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14/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18863

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2005, 18863


Tribunal administratif N° 18863 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18863 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et

Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la...

Tribunal administratif N° 18863 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18863 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2004 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 août 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 11 octobre 2004 prise par ledit ministre suite à un recours gracieux introduit par le demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Olivier LANG, en remplacement de Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 28 février 2005.

Le 10 mars 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Le 6 mai 2004, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 18 août 2004, lui envoyée par courrier recommandé le 1er septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’il n’invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social.

Suite à un recours gracieux, formulé par le mandataire de Monsieur …, suivant un courrier du 4 octobre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma le 11 octobre 2004 sa décision initiale du 18 août 2004.

Le 16 novembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles citées ci-avant.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision est fondée sur les faits que les membres de l’AKSH ne se seraient présentés qu’une seule fois à son magasin de vêtements et que Monsieur … aurait bénéficié de la protection de la KFOR. A ce sujet il fait remarquer que même si les membres de l’AKSH ne se seraient présentés qu’une seule fois, il aurait relaté au rapport d’audition qu’après sa fuite les membres de l’AKSH auraient adressé des menaces à son père, ce qui démontrerait qu’il ne s’agirait pas d’un fait unique et que la crainte de persécution serait toujours actuelle. Il souligne également que la KFOR ne se serait pas trompée sur le caractère sérieux des menaces pesant sur lui étant donné qu’il aurait été caché pendant plusieurs jours par la KFOR pour finalement être amené à la frontière avec la Macédoine. Il souligne également que la police agissant dans le cadre de l’UNMIK lui aurait déclaré qu’elle était dans l’incapacité de le protéger à l’encontre de l’AKSH. Il se réfère encore à un rapport de l’UNHCR du 1er avril 2004 pour faire valoir qu’on ne saurait parler de protection adéquate, dans la mesure où la protection devrait être accessible au moment même de la persécution ce qui ne serait pas le cas au Kosovo. Il termine qu’il n’aurait pas eu une possibilité de fuite interne, ni en Macédoine, ni dans un autre endroit de l’Etat de Serbie et Monténégro. A cet effet il se base encore sur un rapport de l’UNHCR d’août 2004 sur la situation des minorités du Kosovo.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de retenir que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur fait essentiellement état de menaces de la part d’une organisation armée, à savoir l’AKSH.

Concernant la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution provenant des membres de l’ASKH, force est de constater qu’il se prévaut de menaces émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce le demandeur reste en défaut de faire valoir que les autorités en place encourageraient, sinon toléreraient de tels actes. A cela s’ajoute que les événements mis en avant par Monsieur … ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant afin de valoir comme motif de persécution au sens de la Convention de Genève.

A ce titre c’est à bon droit que le ministre fait noter que « les personnes qui vous auraient contraint de fermer votre magasin ne se sont présentées qu’une seule fois, à deux. Ils ne vous auraient pas maltraité, selon vous. Je note également que vous avez été protégé par la KFOR ». La simple affirmation par Monsieur …, lors de son audition, que les membres de l’AKSH auraient également adressé des menaces à son père ne saurait imprégner à cet événement le caractère de gravité et d’actualité suffisants afin de valoir comme motif de persécution au sens de la Convention de Genève. Au vu de ces considérations, il résulte que les craintes dont le demandeur fait état, s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Etant donné que la décision de refus est suffisamment motivée par ce seul moyen il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs encore invoqués par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration et les moyens afférents présentés par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18863
Date de la décision : 14/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-14;18863 ?

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