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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18336

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18336


Tribunal administratif N° 18336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juillet 2004 par Maître Mathias PONCIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Madame …, ouvrière, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon ...

Tribunal administratif N° 18336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2004 Audience publique du 23 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juillet 2004 par Maître Mathias PONCIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, ouvrière, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 28 novembre 2003, dans la mesure où cette décision tend à la récupération de prestations de chômage complet indûment touchées d’un montant global net de EUR 6.610,23 moyennant déductions sur les allocations de chômage mensuelles ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Sébastien COÏ, en remplacement de Maître Mathias PONCIN, en sa plaidoirie.

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Le 10 septembre 2003, Madame … s’inscrivit comme demandeur d’emploi et introduisit le 18 septembre 2003 une demande en obtention d’indemnités de chômage complet auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après désignée par l’« ADEM ».

Par décision du 28 novembre 2003, le directeur de l’ADEM fit droit à la demande d’indemnisation avec effet au 10 septembre 2003 et précisa que le montant mensuel brut de l’indemnité accordée s’élève à EUR 752,73.

Par le même courrier, le directeur de l’ADEM informa Madame … encore de ce qui suit :

« Je me permets par la même occasion de revenir sur le courrier recommandé que mes services vous ont adressé en date du 2 avril 1999 vous informant que vous aviez indûment perçu les prestations de chômage complet pendant la période du 5 juin 1998 au 3 décembre 1998 du fait que vous étiez à considérer comme travailleur indépendant à partir du 5 juin 1998. Je tiens à vous signaler que mes services procèderont à la récupération des indemnités indûment touchées d’un montant global net de 6.610, 23 € moyennant déductions sur vos allocations de chômage mensuelles.

Par ailleurs, je dois encore attirer votre attention sur le fait que votre permis de travail A no. 012051 viendra à terme le 31 juillet 2004. A partir de cette date, vous ne pourrez plus être considérée comme étant disponible pour le marché du travail luxembourgeois, de sorte que les dispositions de l’article 13 sous e) de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi, 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet, ne me permettent pas de maintenir votre droit aux prestations de chômage complet au-delà du 31 juillet 2004 ».

Conformément à la feuille d’information intitulée « Voies de recours », annexée à la décision précitée du directeur de l’ADEM du 28 novembre 2003, Madame … introduisit par lettre recommandée de son mandataire du 29 décembre 2003 auprès de la Commission spéciale de réexamen une demande en réexamen de son dossier, dans laquelle elle marqua son accord avec le principe de l’attribution de l’indemnité de chômage, tout en signalant qu’elle n’en retirerait aucun « avantage monnayable » en raison de la compensation opérée par l’ADEM entre cette créance et une prétendue dette née dans son chef du fait qu’elle aurait reçu précédemment indûment des indemnités de chômage, ce qu’elle contesta estimant qu’elle ne serait pas à considérer comme travailleur indépendant.

Dans sa session du 29 avril 2004, la Commission spéciale de réexamen rejeta comme non fondée la demande de réexamen, dans la mesure où celle-ci était dirigée contre la décision du directeur de l’ADEM du 2 avril 1999, en ce qu’elle retenait que Madame … avait indûment perçu des indemnités de chômage complet pendant la période du 5 juin 1998 au 3 décembre 1998 du fait qu’elle était à considérer comme travailleur indépendant, se déclara incompétente pour décider sur la légalité de la compensation annoncée dans la décision du 28 novembre 2003 et pria Madame … à « dresser un recours dans les meilleurs délais, sous réserve du respect des modalités légales respectives auprès du Tribunal Administratif ».

Par requête déposée le 6 juillet 2004, Madame … a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du directeur de l’ADEM du 28 novembre 2003, « pour autant qu’est concernée la récupération des indemnités de chômage indûment touchées » par elle.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu’elle aurait introduit auprès du Conseil arbitral des assurances sociales un recours contre la décision de rejet de la Commission spéciale de réexamen, estimant qu’elle n’aurait pas indûment perçu des indemnités de chômage en 1998. Elle soutient que la décision déférée violerait la loi modifiée du 11 novembre 1970 sur les cessions et saisies des rémunérations de travail ainsi que des pensions et rentes, au motif qu’il ne serait pas possible de saisir l’intégralité des indemnités de chômage, constituant un « substitut de salaire », dans le but de recouvrer une créance qui ne serait ni certaine ni liquide ni exigible. Elle fait ensuite valoir qu’elle n’aurait pas fait de déclarations fausses ou erronées, de sorte que l’ADEM aurait violé l’article 48 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi ; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet en vertu duquel les indemnités de chômage indûment payées sur base de pareilles déclarations devraient être restituées.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Le tribunal doit examiner en premier lieu sa compétence par rapport à la décision déférée, dont la demanderesse demande l’annulation, sinon la réformation.

Sur question afférente du tribunal posée à l’audience fixée pour les plaidoiries, le mandataire du demandeur a soutenu que le tribunal administratif serait compétent pour connaître du recours sous analyse.

En vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95 bis, (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge.

En l'espèce, la contestation porte sur la compensation opérée par l’ADEM moyennant déductions sur les indemnités de chômage mensuelles entre sa créance envers la demanderesse d’un montant de EUR 6.610,23 à titre d’indemnités de chômage indûment perçues durant la période du 5 juin 1998 au 3 décembre 1998, et la créance de la demanderesse envers l’ADEM, représentée par les indemnités de chômage attribuées en vertu de la décision précitée du 28 novembre 2003.

Une telle compensation s'analyse en une mesure d’exécution de la décision du directeur de l’ADEM du 2 avril 1999 concernant le remboursement des indemnités de chômage indûment perçues par la demanderesse. Or, un tel litige, ayant trait à la légalité d’une compensation, a comme objet des droits civils qui sont de la compétence des juridictions judiciaires.

Dans la mesure où il s'agit de connaître du litige relatif à la légalité de la compensation opérée, le tribunal administratif est incompétent au regard des dispositions des articles 84 et 95 bis, (1) de la Constitution.

S’il est vrai que la demanderesse a succombé dans sa demande, il n’en reste pas moins qu’elle a saisi le tribunal administratif à la suite de l’indication erronée sur les voies de recours faite en ce sens par la Commission spéciale de réexamen, de sorte que les frais de l’instance sont à supporter par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 23 mars 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18336
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18336 ?

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