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09/03/2005 | LUXEMBOURG | N°18796

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 mars 2005, 18796


Tribunal administratif N° 18796 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 Octobre 2004 Audience publique du 9 mars 2005 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en matière d’aide financière de l’Etat pour études supérieures

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18796 du rôle, déposée le 29 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Madame …, …, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision ...

Tribunal administratif N° 18796 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 Octobre 2004 Audience publique du 9 mars 2005 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en matière d’aide financière de l’Etat pour études supérieures

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18796 du rôle, déposée le 29 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 1er mars 2004 portant rejet de sa demande en octroi d’une prime d’encouragement, ainsi que d’une décision confirmative ainsi désignée prise par le même ministre le 22 avril 2004, respectivement le 27 juillet 2004, prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2005 ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 février 2005.

Par un formulaire du 7 octobre 2003, Madame…, de nationalité ukrainienne, mariée à un ressortissant français, sollicita l’octroi d’une prime d’encouragement telle que prévue par la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, dans le cadre de ses études de « Technologie de gestion » au Centre universitaire de Luxembourg.

Par une décision du 1er mars 2004, le ministre de ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après « le ministre », refusa la prime d’encouragement à Madame… dans les termes suivants : « En réponse à votre demande concernant une prime d’encouragement prévue par la loi du 22 juin 2000, nous avons le regret de vous informer que vous ne remplissez malheureusement pas les conditions prévues à l’article 2. d de la loi du 22 juin 2000.

En effet, cet article stipule que pour bénéficier de l’aide financière, il faut : « être ressortissant d’un autre Etat tiers ou être apatride au sens de l’article 23 de la Convention relative au statut des apatrides faite à New York le 28 septembre 1954, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et y avoir résidé effectivement pendant 5 ans au moins avant la présentation de la première demande et être détenteur d’un diplôme ou d’un certificat de fin d’études secondaires luxembourgeois ou reconnu équivalent par le ministre ayant dans ses attributions l’éducation nationale ».

Conformément à l’article 1.1 de ladite loi, cette condition s’applique à l’allocation d’une aide financière sous la forme de bourses, de prêts, avec ou sans charge d’intérêts, de subventions d’intérêts et de primes d’encouragement. » Le 27 mars 2004, Madame… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus. Elle fit préciser qu’elle est l’épouse d’un ressortissant communautaire et souligne qu’un jugement du tribunal administratif du 2 février 2004 (n° du rôle 16868) aurait décidé que sa situation rentrerait dans les dispositions du règlement CEE n° 1612/68, de sorte qu’en bénéficiant du statut communautaire dérivé elle tomberait dans les prévisions de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures. Elle fait ajouter que même au cas où elle serait considérée comme une ressortissante d’un Etat tiers elle résiderait légalement depuis plus de 5 ans sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Par un courrier du 22 avril 2004, le ministre, en se référant au recours gracieux, demanda la production d’une copie de l’autorisation de séjour de Madame….

Le 28 avril 2004, Madame… fit préciser à travers un courrier de son avocat, que le ministre ne saurait valablement exiger une autorisation de séjour étant donné que le jugement du 2 février 2004 aurait précisé qu’elle aurait droit à un séjour sur base du droit communautaire.

Le 27 juillet 2004, le ministre fit parvenir au mandataire de Madame… un courrier libellé comme suit : « En réponse à votre missive du 28 avril 2004, je ne puis que confirmer le contenu de mon courtier du 22 avril 2004, à savoir que le dossier de Madame Olga… ne pourra être traité que lorsque le service des aides financières disposera d’une copie de l’autorisation de séjour de Madame… ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 octobre 2004, Madame… fit déposer un recours en annulation à l’encontre de la décision de refus du 1er mars 2004 et à l’encontre de celles ainsi désignées des 22 avril et 27 juillet 2004.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le recours en annulation ayant été déposé dans les formes et délai de la loi est recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision du 1er mars 2004.

Concernant le recours en ce qu’il est dirigé contre les décisions ainsi désignées des 22 avril et 27 juillet 2004, force est de constater que ces courriers ne revêtent aucun élément décisionnel dans la mesure où le service compétent demande seulement des pièces supplémentaires afin de pouvoir traiter le dossier, de sorte que le recours en annulation introduit à leur encontre est irrecevable.

En premier lieu, Madame… se rapporte à la prudence du tribunal quant à la qualité de l’auteur de la décision tant au regard des dispositions applicables en matière de la délégation de pouvoir qu’au regard de la pure forme de la décision attaquée.

Un administré qui conteste la qualité du signataire d’un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l’arrêté grand-ducal du 22 décembre 2000 concernant les délégations de signature par le Gouvernement n’ont pas été respectées. Il lui appartient, le cas échéant, de s’enquérir au ministère d’Etat si la signature apposée sur la décision attaquée est conforme au spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l’article 3 de l’ordonnance précitée1. Or en l’espèce la demanderesse reste en défaut de spécifier en quoi ces dispositions auraient été violées, de sorte que le moyen est à rejeter.

Madame… fait valoir ensuite que ce serait à tort que la décision du 1er mars 2004 aurait motivé son refus en prenant appui sur l’article 2 d) de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, en ce qu’elle ne serait pas à considérer comme une ressortissante d’un pays tiers, étant donné qu’elle est mariée à un ressortissant français résidant au Luxembourg. Elle estime que sa situation juridique rentrerait dans les prévisions des règles communautaires en matière de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté européenne et que de la sorte aucune condition supplémentaire ne saurait être exigée dans son chef. En s’appuyant sur le jugement du tribunal administratif du 2 février 2004, lequel lui aurait reconnu le bénéfice du statut communautaire dérivé, elle argue qu’elle tomberait dans les prévisions de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures.

Le délégué du Gouvernement estime que dans la mesure où le tribunal, devant analyser la situation sur base des éléments de fait tels qu’ils existaient au moment où la décision ministérielle a été prise, devrait arriver à la conclusion qu’à cette époque, le ministre aurait fait une application exacte de la loi, la preuve de la qualité de citoyen communautaire n’ayant pas été rapportée.

Force est de constater qu’au vu des pièces présentées lors de l’introduction de la demande en vue de l’octroi d’une prime d’encouragement, le ministre a pu considérer Madame… comme ressortissante d’un pays tiers, étant donné qu’elle est de nationalité ukrainienne, pays ne faisant actuellement pas partie de l’Union européenne.

De même le tribunal ne saurait suivre le raisonnement fait par la partie demanderesse en ce que le jugement du tribunal administratif du 2 février 2004 lui aurait reconnu « le statut communautaire dérivé », de sorte qu’elle serait ipso facto à reconnaître comme une ressortissante d’un Etat membre et tomberait dès lors sous l’article 2, b) de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures en ce qu’il dispose que « b) être ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union Européenne, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) No 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté».

En effet, le jugement dont question a eu trait à un litige dans le cadre de l’octroi d’une autorisation de séjour à la demanderesse, question différente de celle actuellement 1 Cf. TA 27 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Actes administratifs, n° 57, p. 26.

déférée au tribunal. Le jugement, conformément à la législation européenne et nationale existant en la matière, a retenu que Madame…, de nationalité ukrainienne, mariée à un ressortissant français travaillant et demeurant au Luxembourg, a le droit de s’installer avec lui au Luxembourg et de bénéficier des dispositions réglementaires applicables aux ressortissants des Etats membres. S’il est certes exact que le jugement du 2 février 2004 a retenu « que c’est à tort que le ministre de la Justice a refusé l’autorisation de séjour au profit de Madame…, étant entendu qu’en sa qualité de ressortissante d’un Etat tiers, assimilée à un ressortissant communautaire, Madame… avait droit à la délivrance d’une autorisation de séjour au même titre que les ressortissants communautaires habitant au Luxembourg » , il n’en saurait être extrapolé que ce jugement lui aurait « reconnu le bénéfice du statut communautaire dérivé ». En effet ce n’est qu’en vertu de dispositions de droit positif, y compris son application jurisprudentielle, notamment de la CJCE en résultant, qu’un membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, peut bénéficier de façon dérivée de certains droits dont bénéficie le travailleur ou le citoyen européen. Il en résulte que même si Madame…, ressortissante d’un pays tiers, mariée à un ressortissant d’un pays membre de l’Union européenne, a pu profiter en matière de droit de séjour des mêmes dispositions applicables aux ressortissants communautaires, cela ne veut pas dire que Madame… serait à considérer dès à présent dans toutes les autres matières comme une ressortissante communautaire. Dès lors, il ne saurait pas non plus être reproché au ministre de n’avoir pas considéré Madame… comme étudiante ressortissante d’un autre Etat membre et de ne pas lui avoir appliqué d’office les conditions telles qu’énoncées à l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures.

Madame… fait ensuite valoir que l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, tout en précisant qu’à supposer qu’il s’applique dans la présente affaire, en ce qu’il exige en plus des ressortissants des autres Etats membres d’être domiciliés au Luxembourg créerait une inégalité de traitement en violation de différentes dispositions communautaires, visant à empêcher des discriminations au niveau de l’égalité de traitement énoncée par l’article 7 du règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. Elle estime qu’en sa qualité d’étudiante au Centre universitaire elle pourrait réclamer, conformément aux dispositions de l’article 7, paragraphe 2 du règlement CEE n° 1612/68, l’allocation de la prime d’encouragement dans les mêmes conditions que les étudiants luxembourgeois.

Force est de constater que la demanderesse, hormis la référence au jugement du tribunal administratif cité ci-avant, qu’elle estime devoir être transposé mutatis mutandis à sa propre situation, reste en défaut de formuler un quelconque argument juridique justifiant sa thèse selon laquelle, en dépit de sa nationalité ukrainienne, elle serait à considérer en tant que ressortissante communautaire. En effet, elle n’a soumis au tribunal aucun autre élément lui permettant de retenir qu’elle pourrait bénéficier en matière d’octroi d’une aide financière de l’Etat pour études supérieures, des mêmes droits qu’en matière de séjour.

Par ailleurs, même à admettre que Madame… puisse être considérée comme ressortissante communautaire, elle reste en défaut d’établir, voire seulement d’avancer une argumentation en fait et en droit selon laquelle elle remplirait les conditions imposées par l’article 2 b) précité, à savoir notamment celles de tomber dans le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement CEE n° 1612/68. En effet avant de soutenir que l’article 2 b) violerait le droit communautaire, il lui aurait appartenu d’apporter la preuve qu’elle tombe sous le champ d’application des articles 7 et 12 du règlement CEE n° 1612/68.

En effet, au delà de la question de l’application desdits articles à la situation du conjoint d’un ressortissant communautaire, le tribunal ignore en quelle qualité, Madame… demande le bénéfice de l’égalité de traitement, en tant que membre de famille à charge ou en tant que travailleur.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter en l’état comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision litigieuse du 1er mars 2004 ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 mars 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président ;

Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18796
Date de la décision : 09/03/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-03-09;18796 ?

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