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14/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18705

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2005, 18705


Tribunal administratif N° 18705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 octobre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par la société civile immobilière … s.c.i., … contre l’arrêté grand-ducal du 9 juillet 2004 portant constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette, au lieu-dit « in den Nonnenwiesen » en matière d’acte administratif à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 2004 par Maître Jacq

ues WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 18705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 octobre 2004 Audience publique du 14 mars 2005 Recours formé par la société civile immobilière … s.c.i., … contre l’arrêté grand-ducal du 9 juillet 2004 portant constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette, au lieu-dit « in den Nonnenwiesen » en matière d’acte administratif à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 2004 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière … s.c.i., établie à L-…, tendant à l’annulation de l’arrêté grand-ducal du 9 juillet 2004 portant constitution d’une zone de réserves foncières au profit du Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat à Esch-sur-Alzette, au lieu-dit « in den Nonnenwiesen » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 12 octobre 2004 portant signification de cette requête au Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2004 par Maître René DIEDERICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 7 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2005 par Maître René DIEDERICH au nom du Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 7 janvier 2005 portant signification de ce mémoire en réponse à la société civile immobilière … s.c.i., anciennement … s.c.i.;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 février 2005 par le mandataire de la société civile immobilière … s.c.i., notifié le 8 février au mandataire du Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2005 par le mandataire du Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 2 mars 2005, portant signification de ce mémoire en duplique à la société civile immobilière … s.c.i., anciennement … s.c.i.;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté grand-ducal attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maîtres Jacques WOLTER et René DIEDERICH ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mars 2005.

_______________________________________________________________________

Par requête déposée en date du 8 octobre 2004, la société civile immobilière … s.c.i. a fait introduire sur base des dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ensemble celles de l’article 15 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un recours en annulation dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 9 juillet 2004 portant constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette, au lieu-dit « in den Nonnenwiesen » et contenant déclaration d’utilité publique et autorisation d’expropriation en faveur du projet immobilier « Wunnen am Park » développé par le Fonds pour le Développement du Logement et de l’Habitat, ci-

après « le Fonds », publié au Mémorial A du 29 juillet 2004, p.1948.

Le respect du délai prescrit par l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée n’étant pas autrement critiqué, le recours en annulation est recevable ratione temporis.

La demanderesse, affirmant être propriétaire d’une parcelle située dans la zone de réserves foncières décrétée par l’arrêté grand-ducal attaqué, à savoir la parcelle n° 2770/15741, reproche à l’arrêté grand-ducal de ne pas avoir respecté, à l’occasion de son élaboration, la procédure prescrite par la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation publique.

Elle conteste encore l’utilité publique de l’expropriation projetée de la parcelle litigieuse au vu du caractère de sa situation, sise en bordure du projet immobilier poursuivi et dès lors dépourvue de toute utilité rendant son expropriation indispensable.

Elle fait encore plaider que le Fonds, initiateur et bénéficiaire de l’arrêté grand-

ducal déféré, aurait commis un excès de pouvoir viciant toute la procédure en précisant à ce sujet que le Fonds aurait indûment acquis la parcelle n° 2770/15741 du précédent propriétaire de cette dernière, mais que le Fonds persisterait dans son erreur bien qu’informé de cette erreur par la demanderesse, propriétaire actuelle de la parcelle en question.

Le délégué du Gouvernement soulève à titre principal l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité, en soulignant que la société civile immobilière … s.c.i. aurait changé de dénomination sociale avant le dépôt de la requête, pour s’appeler maintenant « société civile immobilière … s.c.i. », Messieurs XXX et YYY ne faisant plus partie de la société. Elle estime que la nouvelle dénomination induisant « du moins en erreur », il conviendrait de déclarer le recours irrecevable.

Le Fonds pour sa part soulève l’irrecevabilité du recours du fait que les noms, professions et domiciles de tous les associés ne seraient pas indiqués dans l’acte introductif d’instance. Il rejoint encore la partie étatique en soulevant également l’indication erronée de la dénomination sociale de la demanderesse, indication erronée susceptible d’induire en erreur.

Il ressort d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 7 octobre 2004, versé en cause par la partie demanderesse, que celle-ci a changé de dénomination sociale pour s’appeler dorénavant « … s.c.i. », cette modification reflétant un changement au niveau des associés, seules Mesdames ZZZ et … demeurant au sein de ladite société en cette qualité.

Si l’article 1er, deuxième alinéa de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée dispose que : « la requête, qui porte date, contient : (…) les noms, prénoms et domicile du requérant, (…) », cette prescription est cependant à lire de concert avec l’article 29 de la même loi qui précise que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense » (voir aussi trib. adm. 5 mars 1997, n° 9196 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 195, p. 593 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que les parties défenderesses ne se sont aucunement mépris sur l’identité effective de la demanderesse, le Fonds redressant d’ailleurs de lui-même tant dans ses écrits que dans les exploits d’huissier afférents l’erreur commise par la demanderesse dans l’indication de sa désignation sociale, de sorte que les parties défenderesses ne sauraient se prévaloir d’une quelconque lésion résultant per se de l’indication erronée de la désignation sociale de la demanderesse.

Le Fonds estime cependant que la désignation erronée porterait à conséquence, étant donné qu’elle se combinerait avec le fait que la société civile n’aurait pas esté au nom de tous les associés, laissant de la sorte entendre que la société esterait en justice au nom des associés XXX, … et YYY, Messieurs XXX et YYY n’étant cependant plus associés.

Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, « les sociétés dont l’objet est civil et qui se placent sous le régime des articles 1832 et suivants du Code civil (…) constituent (…) une individualité juridique distincte de celle des associés, et les exploits pour ou contre ces sociétés sont valablement faits au nom de la société seule ».

Il résulte de cet article que la société civile constitue une personne morale distincte de ses associés qui, lorsqu’elle este en justice, que ce soit en tant que demanderesse ou en tant que défenderesse, le fait valablement en son nom propre, sans que l’exploit introductif d’instance ne doive être déposé au nom des associés, de sorte que le risque de confusion dont se prévaut le Fonds ne saurait être retenu.

L’indication des noms de tous les associés n’étant pas prescrite par la loi, le moyen d’irrecevabilité tiré par le Fonds du fait que les professions et domiciles de tous les associés ne seraient pas indiqués dans l’acte introductif d’instance est par conséquent à rejeter.

Il s’en suit que les moyens d’irrecevabilité tenant à la désignation sociale erronée de la demanderesse sont à écarter, de sorte que le recours est à déclarer recevable en la pure forme.

Les parties défenderesses se rejoignent encore pour soulever l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société demanderesse, en lui contestant la qualité de propriétaire en ce qui concerne la parcelle n° 2770/15741. Le Fonds se prévaut à ce sujet d’un acte notarié du 28 novembre 2003 passé par-devant le notaire Blanche MOUTRIER, de résidence à Esch-sur-Alzette, dont il ressortirait que la parcelle litigieuse, d’une contenance de 12,47 ares, lui aurait été cédée par Monsieur Alfred YYY.

La partie demanderesse résiste à cette affirmation en se prévalant pour sa part d’un compromis de vente daté du 25 juin 1979 par lequel le prédit … YYY aurait vendu aux consorts XXX et … une partie de la parcelle n° 2770 ainsi que de l’acte de constitution de la société immobilière, dont il résulte que Monsieur … YYY a fait en date du 5 septembre 1979 l’apport à la demanderesse d’un pré « faisant partie du numéro cadastral 2770, lieu-dit « in den Nonnenwiesen », contenance 12,47 ares », ce pré étant désigné en tant que « lot 1 » sur un plan de situation levé et dressé le 16 juin 1977 par le géomètre de la Ville d’Esch-sur-Alzette et confirmé par l’administration du Cadastre.

Une satisfaction certaine et personnelle d'un droit, nécessaire pour qualifier l'intérêt à agir, ne saurait être tirée de l'annulation d'un acte que dans la mesure où ce dernier a lésé un droit légalement établi, se trouvant à la base de l'intérêt du demandeur (trib. adm.27 janvier 1999, n° 10858, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 9, p.553), de sorte que le tribunal est appelé à examiner si l’intérêt que la demanderesse met en exergue pour justifier son action en justice est vérifié à suffisance en l’espèce.

Le tribunal, outre les contestations clairement affirmées de part et d’autre quant au titre de propriété relatif à la parcelle n° 2770/15741, est encore amené à constater, à l’analyse des pièces versées au dossier, une incertitude quant à l’assiette précise de la parcelle en cause. En effet, si la partie demanderesse affirme que la parcelle n° 2770/15741 trouverait son origine dans le morcellement d’une parcelle initiale n° 2770, le Fonds du Logement verse en cause un courrier émanant du notaire … daté du 28 février 2005, dont il ressort que la parcelle litigieuse n° 2770/15741 constituerait en fait une partie de la parcelle n° 2769/14704, partie ayant obtenu une nouvelle désignation cadastrale, cette parcelle n° 2769/14704 n’ayant cependant pas la même assiette que le lot n° 1 de la parcelle n° 2770 tel qu’indiqué par le susdit plan de situation dressé par le géomètre de la Ville d’Esch-sur-Alzette.

Or ces questions de propriété immobilière, qui s’analysent exclusivement en contestations portant sur des questions de droit civil, ne sauraient être tranchées par le tribunal, la juridiction administrative étant incompétente pour se prononcer sur l'existence ou l'étendue du droit de propriété dont se prévaut la demanderesse.

La condition de propriétaire conditionnant cependant en l’espèce tant la qualité que l’intérêt à agir de la société demanderesse, le tribunal se voit amené à surseoir à statuer, en attendant que les tribunaux de l’ordre judiciaire aient définitivement tranché les contestations relatives au droit de propriété sur la parcelle litigieuse n° 2770/15741.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la pure forme ;

pour le surplus surseoit à statuer en attendant que les tribunaux de l’ordre judiciaire aient tranché définitivement les contestations relatives à l'existence ou l'étendue du droit de propriété affirmé par la demanderesse relatif à la parcelle litigieuse n° 2770/15741 ;

réserve les frais ;

fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18705
Date de la décision : 14/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-14;18705 ?

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