La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18960

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mars 2005, 18960


Tribunal administratif N° 18960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005

============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18960 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Laachach (Algérie), de nationalité algérienne, demeura...

Tribunal administratif N° 18960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005

============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18960 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Laachach (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 17 septembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 8 novembre 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Louis TINTI, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 24 février 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur… fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu le 20 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 17 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 25 février 2004 et le rapport d’audition de l’agent du Ministère de la Justice du 20 avril 2004.

Vous auriez quitté l’Algérie le 12 février 2004 en prenant place sur un bateau en partance pour Marseille. A l’arrivée du bateau, vous seriez allé à Paris, puis à Bruxelles et finalement à Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 24 février 2004.

Vous n’auriez pas fait votre service militaire. Vous auriez été convoqué en 1994. On vous aurait recherché en 1995 mais par la suite, vous auriez demandé à en être dispensé, étant le soutien de famille. Ceci vous ayant été accordé, vous n’auriez plus eu de problème à partir de 1996.

Vous exposez que vous auriez été convoqué par le chef de votre village à la police de Marnya. On vous aurait posé des questions sur l’un de vos amis, un nommé Abdullah. On vous aurait dit qu’il faisait partie d’un groupe islamique. On vous aurait demandé de continuer à le fréquenter mais en essayant d’obtenir des informations sur ce groupe. Vous auriez parlé de ce problème à une tierce personne, un certain Ahmed. Vous auriez pris peur car la police vous aurait harcelé pour avoir des renseignements et que, finalement, Ahmed aurait tout raconté à votre ami Abdullah. Comme vous ne vous sentiez plus en sécurité, vous auriez décidé de quitter le pays.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je relève que vous vous plaignez du harcèlement de la police, mais que vous dites n’avoir été interrogé qu’à deux reprises entre le mois d’octobre 2003 et le mois de février 2004, date de votre départ. Je relève aussi que Abdullah et les membres de son groupe étaient au courant de ce que la police vous avait demandé mais que vos relations n’ont pas été modifiées. Le fait que vous ne seriez plus en sécurité nulle part reste à l’état de pure allégation.

Votre récit prouve que vous éprouvez un sentiment d’insécurité plutôt qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. De plus, il ne ressort pas de votre dossier qu’il vous aurait été impossible de vous établir ailleurs, par exemple dans une grande ville, pour éviter ces problèmes.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son mandataire le 18 octobre 2004 et à une décision confirmative du refus initial prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 8 novembre 2004, Monsieur…, par requête déposée le 9 décembre 2004, a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions prévisées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 17 septembre et 8 novembre 2004.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir commis une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en refusant sa demande d’asile. Il expose avoir été contraint de quitter son pays d’origine, l’Algérie, parce que les autorités policières l’auraient incité à espionner un ami, censé faire partie d’un groupement islamiste, ce qu’il n’aurait pas été en mesure de faire, de sorte qu’il serait maintenant en droit de craindre que la police le soupçonne de retenir des informations et qu’elle « fabrique quelque chose pour qu’il aille en prison ».

Le représentant étatique soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Pour arriver à cette conclusion, le tribunal a notamment pris en considération le fait que la seule crainte exprimée à travers le recours contentieux - le demandeur n’y ayant plus repris le prétendu risque émanant de l’ami et des autres membres du groupement qu’il aurait été appelé d’espionner et qui ne saurait effectivement pas justifier une reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, les personnes visées n’étant pas à considérer comme des agents de persécution au sens de ladite Convention - a trait à un risque purement hypothétique émanant des policiers de sa ville d’origine qui lui reprocheraient le résultat infructueux de ses investigations. S’y ajoute que même en admettant que les policiers de sa ville lui chercheraient des problèmes, il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que le demandeur se trouve dans une situation lui rendant la vie intolérable dans son pays d’origine, étant donné qu’il pourrait se plaindre et rechercher la protection des autorités supérieures desdits policiers ou des autorités judiciaires, d’une part, ou chercher refuge dans un autre village ou ville d’Algérie, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité du demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm. 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 48 et autres références y citées), d’autre part.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 21 mars 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18960
Date de la décision : 16/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-16;18960 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award