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14/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18945

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2005, 18945


Tribunal administratif N° 18945 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18945 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ

€™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Montén...

Tribunal administratif N° 18945 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18945 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), tous les deux de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004, refusant de faire droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 29 octobre 2004 rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 7 mars 2005 en présence de Maître Olivier LANG, en remplacement de Maître Claude DERBAL et de Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui se sont tous les deux rapportés à leurs écrits respectifs.

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En date du 9 février 2004, les époux … et … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus en date du même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément en date du 16 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 6 septembre 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 13 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les époux …-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif que leurs dires reflèteraient davantage un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et que les personnes qui leur auraient envoyé des lettres anonymes et qui les auraient menacé par téléphone ne sauraient être assimilées à des agents de persécution au sens de ladite Convention. Le ministre a relevé ensuite que faute de connotation raciale, religieuse, ethnique ou politique précise, ces menaces ne pourraient qu’être assimilées à des délits de droit commun, tout en relevant que les intéressés ont pu porter plainte avec succès puisque la police, d’après leurs déclarations, aurait augmenté ses patrouilles. Le ministre a relevé finalement que le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire où des risques de persécution seraient à craindre.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de leur mandataire du 14 octobre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 29 octobre 2004.

Ils ont encore complété leur dossier par des pièces supplémentaires soumises au ministre le 23 novembre 2004.

Le 6 décembre 2004, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions ministérielles des 6 septembre et 29 octobre 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, et non autrement contesté à cet égard, est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que suite au conflit du Kosovo, Monsieur … se serait engagé dans la vie politique au sein de l’UCK pour en définitif rallier le PDK et qu’il aurait occupé un poste actif au sein de ces partis politiques, en l’occurrence celui de vice-président du comité du parti pour la commune de Z.

Ainsi depuis 2003, ils auraient commencé à recevoir régulièrement des menaces par téléphone de la teneur « on va te liquider, en va te faire disparaître, tu sera tué », de sorte qu’eu égard au caractère répété de ces menaces, ils se seraient adressés à la police de S. qui n’aurait cependant pas pris cette plainte au sérieux et aurait simplement promis d’effectuer des patrouilles plus régulières. En dépit de leur crainte ils seraient cependant restés au Kosovo jusqu’à ce que, vers la mi-janvier 2004, quatre personnes masquées et armées se seraient présentées à leur domicile et auraient déclaré, en l’absence de Monsieur …, à son épouse qu’ils seraient à sa recherche. Eu égard au fait que trois assassinats auraient été commis dans la commune voisine de … et à l’escalade générale des exactions commises sans que les autorités en place ne se révèlent capables d’assurer la sécurité des personnes concernées, ils auraient ainsi décidé de prendre la fuite et de se diriger vers le Luxembourg.

Ils reprochent au ministre de ne pas avoir apprécié à leur juste valeur les faits par eux invoqués et font valoir qu’en raison du caractère politique des menaces dont ils auraient fait l’objet, ils rempliraient les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, eu égard notamment au fait que la police n’aurait pas été à même de leur assurer une protection valable.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours. Il fait valoir pour le surplus que l’arrière-fond politique des menaces invoquées ne serait pas établi et que la simple appartenance à un parti politique ne serait pas suffisante pour valoir l’octroi du statut de réfugié. Il renvoie pour le surplus à l’évolution de l’état général dans l’Etat de Serbie et de Monténégro dans le sens d’une amélioration au regard notamment des garanties en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leur audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater qu’au-delà de menaces émanant de personnes inconnues et non directement rattachables aux activités politiques de Monsieur …, les demandeurs n’ont pas fait état de persécutions personnellement subies, mais se sont référés plutôt à la situation générale d’insécurité dans leur pays d’origine. Ils restent néanmoins en défaut d’établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place, étant entendu que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Eu égard aux déclarations des demandeurs et aux moyens apportés en cours d’instance, le tribunal arrive à la conclusion que les raisons ayant poussé les demandeurs à quitter leur pays d’origine ont trait d’une manière générale aux tensions d’après-guerre au Kosovo et que partant leur situation individuelle ne se distingue pas fondamentalement de celle de leur concitoyens globalement considérés, qui, même si c’est à des degrés variables, doivent tous faire face aux difficultés de cette situation.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18945
Date de la décision : 14/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-14;18945 ?

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