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17/03/2005 | LUXEMBOURG | N°19057C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2005, 19057C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19057 C Inscrit le 22 décembre 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 MARS 2005 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 22 novembre 2004, no 18202 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 déce...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19057 C Inscrit le 22 décembre 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 MARS 2005 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 22 novembre 2004, no 18202 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2004 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à …(Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 22 novembre 2004, à la requête de l’actuel appelant contre deux décisions du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 2005 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport ainsi que et le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en ses observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, …, né le … à … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, a demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 décembre 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 mai 2004 suite à un recours gracieux du demandeur.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 22 novembre 2004, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Frank Wies, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 22 décembre 2004.

L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause, alors que ce serait à tort qu’ils l’ont débouté de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique en motivant leur décision par le fait qu'il ne ressortirait « d'aucun élément du dossier que le restaurant du demandeur ait effectivement été attaqué à la bombe, fait que le demandeur aurait normalement dû réussir à prouver, documents à l'appui, d'autant qu'il prétend que sa mère aurait été policière et que lui-même aurait bénéficié d'une protection policière. » En statuant de la sorte, les premiers juges n'auraient absolument pas tenu compte du contexte dans lequel l'appelant a dû fuir son pays d'origine ainsi que de sa situation personnelle.

L’appelant souligne qu’il s'est enfui à peine 9 jours après l'attaque à la bombe dont il fut victime et 7 jours après que son appartement fut cambriolé, cambriolage au cours duquel un grand nombre de documents concernant les activités de sa mère, furent dérobés.

L'appelant aurait dû quitter en grande hâte son pays d'origine et laisser tout derrière lui, y compris les documents qu'il aurait pu présenter à l'appui de sa demande et qui ont depuis lors disparu.

En décidant que l'appelant aurait « normalement » dû réussir à prouver les faits qu'il invoquait à l'appui de sa demande, les premiers juges auraient éludé une situation de fait bien particulière à l'appelant dans laquelle il se trouvait ainsi que l'impossibilité de rapporter la preuve des faits qu'il avançait.

Par ailleurs, il serait de jurisprudence constante qu'à défaut de pièces, le demandeur doit au moins présenter un récit crédible et cohérent (Bulletin de jurisprudence administrative 2004, p.202, no 44), obligation dont le demandeur se serait acquitté au cours de son audition.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 13 janvier 2005 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur 2 d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le juge administratif ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié.

Comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, la crédibilité du demandeur et la véracité de son récit sont sérieusement ébranlées par les incohérences relevées par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse du 21 septembre 2004, notamment en raison du fait que le bureau du Grand-Duché de Luxembourg à Pristina, dans un courrier du 30 mars 2004, atteste qu’une recherche effectuée auprès du quartier général de la police à Pristina a uniquement permis de retrouver une policière du nom de …, qui a cependant affirmé ne pas avoir de lien de parenté avec la famille ….

A la lumière de cet état des choses, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition le 5 décembre 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, ont à juste titre amené le tribunal administratif à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les déclarations de l’actuel appelant restent à l’état de simples allégations non confortées par un quelconque élément de preuve tangible. Ainsi, il ne ressort notamment d’aucun élément du dossier administratif que le restaurant du demandeur ait effectivement été attaqué à la bombe, fait que le demandeur aurait normalement dû réussir à prouver, documents à l’appui, d’autant plus qu’il prétend que sa mère aurait été policière et que lui-même aurait bénéficié d’une protection policière.

Pour le surplus, même à admettre que … connaîtrait des problèmes avec des adhérents de l’AKSh, ces derniers ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, leurs actes s’insérant essentiellement dans un cadre de criminalité de droit commun, et le demandeur n’établit pas à suffisance de droit que les autorités chargées d’assurer la sécurité publique ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux Albanais du Kosovo, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Il suit de ce qui précède que l’appelant n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef de sorte que le jugement du 22 novembre 2004 est à confirmer.

3 La procédure étant écrite, l’arrêt est rendu à l’égard de toutes les parties en cause, malgré l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience publique fixée pour plaidoiries.

Par ces motifs la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 22 décembre 2004, le déclare cependant non fondé confirme le jugement du 22 novembre 2004 dans toute sa teneur, condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19057C
Date de la décision : 17/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-17;19057c ?

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