La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18825

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18825


Tribunal administratif N° 18825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18825 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de M

onsieur …, …, demeurant à L-… , tendant à l’annulation et subsidiairement à la réforma...

Tribunal administratif N° 18825 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18825 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2004 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-… , tendant à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 8 septembre 2004 portant information du décompte des points de son permis de conduire lequel s'établit à zéro point et contre une décision du même ministre du 7 octobre 2004 ayant suspendu son droit de conduire un véhicule automoteur ou un cyclomoteur;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 février 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 1er mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH au nom et pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2005 ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 17 novembre 2004 ordonnant le sursis à l’exécution des décisions ministérielles des 8 septembre 2004 et 7 octobre 2004 précitées en attendant que le tribunal ait statué au fond dans le présent recours ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2005.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 8 septembre 2004, le ministre des Transports, ci-après « le ministre », informa Monsieur … de ce qu'en vertu d'un jugement du tribunal correctionnel de Diekirch du 15 juillet 2004, devenu irrévocable le 26 août 2004, l'ayant condamné à une peine correctionnelle pour avoir circulé en présentant des signes manifestes d'ivresse ainsi que pour 2 avoir refusé, le 30 juin 2003 à 0.17 heures à …, de se prêter à une prise de sang, et par application de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, qui dispose qu'en cas de concours idéal d'infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée et qu'en cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu'il s'agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu'il y a au moins un délit parmi les infractions retenues, 8 points avaient été retirés du capital dont était doté son permis de conduire.

Lui rappelant par ailleurs que pour s'être rendu coupable, le 30 juin 2003 à 21.30 heures, à …, de l'infraction de coups et blessures involontaires, cette infraction ayant fait l'objet d'une condamnation à une peine de police par le tribunal de police de Diekirch du 30 mars 2004, quatre points lui avaient déjà été précédemment retirés, le ministre l'informa que son capital de points était désormais de zéro point.

Le 7 octobre 2004, le ministre des Transports prit un arrêté de suspension du droit de Monsieur … de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur pendant douze mois.

Par requête déposée le 8 novembre 2004, inscrite sous le numéro 18825 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation, sinon en réformation contre les décisions ministérielles des 8 septembre et 7 octobre 2004, et par requête du même jour, inscrite sous le numéro 18824 du rôle, il a introduit une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution des décisions en question.

Par ordonnance du 17 novembre 2004 le président du tribunal administratif a déclaré la demande en sursis à exécution justifiée en fait et a partant ordonné le sursis à l’exécution des décisions ministérielles des 8 septembre et 7 octobre 2004 précitées en attendant que le tribunal ait statué au fond dans le présent recours.

A l’appui de son recours au fond Monsieur … fait valoir en premier lieu que non seulement les décisions ministérielles déférées méconnaîtraient le fait que les sanctions pénales lui imposées auraient été assorties du sursis intégral, mais encore qu’elles reposeraient sur une fausse application des dispositions relatives au concours réel d'infractions. Il fait expliquer que dans le cas d'espèce, les trois infractions lui reprochées se trouveraient manifestement en concours réel, de sorte que l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, précitée, prévoyant que le titulaire d'un permis de conduire ne peut perdre plus de 8 points en une seule fois en cas de concours réel d'infractions, devrait trouver application.

Le demandeur est encore d'avis que les décisions ministérielles critiquées violeraient les articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953.

Elles seraient contraires à l'article 6 en ce qu'en l'espèce, l'application de la législation sur le permis à points aurait donné lieu à une mesure disproportionnée par rapport au comportement qu'il y avait lieu de sanctionner. La perte de l'intégralité des points en une fois serait contraire aux intentions du législateur qui aurait avant tout voulu exclure toute hypothèse de perte du capital de points en une fois, un tel effet enlevant toute portée au but essentiellement pédagogique plutôt que répressif de la législation afférente.

3 L'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme consacrant d'une manière générale le principe de la légalité des peines et celui de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au désavantage de l'accusé, aurait à son tour été violé.

Le délégué du Gouvernement soulève à titre principal l’irrecevabilité du recours subsidiaire en réformation.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm.

4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 3 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal n’est en l’espèce pas compétent pour statuer en tant que juge du fond. Le recours en annulation, introduit en ordre principal est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

Il expose à ce sujet que le ministre, en présence de deux condamnations définitives distinctes, aurait appliqué la loi « selon laquelle toute condamnation judiciaire qui est devenue irrévocable entraîne une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire », réduction qui interviendrait de plein droit au moment où la décision serait devenue irréprochable.

Aux termes de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, précité, « (…) toute condamnation judiciaire qui est devenue irrévocable (…) entraîne une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. Cette réduction intervient de plein droit. En cas de concours idéal d'infractions, seule la réduction de points la plus élevée est appliquée. En cas de concours réel, la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points, lorsqu'il s'agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu'il y a au moins un délit parmi les infractions retenues. La réduction de points suite à une décision judiciaire a lieu au moment où cette décision devient irrévocable (…) ».

Il s’ensuit qu'en cas de concours réel d'infractions la réduction de points se cumule dans la limite de 6 points lorsqu'il s'agit exclusivement de contraventions, et dans la limite de 8 points, lorsqu'il y a au moins un délit parmi les infractions retenues.

Il y a concours matériel ou réel d’infractions quand un individu a commis plusieurs infractions qui toutes sont encore à punir, c’est-à-dire lorsque, une première infraction n’étant pas encore définitivement jugée, le même individu en commet une ou plusieurs autres ; il est à ce sujet indifférent que les infractions soient liées entre elles par des circonstances de temps, de lieu ou de cause, ou qu’elles soient totalement indépendantes les unes des autres. En d’autres termes, il n’est pas requis qu’il s’agisse de délits connexes (Goedseels J., Commentaire du Code pénal belge, T.I, 1948, p.119, nos 484 et 486).

En l'espèce, il ressort des pièces versées que les décisions ministérielles déférées reposent sur deux condamnations pénales distinctes, à savoir sur un jugement du 30 mars 4 2004 du tribunal de police de et à Diekirch relatif à des infractions commises à … le 30 juin 2003 à 21 heures 30 – en l’occurrence des coups et blessures involontaires, ainsi que sur un jugement du tribunal correctionnel de et à Diekirch du 15 juillet 2004, relatif à des infractions perpétrées le 30 juin 2003, à savoir le fait d’avoir circulé en présentant des signes manifestes d’ivresse ainsi qu’un refus de se prêter à l’examen sommaire de l’haleine expirée.

Il en résulte que l'infraction de coups et blessures par imprudence, commise le 30 juin 2003 vers 21.30 heures, d'une part, et celles de conduire en présentant des signes manifestes d'ivresse et de s'être refusé à une prise de sang, le 30 juin 2003, d'autre part, se trouvent en concours réel, étant donné que chacune de ces infractions a été commise par le demandeur à un moment où il n'avait pas encore été condamné pour l'autre.

Or, au vu de la disposition précitée de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, la perte de points ne saurait excéder 8 points en cas de concours réel, de sorte que les décisions ministérielles des 8 septembre 2004 et 7 octobre 2004 qui ont respectivement constaté une perte de 12 points pour ces infractions se trouvant en concours réel et en ont tiré la conclusion que le droit du demandeur de conduire un véhicule était suspendu, sont à annuler.

Le demandeur réclame en outre dans son mémoire en réplique l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.750.- €, en faisant plaider qu’en raison de l’interprétation erronée de l’administration il aurait été contraint de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat à la Cour.

Le délégué du Gouvernement s’oppose à cette demande, qu’il qualifie de demande nouvelle partant irrecevable, et estime à titre subsidiaire qu’elle serait non fondée.

Une demande en allocation d'une indemnité de procédure, qui s’analyse en tant qu’accessoire s’attachant aux prétentions originaires du demandeur, ne constitue une demande nouvelle ni par sa cause, ni par son objet et peut dès lors être formulée en cours de procédure.

En revanche, le tribunal retient qu’au vu de la technicité de la question soumise à son analyse et de l’absence complète de décisions juridictionnelles antérieures en la matière susceptibles de guider l’administration dans l’interprétation des dispositions légales litigieuses, par ailleurs fort récentes, les conditions d’application et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à charge du demandeur n’ont pas été rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce, le fait que l’administration se soit rendue coupable d’une erreur d’interprétation n’étant en tout état de cause pas suffisant pour fonder la condition d’iniquité exigée par l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives Il s’ensuit que la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

5 reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions ministérielles déférées et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports en prosécution de cause ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18825
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18825 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award