l’Etat indique in fine les coordonnées de l’agent responsable des services de l’APE à contacter en cas de « besoin de renseignements supplémentaires » et qu’un numéro de téléphone de contact est indiqué pour le cas de souhait d’un entretien personnalisé, il n’en reste pas moins que ces éléments de concertation s’inscrivent, d’après le libellé même de la décision en question, dans un contexte « post festum », étant donné qu’auparavant la même décision arrête les éléments décisionnels qui en sont l’objet sans que son destinataire n’ait été préalablement entendu, ni qu’une concertation n’ait déjà eu lieu entre lui et l’administration compétente ;

Qu’ainsi, la décision directoriale en question retient qu’« il sera procédé » à la récupération de l’allocation familiale à partir du 1er janvier 2003 et que parallèlement, les services de l’APE « procéderont » au paiement de l’allocation de famille à partir du 1er janvier 2003 .. à l’épouse … ;

Qu’il s’ensuit qu’en procédant de la sorte, la décision directoriale déférée encourt l’annulation pour violation à la fois des dispositions de l’article 29quater de la loi modifiée du 22 juin 1963 et de l’article 1er alinéa 4 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 précités pour ne pas avoir aménagé à l’administré concerné une participation préalable effective à la prise de la décision dont s’agit ;

Considérant que dans la mesure où la décision ministérielle déférée entérine la décision directoriale annulée, elle encourt à son tour l’annulation ;

Considérant que le recours étant fondé en son premier moyen, l’analyse des autres moyens proposés devient surabondante, (de même que le tribunal n’est pas appelé à pousser plus loin la question de la contradiction apparente entre les deux décisions déférées, en ce que d’après le directeur de l’APE la récupération de l’allocation de famille doit se faire à partir du 1er janvier 2003 et que d’après la décision ministérielle déférée la date butoir serait le 1er mai 2003) ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable en tant que dirigé contre la décision implicite de rejet de la réclamation ainsi désignée ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond le dit justifié ;

annule les décisions directoriale et ministérielle déférées et renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration du personnel de l’Etat en prosécution de cause ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18835
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18835 ?

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