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14/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18805

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2005, 18805


Numéro 18805 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2003 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par Madame …, … (B) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 200

4 par Maître Antoine MEYNIAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats...

Numéro 18805 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2003 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par Madame …, … (B) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’exercer la profession d’expert-comptable

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2004 par Maître Antoine MEYNIAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à B- … , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 4 août 2001 portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation d’établissement pour la profession d’expert-comptable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Antoine MEYNIAL et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005.

Le 9 octobre 2003, Madame … introduisit auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », une demande en vue de l’exercice de l’activité d’expert-comptable au Grand-Duché de Luxembourg.

Suite à un avis négatif du 2 août 2004 rendu par la commission instituée par l’article 2, alinéa 1er de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par la « loi d’établissement », le ministre rendit en date du 4 août 2004 une décision négative, motivée comme suit :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que l’exercice de la profession d’expert comptable est soumis à la possession d’un des titres prévus à la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et à l’article 19, (1), c) et «(2) de la loi susmentionnée.

Or, le diplôme de Madame … ne sanctionne pas un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières et ne correspond donc pas aux exigences de l’article 19, (1), c) précité.

Dans ces conditions, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête pour défaut d’accomplissement des conditions de capacité professionnelle requises. » Par requête déposée le 3 novembre 2004, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 4 août 2004.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que si son diplôme de graduat en comptabilité ne sanctionne certes pas un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières, force serait tout d’abord de constater qu’en 1982, date d’obtention dudit diplôme, ces graduats ne s’enseignaient qu’en deux années et qu’il ne lui aurait donc pas été possible de suivre ce cycle sur une période de trois années. Elle relève ensuite qu’au vu de l’emploi du temps fourni par la Haute école de la province de Liège Léon-Eli Troclet, anciennement Ecole d’enseignement supérieur économique Jemeppe, et après analyse comparative avec les cours et matières prévus pour le graduat enseigné en trois années, il apparaîtrait essentiellement une première différence tenant à l’incorporation d’un stage en entreprise de 450 heures accomplies dans le cadre de la formation en trois ans. La demanderesse fait relever à cet égard qu’elle ne manquerait pas d’expérience professionnelle en matière comptable au vu de ses 20 années de carrière professionnelle passée. Après avoir présenté une comparaison minutieuse des différentes matières suivies par elle par rapport au diplôme sanctionné en trois ans, elle fait valoir en guise de conclusion que l’esprit de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement serait respecté en l’espèce dans la mesure où la différence entre les deux diplômes s’expliquerait avant tout par une expérience pratique, de fait incontestable dans son chef. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle aurait suivi une troisième année, qui tout en ne faisant pas partie d’un cycle unique, aurait quand-même été relative à la « formation complémentaire de conseiller pour gestion de moyennes et petites entreprises » dispensée par l’Institut belge des classes moyennes.

Le délégué du Gouvernement rétorque que pour obtenir l’autorisation d’établissement, le postulant doit disposer de la qualification professionnelle, conformément aux dispositions de l’article 3, alinéa 1er de la loi d’établissement et que pour exercer l’activité d’expert-comptable, le postulant doit avoir la qualification professionnelle requise soit par les dispositions du droit national, en l’occurrence les dispositions de l’article 19 (1) c) et (2) de la loi d’établissement, soit par les dispositions de la directive 89/48/CEE du 28 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionne des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, transposée en droit luxembourgeois par une loi du 13 août 1992. Il résulterait ainsi des dispositions légales que le postulant doit être titulaire d’un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, ou encore d’un diplôme d’études supérieures présentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences commerciales et sciences financières, accompagnées d’un stage de trois ans, étant précisé que ces diplômes devraient sanctionner une formation de niveau universitaire puisqu’ils devraient obligatoirement être inscrits au registre des diplômes.

Dans la mesure où le diplôme présenté par la demanderesse ne porterait que sur une durée de deux années, le ministre n’aurait donc pas pu le prendre en compte dans le cadre de l’application des dispositions communautaires et plus particulièrement de la directive 89/48/CEE précitée. Il fait valoir dans ce contexte que la profession d’expert-

comptable étant réglementée tant en Belgique qu’au Luxembourg, cette directive serait susceptible de trouver application en l’espèce, mais que la formation de Madame … ne saurait être assimilée à un diplôme ou à une formation au sens de ladite directive, faute de rencontrer les conditions des définitions du dernier alinéa de l’article 1er a) de ladite directive, en ce sens que même à admettre que son diplôme, pris isolément, corresponde aux exigences de la directive et permette l’accès au stage de la profession d’expert-

comptable en Belgique – quod non – Madame … n’y aurait pas pour autant complété sa formation théorique par le stage pratique requis en Belgique et ne pourrait donc y exercer la profession en question.

L’article 19 (1) c) de la loi d’établissement, à travers l’abrogation de son alinéa 1er que modifiée par l’article 43 de la loi du 10 juin 1999 portant organisation de la profession d’expert-comptable, énonce que « la qualification professionnelle des experts-comptables indépendants résulte de la possession de l’un des diplômes précisés ci-après et de l’accomplissement d’un stage de trois ans. Il en est de même des experts-comptables dont la qualification professionnelle est nécessaire aux sociétés aux fins d’autorisation d’établissement.

Sont considérés comme diplômes au sens de l’alinéa qui précède :

1. les diplômes de fin d’études délivrés par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, et 2. les diplômes d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Les modalités d’accomplissement du stage peuvent être fixées par règlement grand-ducal.

Les présentes dispositions ne préjudicient pas aux exigences particulières des lois fiscales à l’égard des personnes dont l’activité professionnelle consiste à donner des consultations en matière fiscale et à représenter les contribuables auprès des administrations et instances fiscales ».

Afin de prospérer dans sa requête à être admise à exercer au Grand-Duché la profession d’expert-comptable, le postulant doit partant pouvoir se prévaloir soit d’un diplôme de fin d’études délivré par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, soit d’un diplôme d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Force est encore de constater que l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement retient comme critère exclusivement la durée du cycle d’études effectivement suivi par le candidat qui doit correspondre à trois années au moment de sa délivrance et que ladite loi d’établissement ne comporte aucune disposition transitoire qui permettrait d’assimiler des études accomplies en deux années académiques à un cycle complet de trois années.1 Il s’ensuit que le graduat en comptabilité délivré en date du 30 juin 1982 à Madame … par l’Institut provincial d’enseignement supérieur économique ne répond pas aux exigences de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement.

Eu égard au caractère clair et non équivoque de ladite disposition légale, la conclusion ci-avant dégagée ne saurait être énervée par les développements de la demanderesse basés sur l’esprit de la loi, étant donné que l’esprit de la loi ne saurait être utilement invoqué qu’en cas de difficultés d’interprétation de la loi, hypothèse non vérifiée en l’espèce, de sorte que le tribunal ne saurait méconnaître les termes clairs de la loi et que l’esprit de la loi.

Quant à l’argumentation subsidiaire présentée par la demanderesse fondée sur l’accomplissement d’une formation complémentaire, force est encore de constater qu’eu égard aux exigences claires et précises relativement au caractère unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures du cycle sanctionné par le diplôme requis, c’est encore à juste titre que le ministre n’a pas pu utilement prendre en considération cette formation pour l’application de l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement.

Aucun autre moyen susceptible d’énerver la régularité de la décision litigieuse n’ayant été produit en cause, il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

1 Trib. adm. 19.3.2003, n°. 15412 Pas. adm. 2004 V° Autorisation d’établissement n° 91 p. 82 s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18805
Date de la décision : 14/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-14;18805 ?

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