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23/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18243

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mars 2005, 18243


Tribunal administratif N° 18243 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2004 Audience publique du 23 mars 2005

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Recours introduit par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision de la ministre des Travaux publics en présence de la société de droit allemand … GmbH & Co, … (D) en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18243 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2004 par Maître J

ean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la soci...

Tribunal administratif N° 18243 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2004 Audience publique du 23 mars 2005

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Recours introduit par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision de la ministre des Travaux publics en présence de la société de droit allemand … GmbH & Co, … (D) en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18243 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2004 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au RCS de Diekirch sous le numéro B …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision « rendue par l’ADMINISTRATION DES BATIMENTS PUBLICS, établie à L-2011 Luxembourg, 10, rue du St. Esprit, représentée par qui de droit, prise en date du 19 mars 2004, dans le cadre d’une soumission publique du 27 novembre 2003 relative aux travaux de menuiserie intérieure à exécuter dans l’intérêt du Lycée classique de Diekirch pour la transformation du Lycée/Internat, annonçant la non-prise en considération de l’offre de la menuiserie … due à une prétendue violation de l’article 57 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics » ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 24 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 8 novembre 2004 portant signification de ce recours à la société de droit allemand … GmbH & Co, établie et ayant son siège social à D-87700 Memmingen, Schliessstattstrasse, 16, « représentée par son gérant actuellement en fonction, sinon par qui de droit » ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 23 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif pour le compte de la partie demanderesse ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Christian HANSEN, en remplacement de Maître Jean-Paul WILTZIUS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Agissant dans le cadre de la mise en adjudication publique concernant la fourniture et pose de menuiserie intérieure en bois à exécuter dans l’intérêt du Lycée classique à Diekirch – Transformation Lycée/Internat, le directeur des Bâtiments publics s’adressa, par lettre du 19 mars 2004, à la « Menuiserie … » pour l’informer de ce qui suit :

« Conformément au règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, j’ai regret de porter à votre connaissance que votre offre n’a pas pu être prise en considération, étant donné que vous n’avez pas rempli la position 1.6.60 du bordereau de soumission, en conséquence de quoi votre offre n’est pas conforme à la disposition de l’article 57.

En vertu de l’article 90 (3) du règlement grand-ducal précité, il vous est loisible d’introduire un recours à l’adresse indiquée ci-dessous dans un délai de 15 jours à compter à partir de la présente notification.

Passé ce délai, il vous restera toujours possible d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la présente. (…) ».

Par arrêté du 23 mars 2004, la ministre des Travaux publics, sur proposition du directeur des Bâtiments publics du 19 février 2004, adjugea le marché à la société de droit allemand … GmbH & Co.

Agissant à l’encontre de la décision matérialisée par le courrier du directeur des Bâtiments publics du 19 mars 2004, la société à responsabilité …, ci-après dénommée la « société … », a fait introduire en date du 17 juin 2004 un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision d’écartement de son offre.

Elle soutient que le bordereau de soumission, à la page 26, sub. position 1.6.20, ferait référence à une position 1.6.60, mais qu’une position 1.6.60 n’apparaîtrait nulle part dans le bordereau, la page 28 s’arrêtant à une position 1.6.50, la page 29 commençant avec une position 1.7., de sorte qu elle aurait été dans l’impossibilité de remplir cette position.

Ainsi, elle soutient qu’il faudrait retenir l’existence d’un bordereau « défectueux » émanant de l’administration et « que l’on ne saurait raisonnablement affirmer que suite au défaut de cette mention, l’offre de la requérante en serait affectée ipso facto au point d’être en violation avec la loi ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rétorque que s’il est vrai que le pouvoir adjudicateur a indiqué comme motif de rejet de l’offre de la société … que cette dernière n’aurait pas rempli la position 1.6.60 du bordereau de soumission et que cette position n’existe effectivement pas, il s’agirait d’une erreur matérielle, étant relevé qu’il se dégagerait « de l’extrait du bordereau versé en cause par la requérante, [que] ce fut en réalité la position 1.6.20 qui n’a pas été remplie ».

Or, une simple erreur matérielle commise par l’administration ne saurait impliquer l’annulation de la décision du 19 mars 2004, « alors que d’après une jurisprudence constante les décisions administratives fondées sur des motifs erronés ne sont pas sujettes à annulation si elles peuvent se justifier par d’autres motifs, mêmes non invoqués dans la décision qui fait l’objet du recours ».

Sur ce, le délégué soutient que l’article 57 du règlement grand-ducal portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10 de la loi communale du 13 décembre 1998 exigerait que toutes les positions du bordereau de soumission doivent obligatoirement être remplies, de sorte que la décision de rejet de l’offre de la société … serait « pleinement valable » en ce qu’elle est basée sur le fait que la société … a omis de remplir la position 1.6.20 du bordereau de soumission du 27 novembre 2003.

Par ailleurs, le moyen de la demanderesse consistant à soutenir qu’elle aurait été dans l’impossibilité de remplir la position 1.6.20 du bordereau de soumission, qui renvoie à une position 1.6.60 qui n’existe pas, serait à rejeter au motif que le bordereau de soumission renseigne certes, « suite à une faute de frappe, erronément à la position 1.6.20 : « Wie Pos. 1.6.60 nur ohne Frontverkleidung » alors que normalement cette position devait se lire : « Wie Pos. 1.6.10 nur ohne Frontverkleidung ».

Selon le délégué du gouvernement, les deux positions du bordereau 1.6.10 et 1.6.20 concernent la commande de tables de bureau dont les unes sont commandées avec couverture et les autres sans couverture (« ohne Frontverkleidung ») et l’on ne saurait raisonnablement reprocher cette erreur de frappe à l’administration des Bâtiments publics pour en tirer un moyen d’annulation de la décision du 19 mars 2004, « alors que tous les autres soumissionnaires se sont de suite rendus compte de ce qu’il ne pouvait s’agir que d’une simple faute de frappe et qu’en réalité il fallait s’en tenir aux informations contenues dans la position 1.6.10. En effet, sans que la moindre demande d’explication se soit parvenue à l’Administrations des Bâtiments Publics, dans toutes les offres la position 1.6.20 fut régulièrement remplie par les soumissionnaires ».

Enfin, la société … aurait manqué à l’obligation générale de tous les soumissionnaires qui constatent dans le dossier de soumission des ambiguïtés, erreurs ou omissions de les signaler au pouvoir adjudicateur au moins 15 jours avant l’ouverture de la soumission et qu’elle serait désormais forclose de se prévaloir d’un éventuel manque de précision.

Dans sa réplique, la société … relève que le gouvernement serait beaucoup plus indulgent avec ses propres « fautes de frappes » et erreurs qu’avec les siennes, le premières étant excusables, les secondent impardonnables et valant rejet de son offre, pour conclure que « l’Administration, à laquelle son erreur aurait été excusée, ne devrait pas non plus tirer d’une erreur commise par son administré – sur base d’une erreur (excusable, selon l’Administration) commise par l’Administration même -, un moyen pour écarter un soumissionnaire d’une soumission à laquelle ce soumissionnaire a valablement et régulièrement participé ».

Encore que la demanderesse entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation, recours de droit commun dans le contentieux administratif, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 57 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 « toutes les positions du bordereau doivent être remplies, elles ne peuvent être barrées, ni contenir le terme « néant », ni le chiffre zéro (0,-), à moins que le cahier spécial des charges n’en dispose autrement et sans préjudice des dispositions des articles 25 à 29 concernant les variantes et les solutions techniques alternatives ».

Force est de prime abord de constater qu’il est constant en cause que la société … n’a pas rempli une position du bordereau de soumission, en l’occurrence la position 1.6.20, libellée comme suit : « Leistungsbeschreibung : wie Pos.1.6.60 nur ohne Frontverkleidung ; Menge 2,000 Stk ».

Il convient encore de relever que la susdite position 1.6.20 fait partie du point 1.6 du bordereau de soumission qui a trait aux armoires et est intitulé « Tische », étant précisé que la position 1.6.10 traite du « Schreibtisch Hausmeister », dont une unité est demandée, la position 1.6.30 étant relative à deux unités de « Ausgabetheke Bibliothek », la position 1.6.40 visant 14 unités de « Lesetisch Bibliothek », et enfin, la position 1.6.50 concernant une unité de « Esstisch ».

L’article 21 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 dispose que « le soumissionnaire qui constaterait dans le dossier de soumissions des ambiguïtés, erreurs ou omissions, est tenu sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins sept jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long ».

En l’espèce, le non-respect de l’article 57 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 étant patent, la demanderesse a tort de soutenir qu’on ne pourrait pas lui faire de reproche afférent au motif qu’elle aurait été induite en erreur à travers la référence à une position inexistante dans le bordereau de soumission, étant donné que l’article 21 précité du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 exige que tout soumissionnaire qui constate des ambiguïtés, erreurs ou omissions dans un dossier de soumission à laquelle il est intéressé « est tenu sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins sept jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long », cette disposition impliquant l’association active de tous les soumissionnaires à l’établissement d’un dossier clair et exact garantissant une saine mise en concurrence, moyennant le droit et l’obligation des intéressés, tous des professionnels avertis, de contrôler et de vérifier soigneusement la documentation remise par le commettant et de signaler toute ambiguïté, erreur ou omission risquant d’empêcher la comparabilité des offres.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation basée sur les faits évidents que le commettant a lui-même versé dans l’imprécision en ce qui concerne le libellé du bordereau de soumission et qu’il s’est lui même laissé induire en erreur dans le cadre de la lettre d’information du 19 mars 2004, ces circonstances, aussi regrettables voire déplorables soient elles, ne sauraient pour autant pas justifier ou excuser qu’un soumissionnaire ignore tout simplement une position d’un bordereau. En effet, non seulement doit-on relever qu’en tant que spécialiste et personne de métier, la demanderesse, aurait pu et dû - comme d’ailleurs tous les autres participants à la soumission l’ont fait – replacer et lire la position 1.6.20 dans le cadre du point 1.6. ci-

avant décrit, c’est-à-dire la considérer comme la suite logique du point 1.6.10 et partant corriger l’erreur/imprécision de son libellé, mais en tout état de cause, elle est impardonnable en ce qu’en tant que professionnel averti, elle n’a pas questionné le commettant pour dissiper ses incertitudes ou clarifier une imprécision ou erreur.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé et la demanderesse doit partant en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 23 mars 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18243
Date de la décision : 23/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-23;18243 ?

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