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16/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18959

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mars 2005, 18959


Tribunal administratif N° 18959 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18959 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004 par Maître Sabine DELHAYE, avocat à la Cour, assistée de Maître Nathalie NIMESGERN, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Pakistan), et de son épouse, Mad...

Tribunal administratif N° 18959 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2004 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18959 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004 par Maître Sabine DELHAYE, avocat à la Cour, assistée de Maître Nathalie NIMESGERN, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Pakistan), et de son épouse, Madame …, née le … (Pakistan), et de leur enfant mineur… , tous de nationalité pakistanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 septembre 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative intervenue sur recours gracieux du même ministre du 10 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Yvette NGONO YAH, ayant repris le mandat de Maître Sabine DELHAYE, déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005.

Le 7 septembre 2004 Monsieur …, ainsi que son épouse Madame …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 21 septembre 2004.

Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 22 septembre 2004.

Par décision du 28 septembre 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 4 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n’invoqueraient aucune crainte de persécution en raison de leurs opinions politique, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier recommandé de leur mandataire du 20 octobre 2004, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 10 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure.

Le 9 décembre 2004, Monsieur et Madame …-… agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur …, ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation contre les deux décisions ministérielles visées ci-avant.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Les époux …-…, de nationalité pakistanaise et de religion musulmane, font valoir qu’ils auraient fréquenté de manière régulière des personnes de religion chrétienne et que Madame … entendrait militer pour la reconnaissance des droits de la femme. En plus, ils auraient passé outre les décisions de leurs familles respectives leur interdisant le mariage.

Ils font valoir que pour toutes ces raisons ils auraient dû fuir le Pakistan afin d’éviter toutes formes de représailles tant civiles que militaires. Ils critiquent les décisions pour méconnaissance des faits et violation de la loi dans la mesure où ni la commission consultative pour les réfugiés ni le ministre n’auraient fait une référence quelconque à la situation générale au Pakistan et plus particulièrement quant aux populations de confession musulmane qui auraient décidé de pratiquer une autre religion. Ils soulignent que le Pakistan est un Etat musulman et que pour les extrémistes l’apostasie consisterait non seulement dans le fait de changer radicalement de religion, mais également dans le fait de pratiquer respectivement de fréquenter les communautés chrétiennes.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef de l’existence d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir tenu compte de la situation générale au Pakistan. A ce sujet il y a lieu de rappeler que la reconnaissance du statut de réfugié est surtout conditionnée par la situation particulière du demandeur d’asile. En ce qui concerne le reproche d’avoir également fait abstraction de leur situation particulière, force est de constater que la décision précise : « Je constate que vous n’êtes ni l’un ni l’autre apostat, et que les personnes que vous craigniez le plus sont les membres de vos familles respectives. Or, ces personnes ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Le fait d’avoir passé un jour en garde-à-vue en 1994 et 2004 est insuffisant pour obtenir le statut de réfugié politique. » Le ministre a donc bien pris en considération la situation particulière des demandeurs en ce qu’il a estimé qu’elle ne saurait justifier l’octroi du statut de réfugié. A cet titre, c’est à bon droit que le ministre retient que les demandeurs n’ont aucunement établi qu’ils seraient à considérer comme apostats dans leur pays d’origine.

En ce qui concerne la crainte de leurs propres familles, c’est également à bon droit que le ministre a souligné que ces personnes ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou de d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18959
Date de la décision : 16/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-16;18959 ?

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