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17/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18817

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2005, 18817


Tribunal administratif N° 18817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2004 Audience publique du 17 mars 2005

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Recours formé par les époux … et …, et consort, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18817 du rôle et déposée au greffe du tribunal admi

nistratif le 5 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 18817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2004 Audience publique du 17 mars 2005

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Recours formé par les époux … et …, et consort, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18817 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Vitromirica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épouse Madame …, née le … à Ulcinj (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur …, née le … à Luxembourg, tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 28 juillet 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 30 septembre 2004, suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 27 décembre 2001, Monsieur … et son épouse, Madame …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 10 janvier 2002, les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le 28 juillet 2004, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains les rapports d’audition de l’agent du Ministère de la Justice du 10 janvier 2002. Monsieur, vous présentez un passeport émis le 18 décembre 2001 par le Ministère des affaires intérieures Pec [sic] et une carte d’identité UNMIK émise le 8 juin 2001. Madame, vous présentez un passeport émis le 21 juillet 2000 par le Ministère des affaires intérieures Ulcinj [sic], Monténégro.

Il résulte des informations en nos mains que vous avez présenté une première demande d’asile le 10 mai 1999 et que vous êtes retournés volontairement au Kosovo le 5 octobre 1999. Le 27 décembre 2001 vous avez déposé une nouvelle demande en obtention du statut de réfugié politique et le 10 janvier 2002 vous avez tous les deux été entendus par un agent du Ministère de la Justice concernant les motifs de votre deuxième demande.

Monsieur, il résulte de vos déclarations qu’en octobre 1999 vous seriez retourné à Vitromirica-Pec et que vous auriez remarqué que rien ne serait comme avant. Dès votre retour, vous n’auriez pas été réintégré comme instituteur dans l’école où vous auriez travaillé avant le conflit du Kosovo. Vous ajoutez que d’autres anciens collègues d’origine bosniaque ou serbe n’auraient également pas été réintégrés. En janvier 2000 vous auriez commencé à travailler dans une autre école à Vitromirica, mais vous y auriez été menacé et insulté par des collègues de travail ou employés albanais parce que vous seriez bochniaque. Vous auriez été accusé d’avoir collaboré avec les serbes. Pour démontrer ceci, une vidéo datant d’avant le conflit du Kosovo serait passée de maison en maison montrant tous les employés albanais, bochniaques et serbes de votre ancienne école. Les albanais auraient retenu le fait que vous auriez parlé avec des collègues de travail serbes, mais vous dites qu’à cette époque tout le monde aurait parlé avec les serbes.

Avant le conflit au Kosovo, vous auriez été locataire d’une boutique dans un centre commercial à Pec. A votre retour, votre femme aurait voulu reprendre son ancien travail, mais une ancienne employée albanaise se serait appropriée de cette boutique et aurait chassé, menacé et insulté votre femme. Elle aurait reproché le fait que vous seriez bochniaque. Vous vous seriez plaint auprès du concessionnaire, responsable du complexe commercial pour qui il serait pourtant impensable qu’un bochniaque gère encore une fois cette boutique.

Des albanais auraient troublé la tranquillité de votre mère. On aurait volé à plusieurs reprises la clôture de votre maison et on aurait cambriolé le garage. Vous auriez rapporté vos problèmes aux forces internationales qui auraient fait des patrouilles. En août 2000 des policiers albanais auraient perquisitionné votre maison à la recherche d’armes après qu’une personne vous aurait dénoncé. Vous dites ne jamais avoir été en possession d’armes. Les policiers vous auraient menotté et fait coucher par terre pendant deux heures. Les policiers, certes ivres, auraient crié sur votre femme. Votre voisin bochniaque aurait subi le même sort.

Vous auriez quitté le Kosovo après que la situation serait devenue insupportable. De nombreux bochniaques auraient été agressés et même tués. Vous n’oseriez plus parler votre langue maternelle mais seulement l’albanais. Les albanais voudraient chasser les bochniaques du Kosovo.

Madame, vous confirmez les déclarations de votre mari. Vous ajoutez être la fille d’un couple mixte albano-bochniaque. Après votre retour, vous auriez travaillé dans une organisation indépendante « Forum des femmes » s’occupant des intérêts de femmes bochniaques et albanaises. Vous auriez traduit pour des femmes bochniaques. Les albanais se seraient posés la question si vous seriez bochniaque ou albanaise. Après un an, vous auriez été licenciée sans jamais savoir pourquoi, mais vous pensez parce que vous auriez voulu rester neutre et ne pas choisir entre le « camp » albanais ou le « camp » bochniaque. Les albanais vous auraient menacé et insulté. Ils vous auraient dit qu’il y aurait pas de place pour les bochniaques. Vous auriez eu peur et vous n’auriez pas osé sortir de la maison. Il n’y aurait pas d’existence pour une minorité ethnique au Kosovo.

Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo, je souligne que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile, qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Madame, Monsieur, il ne résulte pas de vos allégations que vous risquiez ou risquez d’être persécutés dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève. Tous les faits que vous relatez sont certes condamnables, or force est de constater qu’ils auraient été perpétrés par des albanais, personnes privées qui ne sauraient être considérées comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951. Même si certains policiers albanais se seraient comportés de manière blâmable, il ne saurait être conclu que tel est le cas pour l’ensemble du corps policier au Kosovo. Une force armée internationale est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et il n’est pas établi que ces forces onusiennes seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection. Il faut également souligner que la police des Nations Unies au Kosovo a arrêté environ 270 personnes soupçonnées d’être impliquées dans les violences meurtrières de mars 2004 et qu’une enquête est en cours. Vos demandes traduisent l’expression d’un sentiment général d’insécurité. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il ne ressort également pas de votre dossier qu’il vous aurait été impossible de vous installer en Serbie ou au Monténégro, dont Madame est originaire et où vous avez de la famille pour ainsi profiter d’une possibilité de fuite interne. A cela s’ajoute que plusieurs membres de la famille de Monsieur, à savoir sa mère et quelques frères et sœurs seraient installés à Sarajevo.

Enfin, il faut souligner qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place. La situation des minorités ethniques du Kosovo s’est améliorée par rapport à l’année 1999. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. A cela s’ajoute qu’à la suite des élections parlementaires du 17 novembre 2001 les minorités nationales du Kosovo, à savoir les Roms, les Bosniaques, les Turcs et autres se sont vues attribuer quelques sièges leur assurant une représentation au sein du parlement du Kosovo. Ainsi une persécution systématique de minorités ethniques est actuellement à exclure.

En ce qui concerne la situation plus précise des bosniaques on constate une amélioration depuis décembre 2001. En effet, il ressort qu’actuellement ceux-ci ont, non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à l’enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu’une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute qu’il ressort du rapport de l’UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo qu’en règle générale les bosniaques ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. En ce qui concerne plus particulièrement les bosniaques de la région de Pec, dont Vitomirica inclus, ledit rapport souligne que les bochniaques n’y expriment pas d’inquiétude quant à leur sécurité physique et jouissent de la libre circulation. Selon les dires de certains leaders l’usage de la langue bosniaque serait considéré comme normale et cette langue serait utilisée dans certaines écoles primaires et secondaires. Les relations interethniques y sont stables. A cela s’ajoute que vous parlez tous les deux couramment albanais.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire des époux …-… suivant courrier du 2 septembre 2004 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 30 septembre 2004 la décision initiale de refus du ministre de la Justice du 28 juillet 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2004, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant mineur …, ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 28 juillet et 30 septembre 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les deux décisions ministérielles entreprises.

Le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs, déclarant appartenir à la minorité bochniaque, exposent qu’en 1999, ils se seraient une première fois réfugiés au Luxembourg, mais qu’ils seraient volontairement retournés dans leur pays d’origine où ils auraient tenté en vain durant deux années de se réintégrer, se heurtant à de graves difficultés, dont certaines auraient été de nature à mettre leur vie en danger. Ainsi, Monsieur … aurait fait l’objet de discriminations, de menaces et d’insultes en raison de ses origines bochniaques et de sa collaboration avec les Serbes. Ils ajoutent que lors d’une perquisition par la police albanaise suite à une « dénonciation calomnieuse » par des voisins albanais, ils auraient été maltraités et que finalement, suite à l’assassinat d’un de leurs voisins bochniaques par des Albanais, craignant d’être les prochaines victimes, ils auraient décidé de quitter le Kosovo. Ils soutiennent que les forces armées internationales présentes au Kosovo ne seraient pas en mesure de leur assurer une protection adéquate et efficace en relevant l’impuissance de celles-ci par rapport aux violences interethniques du mois de mars 2004. Enfin, ils contestent l’affirmation du ministre comme quoi la situation de la minorité bochniaque se serait améliorée, ainsi que l’existence d’une possibilité de fuite interne dans leur chef en se prévalant du rapport de l’UNHCR daté d’août 2004 sur la situation des minorités au Kosovo.

Le délégué du gouvernement estime que les deux ministres compétents ont fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives du 10 janvier 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit des demandeurs traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’ils n’aient fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Ainsi, les demandeurs font en substance état de leur crainte de voir des actes de persécution perpétrés à leur encontre par des membres de la population albanaise en raison de leur appartenance à la minorité bochniaque. Or, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Bochniaques, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des discriminations, menaces et insultes, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève.

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que suivant la version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de juin 2004 sur la situation des minorités au Kosovo, les Bochniaques n’étaient pas la cible directe des affrontements du mois de mars 2004. En effet, il est relaté dans la troisième partie du rapport précité intitulée « Situation of minority groups by region in light of the turmoil in March 2004 » que « Kosovo Serbs were the primary target of inter-

ethnic violence. … Finally, whereas Bosniaks and Gorani did not become a direct target of the violence, in some locations they felt sufficiently at risk that they opted for precautionary movements, or where evacuated by police, to safer places1» et encore « The few Bosniaks and Gorani who were displaced during the mid-March unrest have returned to their home communities. Returnees and remainees have resumed the same levels of freedoms they enjoyed prior to the events.2».

Enfin, dans un second rapport datant quant à lui d’août 2004, l’UNHCR souligne que « the security situation for Kosovo Bosniaks and Goranis has remained stable, with no serious incidents of violence reported » ainsi que « whereas the Bosniaks and Goranis were not directly targeted during the turmoil in March 2004, in some locations they felt insecure and opted for precautionary movements. Two families were evacuated by the police from the Bosniak Mahalla in Mitrovice/a North, while several others left on their own initiatives.

Living in a Serb neighbourhood in Fushe Kosova/Kosovo Polje and seeing their Serb neighbours being attacked, several Gorani families left their homes as a precautionary measure. No other attacks or self-imposed evacuations have been reported, although the two ethnic communities anxiously followed the unfolding developments. The events have inevitably left the communities with a heightened sense of insecurity and in a state of constant alert 3».

Les discriminations, insultes et menaces alléguées par les demandeurs, si elles constituent des pratiques certes condamnables, ne dénotent pas en l’espèce une gravité telle qu’elles établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans le chef des demandeurs au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine. En outre, il convient de relever que la plupart de ces actes et, notamment le fait pour Monsieur … de ne pas pouvoir retrouver son poste d’instituteur dans son ancienne école, respectivement pour Madame … de ne pas pouvoir récupérer le local commercial qu’elle louait avant son départ pour le Luxembourg, ainsi que la perquisition de la maison familiale par la police lors de la quelle ils auraient été malmenés, remontent à l’année 2000, époque du retour des demandeurs au Kosovo, et sont donc trop éloignés dans le temps pour constituer encore à l’heure actuelle un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

En ce qui concerne les faits que l’oncle et la tante de Monsieur … auraient été battus, et que leur voisin aurait été abattu devant sa maison, il convient de conclure que ces incidents, à les supposer vrais, ne sauraient suffire à eux seuls pour justifier un risque de persécution au 1. Update on the Kosovo Roma, Ashkaelia, Egyptian, Serb, Bosniak, Gorani and Albanian communities in a minority situation, UNHCR Kosovo, June 2004, p. 31 et 32.

2. op.cit., p. 46.

3. UNHCR Postion on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, August 2004, p.5.

sens de la Convention de Genève dans le chef des demandeurs, les faits n’étant pas personnels et le risque allégué partant indirect, mais encore et surtout parce que les auteurs ne peuvent pas être considérés comme des agents de persécution au sens de ladite Convention et les demandeurs restant en défaut d’établir à suffisance de droit avoir recherché la protection des autorités de leur pays d’origine ainsi qu’un refus ou une impossibilité de pouvoir obtenir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel et qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, il se dégage des déclarations des demandeurs telles que relatées dans les comptes-rendus d’audition que leurs plaintes en relation avec les vols ne sont pas restées sans suite, puisque la KFOR prenait régulièrement de leurs nouvelles et que l’assassin présumé de leur voisin a été arrêté. Pour le surplus, la référence générale au rapport de l’UNHCR du 1er avril 2004 est insuffisante pour faire admettre que les autorités internationales actuellement en place au Kosovo ne sont pas en mesure de leur assurer une protection efficace.

Il suit de ce qui précède qu’indépendamment de toutes considérations relativement à une possibilité de fuite interne, les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 mars 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18817
Date de la décision : 17/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-17;18817 ?

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