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16/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18977

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mars 2005, 18977


Tribunal administratif Numéro 18977 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18977 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2004 par Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour, assisté de Maître Anne-Sophie GREDEN, avocat, inscrits tous les deux au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Madame …, née le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), accompagnée de ses...

Tribunal administratif Numéro 18977 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18977 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2004 par Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour, assisté de Maître Anne-Sophie GREDEN, avocat, inscrits tous les deux au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), accompagnée de ses deux enfants mineurs… , de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement tous ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 novembre 2004 confirmant la décision antérieure prise par le même ministre en date du 6 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne-Sophie GREDEN et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005.

Le 6 mai 2004, Madame …, accompagnée de ses deux enfants mineurs … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 24 mai 2004, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 6 septembre 2004, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 13 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Madame … de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n’invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de son opinion politique, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social.

Par courrier de son mandataire du 8 octobre 2004, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 8 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure.

Le 10 décembre 2004, Madame … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus datée du 8 novembre 2004 confirmant celle prise en date du 6 septembre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Madame … fait valoir qu’elle est veuve, que son mari aurait été assassiné lors de son travail dans un champ en raison de ses opinions politiques, que son père aurait été militant actif du parti serbe de l’époque, qu’il aurait également été assassiné le 1er jour de la guerre, le 14 août 1998 en raison de ses opinions politiques par l’armée albanaise et que dès lors elle se serait retrouvée seule avec deux enfants mineurs à charge. Elle ajoute que la moitié de sa famille serait décédée au cours de la guerre et qu’à l’heure actuelle il n’y aurait plus de Serbes à Gnjilane, les seuls survivants aurait quitté la province étant donné que l’ensemble des maisons auraient été brûlées et qu’ils vivraient avec une peur continue des représailles des autres communautés. Elle relate encore que la voiture dans laquelle elle aurait pris place avec son enfant pour le transporter vers un médecin de l’autre côté de la frontière albanaise aurait été caillassée par les Albanais. Enfin, elle se réfère à l’instabilité générale au Kosovo et surtout aux événements ayant eu lieu en mars 2004, ainsi qu’à un rapport récent de Human Rights Watch et un article paru au Télécran daté du 9 décembre 2004 de Madame Agnès RAUSCH pour faire valoir qu’il lui serait impossible de retourner au Kosovo étant donné qu’elle ne pourrait y vivre convenablement avec ses deux enfants. Elle fait valoir que dans ces conditions il y aurait lieu de la considérer comme craignant avec raison de subir des persécutions au sens des stipulations de la Convention de Genève en cas de retour dans son pays d’origine.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Madame … ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par la demanderesse d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité serbe, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Serbes, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, la demanderesse risque de subir des persécutions. En plus comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

En l’espèce, force est de constater que la demanderesse n’a pas fait état de persécutions personnelles subies mais elle se réfère surtout à la situation générale d’insécurité dans son pays d’origine et notamment à sa situation personnelle difficile en tant que femme seule accompagnée de deux enfants mineurs dont un enfant est malade. Elle reste pour le surplus en défaut d’établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place, étant entendu que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. A ce titre, le seul fait que la KFOR ou l’UNMIK a réduit le nombre d’escortes à titre personnel ne saurait suffire pour caractériser le défaut de protection des autorités en place. Eu égard aux déclarations de la demanderesse et aux moyens apportés en cours d’instance, le tribunal arrive à la conclusion que les raisons ayant poussé la demanderesse à quitter son pays d’origine ont trait d’une manière générale aux tensions d’après-guerre au Kosovo et à l’extrême pauvreté des gens dans cette région et que partant sa situation individuelle ne se distingue pas fondamentalement de celle de leurs concitoyens globalement considérés, qui, même si c’est à des degrés variables, doivent tous faire face aux difficultés de cette situation.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier assumé.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18977
Date de la décision : 16/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-16;18977 ?

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