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16/03/2005 | LUXEMBOURG | N°17368a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mars 2005, 17368a


Numéro 17368a du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2003 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de transports

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 17368 du rôle, déposée le 24 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippine RICOTTA-WALAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, animatrice, née le …...

Numéro 17368a du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2003 Audience publique du 16 mars 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de transports

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 17368 du rôle, déposée le 24 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippine RICOTTA-WALAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, animatrice, née le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 30 septembre 2003 portant rejet de sa demande en obtention d’une carte de stationnement pour personnes handicapées;

Vu le jugement du tribunal administratif du 14 juin 2004;

Vu le rapport de l’expert Jacques PREYVAL déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2004;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2004;

Vu le courrier de Maître Fernando A. DIAS SOBRAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, agissant pour compte de Philippine RICOTTA-WALAS, empêchée, du 1er décembre 2004 adressé au docteur Jacques PREYVAL;

Vu le courrier du docteur Jacques PREYVAL du 6 décembre 2004 adressé à Maître Fernando A. DIAS SOBRAL;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004 par Maître Philippine RICOTTA-WALAS pour compte de Madame …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Fernando A. DIAS SOBRAL et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2005.

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Sa demande antérieure du 18 juin 2002 en vue de l’obtention d’une carte de stationnement pour personnes handicapées s’étant soldée, sur avis en ce sens de la part de la commission médicale auprès du ministère des Transports du 29 août 2002, par la délivrance d’une carte de stationnement pour personnes handicapées limitée à une durée de six mois, Madame …, préqualifiée, soumit le 24 février 2003 une demande de renouvellement de cette carte.

Suite à l’avis du médecin-directeur du Contrôle médical de la sécurité sociale du 24 février 2004 estimant que les conditions réglementaires pour l’octroi de la carte en question ne seraient pas réunies dans le chef de Madame … et « qu’il n’y a pas de fait nouveau par rapport à février 2003 », le ministre des Transports, ci-après désigné par le « ministre », rejeta cette demande de renouvellement par décision du 8 mai 2003 aux motifs suivants :

« En effet, le médecin-directeur du Contrôle Médical de la Sécurité sociale a constaté que vous ne remplissez pas les conditions prévues par le règlement grand-ducal du 31 janvier 2003, concernant l’attribution de la carte de stationnement pour personnes handicapées.

Il vous est pourtant loisible d’introduire une nouvelle demande en cas d’aggravation de votre état de santé actuel ».

Une nouvelle demande fut présentée par Madame … le 19 mai 2003 sur base d’un certificat du docteur G. H. du 16 mai 2003. Suite à un avis du même médecin-directeur du 23 mai 2003 estimant notamment « qu’il n’y a pas de fait nouveau majeur par rapport à février 2003 », le ministre la rejeta par décision du 4 juin 2003 aux motifs parallèles à ceux de la décision précitée du 8 mai 2003.

Madame … soumit le 3 juillet 2003 une itérative demande en obtention d’une carte de stationnement pour personnes handicapées, laquelle fut refusée par le ministre par courrier du 18 juillet 2003.

Une dernière demande introduite par courrier du docteur G. H. du 10 septembre 2003 fut pareillement écartée par décision ministérielle du 30 septembre 2003.

Par requête déposée le 24 décembre 2003, Madame … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la dernière décision ministérielle de rejet du 30 septembre 2003.

Suivant jugement du 14 juin 2004, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, a reçu le recours principal en annulation en la forme et, quant au fond, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties étant réservés, a nommé expert le docteur Jacques PREYVAL avec la mission de vérifier, dans un rapport écrit et motivé, si Madame … soit est incapable de faire seule et/ou de façon continue plus de 100 m en marchant, soit a besoin de béquilles ou d’une chaise roulante pour se déplacer.

Dans son rapport déposé le 26 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif, le docteur PREYVAL tire, suite à l’examen par lui accompli, les conclusions suivantes quant à la mission lui confiée :

« Madame … a donc présenté une coxarthrose qui a été opérée une première fois en l’an 2000 et une deuxième fois en 2002.

Cette dernière opération a été fort satisfaisante et deux ans après le montage est toujours bien en place.

La cinétique passive est relativement bonne couchée mais, active, entraîne selon l’intéressée, des phénomènes douloureux et une fatigabilité rapide.

Elle peut, néanmoins, vaquer à ses occupations sans canne à son domicile et à son travail.

Elle déclare ne pas pouvoir dépasser 200 mètres à pied sans commencer à avoir des douleurs de son membre inférieur gauche.

Mais son articulation est stable, sans phénomènes inflammatoires actuels, malgré son embonpoint.

Les troubles observés depuis un certain temps au niveau de son rachis lombaire n’ont pas entraîné d’intervention et ne se traduisent pas par de grande manifestation clinique.

Pour répondre aux questions posées par le tribunal :

- Madame … est capable de faire seule de façon continue plus de 100 mètres en marchant. Elle reconnaît elle-même qu’elle peut en faire 200 mètres.

- Elle est venue seule au volant de sa voiture qu’elle avait garée à bonne distance de mon cabinet et en la voyant repartir j’ai eu la confirmation qu’elle dépassait largement les 100 mètres sans difficulté.

- Cette personne ne se déplace pas à l’aide de béquilles ou de chaise roulante ».

Le délégué du gouvernement fait valoir dans son mémoire complémentaire que les conclusions de l’expert commis confirmeraient le bien-fondé de la décision ministérielle de refus de la carte de stationnement et que le recours laisserait dès lors d’être fondé.

En date du 1er décembre 2004, le mandataire de la demanderesse a adressé au docteur PREYVAL un courrier à travers lequel il lui communiqua la position de la demanderesse selon laquelle « nombreuses de vos observations ne la concernent nullement de sorte qu’elle m’a fait savoir que vous avez probablement fait confusion avec une autre patiente ». Ledit courrier affirma ainsi notamment que la demanderesse ne se serait pas déplacée en voiture au moment de se présenter le 5 juillet 2004 devant l’expert en vue de l’examen, mais aurait utilisé les transports en commun, qu’elle « marche toujours avec l’aide de béquilles et s’en servait le 5 juillet 2004 », qu’elle n’aurait fait au départ du cabinet du docteur PREYVAL qu’une cinquantaine de pas et aurait dû se reposer un peu avant de marcher les 43 pas restants vers l’arrêt de bus et finalement qu’elle n’aurait pu commencer à souffrir de la hanche gauche en 1999 « à la suite d’une chute dans un escalier au Portugal », vu qu’elle ne se rendrait plus au Portugal depuis 1996.

Le docteur PREYVAL a réagi par une lettre du 6 décembre 2004 conçue comme suit :

« Maître, Les insinuations malveillantes que vous portez dans votre lettre du 1er décembre 2004, afin de faire en sorte que mes conclusions soient mises en doute, ne méritent pas une réponse point par point comme je pourrais le faire.

J’ai reproduit les dires de votre patiente que je ne saurais inventer. L’affirmation du fait qu’elle marchait avec DES BEQUILLES est totalement fausse. Elle est venue à mon cabinet avec une seule canne anglaise et c’est bien différent. Je l’ai d’ailleurs indiqué dans mon rapport 4ème ligne, page n° 4.

La demande qui m’est faite par le Tribunal est de dire si elle a besoin DE BEQUILLES (au pluriel) ou d’une chaise roulante pour se déplacer, entraîne forcément une réponse négative.

De plus, je l’ai observée au départ de mon cabinet jusqu’à l’arrêt des cars où une voiture a été garée. Elle marchait avec sa canne anglaise dans de bonnes conditions.

La deuxième question du Tribunal était de savoir si elle était capable de faire seule ou de façon continue de plus de 100 m en marchant, elle les a largement dépassés.

En effet, non seulement elle m’avait indiqué comme précisé page 4 dans mon rapport, qu’elle pouvait marcher jusqu’à 200 m avant d’avoir mal mais c’est ce qu’elle a fait en quittant mon cabinet.

De la sortie de mon cabinet jusqu’au premier réverbère il y a 30 m. Ensuite il y a 6 réverbères + un intervalle d’une moitié pour atteindre l’endroit où stationnait la voiture et l’arrêt des autobus.

Entre chaque réverbère il y a 29,5 ms. Soit en tout 207 ms depuis mon cabinet … On dépasse largement les 100 ms mentionnés sur ma mission et je ne l’ai pas vu s’arrêter.

Je n’ai donc pas à modifier mes conclusions.

Je vous prie de croire, Maître, l’expression de mes sentiments distingués ».

La demanderesse a fait déposer un mémoire complémentaire à travers lequel elle se prévaut d’une attestation testimoniale pour corroborer son exposé qu’elle se serait rendue le 5 juillet 2004 au cabinet de l’expert non pas en voiture mais en train et qu’elle se déplacerait toujours en utilisant des béquilles. Elle affirme que l’expert se serait permis d’interpréter les termes légaux « de béquilles » en passant sous silence le fait qu’elle aurait marché à l’aide d’une canne anglaise le jour de son examen par l’expert et que le terme « béquilles » utilisé dans le règlement grand-ducal du 31 janvier 2003 concernant la création et l’utilisation d’une carte de stationnement pour personnes handicapées serait un terme général qui pourrait viser le singulier ou le pluriel, de manière que les personnes se déplaçant à l’aide d’une seule béquille ne pourraient pas être exclues de son champ d’application et que l’usage dans son chef d’une canne anglaise devrait pareillement être reconnu.

Aux termes de l’article 1er du règlement grand-ducal prévisé du 31 janvier 2003, « il est créé une carte de stationnement pour personnes handicapées, dont le handicap induit une mobilité réduite.

Par handicapé au sens du présent règlement, on entend - les personnes incapables de faire seules et/ou de façon continue plus de 100 m, - les personnes se déplaçant à l’aide de béquilles ou d’une chaise roulante, - les aveugles.

La durée du handicap doit dépasser six mois, en vue de pouvoir donner lieu à l’établissement de la carte visée au premier alinéa. Dans le cas des personnes ne remplissant pas cette condition au moment de la demande en obtention de la carte, la procédure d’examen de la demande prévue à l’article 3 ci-après porte en outre sur la durée prévisionnelle du handicap.

Dans des cas exceptionnels, dûment justifiés par un grave handicap physique, le ministre des Transports peut délivrer une carte de stationnement à d’autres personnes que ceux visées par les critères énumérés ci-avant ».

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

Lorsqu’il a ordonné une expertise afin de voir établies l’existence et l’exactitude de ces faits, le tribunal n'est appelé à s'écarter de l'avis de l'expert par lui commis qu'avec une grande prudence dès lors qu'il a de justes motifs d'admettre que l'expert s'est trompé ou lorsque l'erreur de celui-ci résulte d'ores et déjà soit de son rapport, soit d'autres éléments acquis en cause (trib. adm. 22 mai 2000, n° 11143, confirmé par Cour adm. 3 octobre 2000, n° 12031C, Pas. adm. 2004, v° Procédure contentieuse, n° 355, et autres décisions y citées).

En l’espèce, l’expert retient, suite aux contestations afférentes de la demanderesse, de manière formelle dans son courrier du 6 décembre 2004 qu’il maintient sa conclusion que la demanderesse est capable de faire seule ou de façon continue plus de 100 mètres en marchant, que la demanderesse lui a fait une déclaration en ce sens lors de son examen et qu’il a observé la demanderesse le 5 juillet 2004 au départ de son cabinet pour constater qu’elle marchait avec sa canne anglaise dans de bonnes conditions sur une distance de 200 mètres vers l’endroit où stationnait une voiture et où se trouve l’arrêt d’autobus.

Ces conclusions et exposé des faits de l’expert commis par le tribunal ne se trouvent pas utilement énervés par la demanderesse alors même qu’elle conteste son affirmation dans le rapport d’expertise qu’elle serait « venue seule au volant de sa voiture » à son examen par la production d’une attestation testimoniale selon laquelle elle aurait emprunté les transports publics. En effet, dans son courrier du 6 décembre 2004, l’expert précise qu’il a observé la demanderesse lors de son déplacement vers l’endroit où se trouvait à la fois une voiture garée et l’arrêt d’autobus sans affirmer qu’elle aurait ensuite conduit cette voiture.

Il y a donc lieu de conclure que la demanderesse ne tombe pas dans le champ d’application de la première hypothèse d’handicap visée par l’alinéa 2 de l’article 1er du règlement grand-ducal prévisé du 31 janvier 2003.

En ce qui concerne la deuxième hypothèse d’handicap y définie par le déplacement à l’aide de béquilles ou d’une chaise roulante, il y a lieu d’admettre que la ratio legis de cette disposition implique qu’elle vise les cas où une personne ne peut plus accomplir les mouvements de la marche sans une aide mécanique, mais non pas les cas où une personne fait usage d’une aide mécanique pour la faire supporter une partie de son poids afin de faciliter les mouvements de la marche qu’elle peut encore accomplir, sur une distance plus ou moins grande, de manière autonome, ce dernier cas étant plutôt visé par la première hypothèse d’handicap relative à l’incapacité de se déplacer seul, avec ou sans une telle aide mécanique, sur une distance de 100 mètres.

Or, dans la mesure où il se dégage en l’espèce de l’ensemble des éléments en cause que l’usage d’une canne anglaise par la demanderesse n’a pas pour finalité de lui permettre la marche qui serait autrement presque impossible, mais de lui faciliter la marche sur des distances plus conséquentes, sa situation ne peut pas être considérée comme rentrant dans la deuxième hypothèse visée par l’alinéa 2 de l’article 1er du règlement grand-ducal prévisé du 31 janvier 2003.

Il découle de l’ensemble de ces développements que c’est à bon droit que le ministre a refusé à la demanderesse la délivrance d’une carte de stationnement pour personnes handicapées et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, vidant le jugement du 14 juin 2004, déclare le recours en annulation non fondé et en déboute, condamne la demanderesse aux frais, y compris ceux de l’expertise.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 16 mars 2005 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17368a
Date de la décision : 16/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-16;17368a ?

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